Mon père, tu as apporté dans ces lieux l’art de la guerre de ce monde qui est au-delà du grand lac ; nous savons que dans cet art tu es un grand maître, mais pour la science et la ruse des découvertes, pour la connaissance de ces bois et la façon d’y faire la guerre nous l’emportons sur toi. Consulte-nous et tu t’en trouveras bien. » (Déclaration d’un Sachem au marquis de Montcalm, 5 aout 1757)
En septembre 1678, Daniel Greysolon Dulhut réunit les Sioux et les Sauteux dans une alliance Française : « Je crus ne mieux pouvoir cimenter (l’alliance) qu’en faisant des mariages réciproques des nations les unes avec les autres… » Tour à tour ambassadeur puis militaire (ancien de la campagne de Franche-Comté, survivant de la bataille de Seneffe, Belgique 11 aout 1674), il renforce Michillimakinac, stoppant les anglais vers le Michigan. Il bloque les accès vers le lac Nipigon, à la rivière Albany et à la baie d’Hudson, par les forts Kaministiquia, La Manne et la Tourette…
Les officiers français étaient rompus aux méthodes et pratiques diplomatiques. Il fallait savoir, argumenter et persuader en permanence, chef de paix comme médiateur ou chef de guerre à la tête des guerriers.
Les amérindiens et les français vivent en fait, mélangés. On donne aux soldats méritants, comme aux amérindiens, des décorations : «…l’Iroquois, qui est un des chefs de sa bande des Minéouakatons, qui est un bon sujet, se flatte d’avoir la médaille et il la mérite aussi, M., si vous jugez à propos de lui donner. Ouapaté est le second chef d’une bande de Matatons, qui est aussi un bon sujet, qui vous porte la médaille de son oncle Ouakatapé pour en avoir une plus grande, comme M.feu le Marquis de Lajonquière lui avait promis. La Marchandise, autrement dit Makasant est le chef de la bande du Bœuf, à qui feu M. Lajonquière avait promis une médaille lorsqu’il viendrait le voir ; et je puis vous assurer M., qu’il la mérite » (Journal de Marin, fils 1753-1754).
Les ingénieurs Français collaborent avec les Amérindiens pour dessiner les cartes de l'Amérique. On se fait soigner chez les Amérindiens, car leur médecine était considérée comme plus efficace. Les abus et trafics de certains sur ce que la métropole envoyait à l’Amérique contribua fortement à la disparition de notre présence, comme le dit si bien le Marquis de Montcalm : « si les sauvages avoient le quart de ce que l’on suppose dépensé pour eux, le Roy auroit tous ceux de l’Amérique et les Anglois aucuns » (12 avril 1759, au Maréchal de Belle Isle). En 1754, le chevalier de Raymond, qui avait été en charge du fort des Miamis écrit que : « L’attention d’un officier qui commande chez les nations sauvages doit donc entrer dans le sens, dans l’esprit de leur pensée et savoir la pénétrer dans le sens figuré et parabolique dont ils s’expriment et leur répondre dans le même sens et le même genre ; d’avoir l’attention de garder leurs colliers et de les envoyer au général, avec les paroles des sauvages et les réponses qu’il leur a faites » ; Bougainville écrivait : « Les Iroquois m’ont adopté dans ce festin et m’ont donné le nom de Garoniatsigoa, qui veut dire : le Grand Ciel en Courroux. Me voilà donc chef de guerre iroquois. Ma famille est celle de la Tortue… ». Les officiers français étaient les médiateurs entre les rivalités amérindiennes. Les forts devenaient des lieux d’échange où se pratiquaient les alliances. Lieux de refuge aussi pour les nations Amérindiennes, en cas de danger. Le contact, le métissage, comme l’intégration dans un réseau de parenté avec les amérindiens, amenaient l’échange de nombreux traits culturels. Une vie communautaire rythmée, avec ses tensions, son organisation sociale, écoutons la conclusion d’Arnaud Balvay dans « L’Epée et la Plume » : « Il ne s’agit donc pas d’une société « moitié-policée moitié-sauvage »comme en rêvait Diderot mais plutôt d’une société composée d’éléments mixtes ayant des cultures différentes et vivant selon un mode autochtone. » Nous avons tenu grâce à notre politique Amérindienne, écoutons Bougainville : « C’est l’affection qu’ils nous portent qui jusqu’à présent a conservé le Canada ». Notre alliance, depuis Champlain avec les Hurons, en passant par le sacrifice de Dollard des Ormeaux, au coude à coude avec eux, pour défendre Montréal, restèrent dans les esprits…
