Kontre Kulture réédite en un volume deux ouvrages de Maurice Bardèche devenus introuvables Nuremberg ou la terre promise (1948) et Nuremberg II ou les faux monnayeurs (1950) Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, l'auteur y délivre l'analyse critique la plus fine qui soit du système de domination mondiale qui venait de se mettre en place.
Le présent ne surgit pas de nulle part. Il est de loin en loin dans l'histoire des moments de rupture où se jouent des choses décisives pour l'avenir. Ce sont des époques, au sens où l'entendait Bossuet : on s'y arrête pour considérer, comme d'un sommet, tout ce qui est arrivé devant et après. Y remonter est le seul moyen qui s'offre à l'historien de jeter un tant soit peu de clarté sur les chaotiques événements qui les ont précédés, car, dans l'obscurité de la lutte, une catastrophe se préparait. Et surtout, la compréhension de pareilles époques permet de décrypter les événements qui les ont suivis, jusques et y compris, lorsqu'il s'agit d'une période de laquelle nous n'avons cessé de subir l'influence, les événements présents.
L’époque du tournant
Le moment de la Deuxième Guerre mondiale est pour nous une semblable époque. Les conflits du XIXe siècle, et surtout la Première Guerre mondiale, sont les balbutiements et en quelque sorte les prémisses de l'enfantement du système actuellement dominant. Lors du procès de Nuremberg, c'est un nouvel ordre mondial qui apparaît pour la première fois en plein jour. Maurice Bardèche avait le regard qu'il fallait, et il était, au bon moment, au bon endroit pour voir ce qui devait ensuite rester caché. Bardèche met en question le procès de Nuremberg dans son principe même. Il prophétise ainsi le rôle que jouent le droit et le procès dans la guerre moderne. Il voit ce que cachent les « droits humains » et le pacifisme qui bannit la souveraineté et met la guerre hors-la-loi. Il voit que la profonde raison d'être de Nuremberg n'est pas tant la condamnation des Allemands que la justification des horreurs commises contre eux par les Alliés.
Terrorisme et crime contre l’humanité
La condamnation morale de l'ennemi est indispensable aux embargos et aux blocus qui meurtrissent des populations entières, aux bombardements de villes et de villages, aux démantèlements des infrastructures, aux déportations de masse, aux assassinats et aux viols systématiques. La pratique du terrorisme sous le nom de résistance, l'appel au soulèvement des populations civiles, les ordres, déjà, donnés aux fonctionnaires et aux membres de tout l'appareil policier et militaire de désobéir, tout cela exige l'ouverture d'un procès, tout cela entraîne nécessairement dans le cercle infernal de la lutte contre le terrorisme et du crime contre l'humanité le chef d'État indocile dont le renversement violent est programmé. Il faut réduire l'ennemi à une bête féroce, et si possible le conduire à en devenir une, sous peine de voir condamnée la manière dont on l'a traité. Voilà ce que ce livre venu du passé nous donne à voir de notre temps.
Kontre Kulture, 440 pages, 21 euros www.kontrekulture.com
Damien Viguier Réfléchir&Agir n° 55 hiver 2017
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