mardi 3 mars 2020

Quand les Américains bombardaient les villes françaises

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L'Amérique a pour habitude de dénoncer les crimes de ses ennemis pour justifier, en toute bonne conscience, ceux qu'elle commet sur une plus grande échelle.
Après le bombardement d'un abri antiaérien d'un quartier résidentiel de Bagdad, qui a provoqué la mort d'environ quatre cents civils irakiens dans la nuit du 12 au 13 février, les autorités américaines ont prétendu qu'il s'agissait d'« un objectif militaire, un centre de commandement et de contrôle militaire qui adressait directement des instructions à la machine de guerre irakienne ». Et Martin Fitzwater, porte-parole de la Maison-Blanche, a précisé « Nous ne savons pas pourquoi des civils se trouvaient à cet endroit. Mais nous savons que Saddam Hussein ne partage pas notre respect de la vie humaine. En fait, il a montré, en différentes occasions, qu'il était prêt à sacrifier des vies et des biens pour mener à bien ses objectifs de guerre. »
L'Amérique se drape dans les grands principes qu'elle n'a cessé de violer. Faut-il lui rappeler qu'elle a déversé 372 000 tonnes de napalm sur le Vietnam ? Faut-il lui rappeler qu'elle a exterminé plus de cent mille civils à Hiroshima, le 6 août 1945, et quatre vingt mille autres, trois jours plus tard, à Nagasaki ? Faut-il lui rappeler que ses aviateurs ont participé, le 14 février 1945, aux bombardements de Dresde, qui ont causé la mort de deux cent cinquante mille innocents, pour la plupart des réfugiés qui, fuyant les atrocités de l'Armée rouge, avaient cru trouver refuge dans cette ville dépourvue d'objectifs militaires (1) ?
Dans toute l'Allemagne, l'aviation anglo-américaine s'est livrée à des raids de terreur qui consistaient, selon les termes d'un officier britannique détaché au SHAEF (Suprême Headquarters Allied Expeditionnary Force), « à bombarder les grands centres de population, puis à empêcher les secours de les atteindre et les sinistrés de les quitter - tout cela entrant dans le cadre d'un programme général destiné à entraîner l'effondrement de l'économie allemande » et à « saper le moral allemand » (2).
Le français Marc Augier a décrit quelques-uns de ces bombardements dont il fut le témoin « La pluie de phosphore tombait du ciel sous forme de boules rouges et bleues qui se déformaient, s'étiraient comme de la pâte, s'écrasaient sur les toits, ruisselaient dans les rues. Ce fut un autodafé fantastique ... Les femmes couraient dans les rues en flambant mieux que des torches. On brûla les femmes et les enfants allemands comme de la mauvaise herbe ... Les décombres présentaient des témoignages bouleversants sur la magie du feu, en particulier des machines à écrire dont on distinguait fort bien toutes les pièces, mais réduites à la moitié de leur volume initial, sans déformations essentielles, comme les têtes "réduites" par les Indiens du Chaco » (3).
Mêmes massacres, mêmes mensonges
Mais les Américains et leurs alliés britanniques ne se sont pas contentés de pilonner les villes ennemies. Ils ont également bombardé un grand nombre de villes françaises l'agglomération parisienne, Mantes, Rouen, Le Havre, Rouen, Caen, Saint-Lô, Rennes, Brest, Lorient, Nantes, Saint-Nazaire, Royan, Bordeaux, Nîmes, Marseille, la banlieue d'Avignon, Toulon, Nice, Forcalquier, la région de Grenoble, Chambéry, Annecy, Saint-Etienne, Lyon et son agglomération, Montluçon, Le Creusot, Strasbourg, Lille, Lens, Amiens, etc. Si l'on en croit Roger Céré et Charles Rousseau, auteur d'une Chronologie du conflit mondial (4), ces raids aériens ont fait, parmi la population française, 67 078 tués (5), alors que les bombardements allemands sur l'Angleterre, y compris ceux effectués par les V1 et les V2, dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles, ont fait moins de victimes (60 227 morts). Malheureusement, aucune étude d'ensemble n'a jamais été consacrée à cet épisode de l'histoire de France, comme si l'on avait voulu occulter les responsabilités anglo-américaines.