Lors de l’attaque de William Henry, étaient présents les alliés amérindiens de diverses tribus. Un grand nombre de médailles à l’effigie du Roi, dont nos alliés, raffolaient comme signe d’une certaine noblesse, fut distribuée. Carillon fut le « zénith de l’alliance militaire franco-amérindienne » (G.Havard). L’influence française permettait de réunir des alliés amérindiens se haïssant, comme les Iroquois, détestés des autres tribus. Bougainville cite pour les relations avec les amérindiens : 3 prêtres, 11 interprètes et 13 officiers des troupes de marine. Il fallait pour les officiers payer de leur personne, pour enlever l’adhésion de ces alliés indisciplinés, comme le fit en son temps le gouverneur Frontenac, dansant avec eux. « Le marquis de Montcalm est parti aujourd’hui avec Mrs Rigaud, de Saint-Luc, de Longueuil fils et l’abbé Piquet pour aller chanter la guerre. Je l’ai chantée au nom du marquis de Montcalm, ce qui a été fort applaudi » (Bougainville). Thomas Chapais rapportait : « …sans eau de vie, avec son seul prestige personnel, sa seule parole, sa seule influence persuasive, en multipliant les conseils et les conférences, il était parvenu à diriger, à faire marcher et faire participer aux opérations près de 2 000 Sauvages de trente-deux nations différentes ».
Il ne faut pas oublier, n’en déplaise alors aux officiers réguliers, que les amérindiens étaient des alliés « autonomes ». La perte de crédibilité des français, suite aux défaites successives, eut une répercussion terrible chez eux qui précipita la chute de la Nouvelle-France. La manière dont les amérindiens étaient considérés par les « métropolitains » n’arrangeait rien. Les britanniques en profitèrent pour promettre « mondes et merveilles », offrant les meilleurs tarifs pour les peaux, scalps, eau de vie, sans compter les produits manufacturés fabriqués en série depuis longtemps en Angleterre. Bougainville se plaint ainsi, le 12 janvier 1759, que « les marchandises de traite avec les Sauvages manquent presque entièrement ». Il avait évalué deux ans plus tôt le coût annuel des présents aux tribus des Pays d’en Haut à « 150 000 francs », somme colossale si on considère que Pehr Kalm évaluait, en 1749, le coût d’un bon cheval à environ cent francs. Cela donne une idée de ce que pouvait représenter le budget alloué aux présents « diplomatiques » destinés aux Amérindiens… La chute du fort Frontenac eut à ce titre un impact des plus néfastes sur la position française, que ce soit sur un plan militaire ou économique. C’est en effet par ce poste, ainsi que par celui de Niagara, que l’essentiel de la traite et donc, des contacts avec les tribus des Pays d’en Haut, se faisait. Dans la mesure où Fort Frontenac servait de base pour le ravitaillement des postes de traite de l’ouest, la perte des marchandises ajoutée à celles des vaisseaux allaient avoir des conséquences catastrophiques sur le commerce avec les tribus des Pays d’en Haut, ainsi que sur les capacités de défense des implantations de l’Ohio. Il en découla, l’abandon des forts Presqu’île et Le Bœuf. Les garnisons des forts de l’ouest, comme Machault, seront livrées à eux-mêmes et privées de leurs précieux auxiliaires. La traite des fourrures se trouva suspendue, augmentant encore les difficultés économiques de la colonie et il n’est plus possible de disposer de bases en vue de raids sur la Pennsylvanie ou sur la Virginie. Il en sera de même pour la chute des forts Duquesne et Niagara. Evoquant ce dernier poste en 1757, Bougainville avait en effet insisté sur le fait qu’il était « la clef des Pays d’en Haut ». C’est pourquoi la colonne de secours commandée par le capitaine de Lignery, officier réputé des Troupes de la Marine, représentait les dernières forces de l’ouest. Pour Henri-Raymond Casgrain, c’était en quelque sorte le « sursaut du monde colonial français : de toutes les hordes américaines réunies sous les bannières de France, celle-ci était certainement une des plus extraordinaires qu’on eut entrevues [...]. Elle renfermait les éléments les plus disparates, [...] depuis le gentilhomme canadien endurci aux courses jusqu’au sang-mêlé retroussant ses cheveux avec des plumes d’oiseaux et fier de son tatouage aussi bien que des scalps flottant à sa ceinture. » (La Petite Guerre et la Chute de la Nouvelle France, Laurent Nerich). (livre disponible chez l'auteur : http://fredericporetti.canalblog.com/)
Les officiers français étaient rompus aux méthodes et pratiques diplomatiques. Il fallait savoir, argumenter et persuader en permanence, chef de paix comme médiateur ou chef de guerre à la tête des guerriers.
