« Chacun de nous, je crois, à Londres et à Vienne, à Berlin et à Madrid, à Athènes et à Varsovie, à Rome et à Paris, à Sofia et à Belgrade, doit ressentir le même drame. Chacun de nous est le dernier des Européens. Je suis le prince débile issu d'une lignée de colosses et qui va peut être clore une race. »
Cet avertissement prophétique ouvre Le Testament d'un Européen(1) paru en deux volumes en 1964 aux éditions de la Table Ronde.
Son auteur, Jean de Brem, est mort un an plus tôt à l'âge de 27 ans. Cet ancien officier du 2e REP devenu journaliste militait activement à l'OAS. Les flics du régime l'assassinent en plein coeur de Paris alors qu'il corrigeait les épreuves de son essai, d'où les derniers chapitres moins développés.
Histoire de l’Europe-Nation
Brem retrace l'histoire du fait européen dans une perspective ouvertement nationale-continentale. « Profondément européen, je me sens solidaire de tous les malheurs de ma Nation, je pleure les morts de Berlin, de Poznan et de Budapest comme ceux de Dien-Bien-Phu, de Oued-Zem et d'Elisabethville. » Si la Grèce reste « la naissance de l'esprit » européen, c'est au Moyen Âge que les civilisations européennes s'épanouissent pleinement. Il n'oublie pas en effet « la survivance du message antique » qu'est Byzance. Jean de Brem regrette en revanche le non-mariage de Charlemagne avec l'impératrice byzantine Irène, cette réunification manquée. Le traité de Verdun conclu entre Carolingiens inaugure une longue
tragédie. « Jamais, après 843, l'Europe occidentale ne retrouvera son unité. (...) C'en est fait de l'unité politique occidentale. Par contre, l'Allemagne et la France, ces deux "ennemis intimes" viennent de naître face à face. »
Un vitalisme héroïque
Jean de Brem salue l'action des peuples d'Europe au cours des âges. Il en célèbre les grandes victoires (Champs Catalauniques, Poitiers, Lépante). Il se félicite qu'à l'aube de la Renaissance, « la découverte et la conquête du monde sont une victoire de l'Europe. L'Espagne à l'Occident, le Portugal à l'Orient, précèdent le cortège des nations ». Son vitalisme se trouve borné par son catholicisme. Il n'apprécie ni l'empereur Julien, ni Frédéric II de Hohenstaufen. Il regrette aussi les échecs de Charles Quint et de Napoléon. « Il s'en faudra de très peu que l'Europe conquise ne devienne par sa nouvelle unité, l'Europe conquérante INDIVISIBLE, maîtresse UNIQUE d'un prince européen tout-puissant. » Jean de Brem misait beaucoup sur une construction européenne naissante. Son ouvrage incite à la poursuite de l'union de tous les Européens.
1) Déterna, 651 pages, 41 euros
Georges Feltin-Tracol Réfléchir&Agir N° 59 Été 2018
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