Nantes fut l'une des villes françaises les plus touchées. Elle a subi, en effet, 442 alertes aériennes et vingt-huit bombardements, dont les plus meurtriers ont été ceux de septembre 1943, réalisés à tour de rôle par les Américains et les Britanniques, dont le bilan est de 1 463 morts, dont 629 femmes. Il y eut au total, dans cette ville martyre, deux mille morts, trois mille blessés, huit mille maisons détruites ou gravement endommagées (notamment l'Hôtel-Dieu où se trouvaient huit cents malades, et les plus belles bâtisses du XVIIIe siècle). Sept cents hectares, soit le tiers de l'agglomération, ont été dévastés par les bombes.
La cité dût être abandonnée dès la fm de 1943.
Paul Caillaud, qui a consacré deux ouvrages aux bombardements de Nantes (6), cite une lettre adressée aux autorités de la ville par un aviateur américain de la première guerre mondiale, dont le contenu rappelle étrangement les mises au point de la Maison-Blanche sur les « bavures » de la guerre du Golfe « Les Américains du Nord ne sont pas des sauvages, comme les Nantais pourraient le croire. Ils sont au contraire très humains... Ils ont le culte de la femme (dans le bon sens du mot) et raffolent des enfants. » L'auteur de la lettre cite également les propos radiodiffusés du président Roosevelt, affirmant « que les Américains aviateurs n'atteignent que des objectifs soigneusement repérés auparavant » !...
Si tel avait été le cas, il n'y aurait pas eu 67 000 victimes françaises sous les bombes anglo-américaines. Le bombardement de Lyon est, à cet égard, tout à fait révélateur le 26 mai 1944, quatre cents appareils américains en provenance d'Italie, dont la mission était de détruire les gares de Perrache et de Vaise, ont lâché mille cinq cents bombes incendiaires et explosives en vingt-deux minutes. Si la gare de Vaise fut bel et bien détruite, celle de Perrache ne fut pas atteinte, car, opérant à plus de 4 000 mètres d'altitude, les aviateurs américains se sont trompés de cible et ont écrasé sous leurs bombes des quartiers populaires, des églises, des écoles et l'Institut Pasteur. Il y eut au total 717 morts presque tous des civils français parmi lesquels des sauveteurs victimes de bombes à retardement ! Le même jour, on avait relevé 870 morts à Saint-Etienne.
Le 29 mai, après avoir béni les 432 premiers cercueils qui avaient été disposés sur la place Saint-Jean, devant la Primatiale, le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, s'élevait avec force contre « la barbarie des bombardements qui atteignent surtout les populations civiles ». Et il ajoutait « Il y a moins d'un mois qu'au lendemain des bombardements qui avaient désolé et ravagé l'autre zone, les cardinaux et archevêques de France, se plaçant exclusivement sur le terrain qui est le leur, adressaient à leurs vénérés collègues des nations "alliées" un message les suppliant d'obtenir que soient épargnées, avec un soin plus attentif, les populations étrangères à la guerre et tout ce que le respect de la faiblesse, de la spiritualité, de la beauté doit rendre sacré à tous. Il m'est douloureux de constater que cet appel n'a pas été entendu de ceux qui pouvaient lui donner une efficacité bienfaisante. La guerre a ses nécessités, mais elles ne sauraient aller jusque-là. Au-dessus des exigences de la guerre, il y a, dans une civilisation chrétienne, celles de la morale et du droit » (7).
Roosevelt, déjà, bafouait les principes au nom desquels il faisait la guerre à l'Allemagne.
Jean-Claude Valla Le Choc du Mois Mars 1991 N°38
1) Cf. David Irving, La destruction de Dresde, Art et Histoire d'Europe, 1987. Rappelons également, puisque George Bush a accusé l'Irak de maltraiter les prisonniers de guerre alliés, que les Etats-Unis ont laissé mourir plusieurs centaines de milliers de prisonniers de guerre allemands à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cf. James Bacque, Morts pour raisons diverses, Sand, 1990.
2) Cité par David Irving, op. cit.
3) Sous le pseudonyme de Saint-Loup, Götterdämmerung - Rencontre avec la Bête, Art et Histoire d'Europe, 1987.
4) Séfi, 1945.
5) Céré et Rousseau comptabilisent dans ce chiffre les six mille morts des bombardements alliés du Havre et de Strasbourg en septembre 1944, mais pas celui de Royan, le 5 janvier 1945 (deux mille morts).
6) Cf. Paul Caillaud, Nantes sous les bombardements (Ed. du Fleuve, Nantes, 1946) et Les Nantais sous les bombardements (Aux portes du large, Nantes, 1947. Cet ouvrage contient de très nombreuses photos).

7) Cité par Bernard Aulas, Vie et mort des Lyonnais en guerre 1939-1945, Horvath, Roanne, 1974.

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