Les amérindiens et les français vivent en fait, mélangés. On donne aux soldats méritants, comme aux amérindiens, des décorations : «…l’Iroquois, qui est un des chefs de sa bande des Minéouakatons, qui est un bon sujet, se flatte d’avoir la médaille et il la mérite aussi, M., si vous jugez à propos de lui donner. Ouapaté est le second chef d’une bande de Matatons, qui est aussi un bon sujet, qui vous porte la médaille de son oncle Ouakatapé pour en avoir une plus grande, comme M.feu le Marquis de Lajonquière lui avait promis. La Marchandise, autrement dit Makasant est le chef de la bande du Bœuf, à qui feu M. Lajonquière avait promis une médaille lorsqu’il viendrait le voir ; et je puis vous assurer M., qu’il la mérite » (Journal de Marin, fils 1753-1754).
Les ingénieurs Français collaborent avec les Amérindiens pour dessiner les cartes de l'Amérique. On se fait soigner chez les Amérindiens, car leur médecine était considérée comme plus efficace. Les abus et trafics de certains sur ce que la métropole envoyait à l’Amérique contribua fortement à la disparition de notre présence, comme le dit si bien le Marquis de Montcalm : « si les sauvages avoient le quart de ce que l’on suppose dépensé pour eux, le Roy auroit tous ceux de l’Amérique et les Anglois aucuns » (12 avril 1759, au Maréchal de Belle Isle). En 1754, le chevalier de Raymond, qui avait été en charge du fort des Miamis écrit que : « L’attention d’un officier qui commande chez les nations sauvages doit donc entrer dans le sens, dans l’esprit de leur pensée et savoir la pénétrer dans le sens figuré et parabolique dont ils s’expriment et leur répondre dans le même sens et le même genre ; d’avoir l’attention de garder leurs colliers et de les envoyer au général, avec les paroles des sauvages et les réponses qu’il leur a faites » ; Bougainville écrivait : « Les Iroquois m’ont adopté dans ce festin et m’ont donné le nom de Garoniatsigoa, qui veut dire : le Grand Ciel en Courroux. Me voilà donc chef de guerre iroquois. Ma famille est celle de la Tortue… ». Les officiers français étaient les médiateurs entre les rivalités amérindiennes. Les forts devenaient des lieux d’échange où se pratiquaient les alliances. Lieux de refuge aussi pour les nations Amérindiennes, en cas de danger. Le contact, le métissage, comme l’intégration dans un réseau de parenté avec les amérindiens, amenaient l’échange de nombreux traits culturels. Une vie communautaire rythmée, avec ses tensions, son organisation sociale, écoutons la conclusion d’Arnaud Balvay dans « L’Epée et la Plume » : « Il ne s’agit donc pas d’une société « moitié-policée moitié-sauvage »comme en rêvait Diderot mais plutôt d’une société composée d’éléments mixtes ayant des cultures différentes et vivant selon un mode autochtone. » Nous avons tenu grâce à notre politique Amérindienne, écoutons Bougainville : « C’est l’affection qu’ils nous portent qui jusqu’à présent a conservé le Canada ». Notre alliance, depuis Champlain avec les Hurons, en passant par le sacrifice de Dollard des Ormeaux, au coude à coude avec eux, pour défendre Montréal, restèrent dans les esprits…
Lors de l’attaque de William Henry, étaient présents les alliés amérindiens de diverses tribus. Un grand nombre de médailles à l’effigie du Roi, dont nos alliés, raffolaient comme signe d’une certaine noblesse, fut distribuée. Carillon fut le « zénith de l’alliance militaire franco-amérindienne » (G.Havard). L’influence française permettait de réunir des alliés amérindiens se haïssant, comme les Iroquois, détestés des autres tribus. Bougainville cite pour les relations avec les amérindiens : 3 prêtres, 11 interprètes et 13 officiers des troupes de marine. Il fallait pour les officiers payer de leur personne, pour enlever l’adhésion de ces alliés indisciplinés, comme le fit en son temps le gouverneur Frontenac, dansant avec eux. « Le marquis de Montcalm est parti aujourd’hui avec Mrs Rigaud, de Saint-Luc, de Longueuil fils et l’abbé Piquet pour aller chanter la guerre. Je l’ai chantée au nom du marquis de Montcalm, ce qui a été fort applaudi » (Bougainville). Thomas Chapais rapportait : « …sans eau de vie, avec son seul prestige personnel, sa seule parole, sa seule influence persuasive, en multipliant les conseils et les conférences, il était parvenu à diriger, à faire marcher et faire participer aux opérations près de 2 000 Sauvages de trente-deux nations différentes ».
