vendredi 7 février 2020

La bataille de Stonne, Ardennes, 1940

Renaud Camus Même le carnage du Bataclan n'a pas réussi à réveiller le dormeur France. 1.jpegEnfin un livre qui fait un sort aux clichés sur 1940 ! Dominique Lormier fait connaître, par son travail, un épisode de cette tragique année pratiquement inconnu du grand public. Peu de Français connaissent, en effet, le nom de ce petit village des Ardennes, Stonne, qui vit en mai 1940 l'une des batailles parmi les plus acharnées de la campagne de France. Le 10 mai 1940, l'armée allemande lançait son offensive sur le front occidental, des Pays-Bas au Luxembourg. Les troupes franco-britanniques se portèrent au secours de la Belgique, tombant dans le piège tendu par les Allemands qui, profitant de l'absence du gros des troupes franco-anglaises, percèrent le front à Sedan, là où le dispositif français était faible. Les Allemands bénéficièrent d'une supériorité écrasante en infanterie, chars et avions dans ce secteur. Ils furent aidés en cela par l'aveuglement et la rigidité intellectuelle de l'état-major français qui considérait les forêts des Ardennes comme infranchissables par des divisions blindées et a persisté à considérer, contre toute évidence, que l'offensive allemande dans ce secteur n'était qu'une manœuvre de diversion.
Dans ce contexte, le petit hameau de Stonne allait revêtir une importance stratégique cruciale. Il se trouve situé au sommet d'une chaîne de collines boisées et, à côté, se trouve un « pain de sucre », un promontoire faisant office d'observatoire naturel avec une vue sur des kilomètres alentour. Pour les Français, Stonne était une position idéale pour lancer leur contre-offensive sur la tête de pont allemande de Sedan. Pour les Allemands, la prise de Stonne était indispensable afin d'élargir et de sécuriser leur position dans ce secteur de Sedan. Cela explique les durs combats qui s'y sont déroulés. Contrairement à ce que certains historiens prétendent, les soldats français n'ont pas démérité. Ils se battirent avec courage alors qu'ils furent en infériorité numérique, qu'ils n'avaient qu'une faible couverture aérienne et beaucoup moins de blindés. 244 000 soldats allemands et 430 chars se sont opposés à 90.000 soldats français soutenus par 90 blindés. La 3e Division d'Infanterie Motorisée (3e D.I.M.) a soutenu le gros de l'offensive allemande et ses soldats firent preuve d'un courage qui force le respect. La première attaque eut lieu le 14 mai et les combats ne vont pas s'arrêter jusqu'au 17 mai. Pendant ces quatre jours, le village de Stonne a changé de main 17 fois ! Ce qui démontre la rage des combats. Les Français ont gagné cette bataille, les Allemands ne sont pas passés et cela a permis de créer une ligne de défense qui a protégé la ligne Maginot sur son flanc gauche. Les Allemands perdirent 18 000 soldats, tués ou blessés et 2 000 prisonniers, les Français de leur côté eurent 6 000 soldats hors de combat (tués, blessés et prisonniers). Cette victoire n'a malheureusement pas changé l'issue de la campagne de France, le front fut percé plus à l'Ouest vers Reims, les 10 et 11 juin. De nombreuses unités se sont distinguées dans ces combats du secteur de Stonne que nous ne pouvons citer toutes ; relevons tout de même le courage des troupes coloniales la 6e Division d'infanterie coloniale avec le 5e et 6e Régiment d'Infanterie Coloniale Mixte Sénégalais (R.I.C.M.S.). Au 6e R.I.C.M.S., les tirailleurs sénégalais ont eu 44 % de pertes, 1.440 soldats hors de combat sur 3 000 hommes. Citons encore le sacrifice du 7e bataillon de chars qui, avec seulement 39 chars, s'est opposé à la 1ère panzerdivision dotée de 250 blindés, mais qui a permis de bloquer l'offensive allemande du 14 mai.
Le grand mérite de Dominique Lormier est de révéler au public un acte de bravoure de nos soldats de 1940 et de rétablir la vérité sur leur courage. Son livre permettra au lecteur de sortir leur histoire des clichés sous lesquels bons nombre d'histrions les avaient ensevelis, selon lesquels l'armée française se serait écroulée en quelques jours, sans pratiquement combattre. Il rappelle que les Allemands lors de la campagne de France eurent 212 000 soldats hors de combat, 1 800 chars et 1.559 avions détruits ou endommagés. Ces pertes allemandes furent proportionnellement plus lourdes que les six premiers mois de la guerre sur le front russe. Les gaullistes, et en premier lieu le général lui-même, ne furent pas sans responsabilités dans le poncif d une armée française qui s'effondra pratiquement sans combats, cela leur permettait de grandir l'importance du général et de ses idées. La bataille de Stonne est un exemple parmi d'autres, très révélateur du courage des soldats français, par l'âpreté des combats qui s'y sont déroulés. Le général Heinz Guderain qui commandait les troupes allemandes comparait cette bataille à celle de Verdun. Il serait temps de rendre hommage au sacrifice de nos combattants de 1940, ce livre en est un.     
Dominique Lormier LA BATAILLE DE STONNE, ARDENNES, 1940 éditions Perrin, 196 pages, 18 €

L.C. Reconquête mai 2011

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