Il ne faut pas oublier, n’en déplaise alors aux officiers réguliers, que les amérindiens étaient des alliés « autonomes ». La perte de crédibilité des français, suite aux défaites successives, eut une répercussion terrible chez eux qui précipita la chute de la Nouvelle-France. La manière dont les amérindiens étaient considérés par les « métropolitains » n’arrangeait rien. Les britanniques en profitèrent pour promettre « mondes et merveilles », offrant les meilleurs tarifs pour les peaux, scalps, eau de vie, sans compter les produits manufacturés fabriqués en série depuis longtemps en Angleterre. Bougainville se plaint ainsi, le 12 janvier 1759, que « les marchandises de traite avec les Sauvages manquent presque entièrement ». Il avait évalué deux ans plus tôt le coût annuel des présents aux tribus des Pays d’en Haut à « 150 000 francs », somme colossale si on considère que Pehr Kalm évaluait, en 1749, le coût d’un bon cheval à environ cent francs. Cela donne une idée de ce que pouvait représenter le budget alloué aux présents « diplomatiques » destinés aux Amérindiens… La chute du fort Frontenac eut à ce titre un impact des plus néfastes sur la position française, que ce soit sur un plan militaire ou économique. C’est en effet par ce poste, ainsi que par celui de Niagara, que l’essentiel de la traite et donc, des contacts avec les tribus des Pays d’en Haut, se faisait. Dans la mesure où Fort Frontenac servait de base pour le ravitaillement des postes de traite de l’ouest, la perte des marchandises ajoutée à celles des vaisseaux allaient avoir des conséquences catastrophiques sur le commerce avec les tribus des Pays d’en Haut, ainsi que sur les capacités de défense des implantations de l’Ohio. Il en découla, l’abandon des forts Presqu’île et Le Bœuf. Les garnisons des forts de l’ouest, comme Machault, seront livrées à eux-mêmes et privées de leurs précieux auxiliaires. La traite des fourrures se trouva suspendue, augmentant encore les difficultés économiques de la colonie et il n’est plus possible de disposer de bases en vue de raids sur la Pennsylvanie ou sur la Virginie. Il en sera de même pour la chute des forts Duquesne et Niagara. Evoquant ce dernier poste en 1757, Bougainville avait en effet insisté sur le fait qu’il était « la clef des Pays d’en Haut ». C’est pourquoi la colonne de secours commandée par le capitaine de Lignery, officier réputé des Troupes de la Marine, représentait les dernières forces de l’ouest. Pour Henri-Raymond Casgrain, c’était en quelque sorte le « sursaut du monde colonial français : de toutes les hordes américaines réunies sous les bannières de France, celle-ci était certainement une des plus extraordinaires qu’on eut entrevues [...]. Elle renfermait les éléments les plus disparates, [...] depuis le gentilhomme canadien endurci aux courses jusqu’au sang-mêlé retroussant ses cheveux avec des plumes d’oiseaux et fier de son tatouage aussi bien que des scalps flottant à sa ceinture. » (La Petite Guerre et la Chute de la Nouvelle France, Laurent Nerich). (livre disponible chez l'auteur : http://fredericporetti.canalblog.com/)
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