Le 21 septembre 1640 : naissance de Philippe, second fils de Louis XIII, à l'origine de la branche actuelle de la Famille de France.
Louis XIII [Photo] et Anne d'Autriche n'auront que deux enfants - mâles - et encore, après 23 et 25 ans de mariage : Louis Dieudonné - le futur Louis XIV - en 1638, et son frère cadet, Philippe, né deux ans plus tard, en 1640.
Ce dernier est à l'origine de l'actuelle Famille de France, couramment appelée « d'Orléans » mais, évidemment, tout aussi « Bourbon» que les descendants de Louis XIV, ce que certains ont tendance à oublier.
1. C'est à partir de la fin du XVIème siècle que l'on prit l'habitude d'appeler « Monsieur » le frère du Roi, ou l'aîné de ses frères : aussi Philippe [1640-1701] devint-il « Monsieur » en 1660, à la mort de son oncle Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Il épousa d'abord, en premières noces, Henriette d'Angleterre, la fille du roi Charles 1er (le roi décapité, dont le très beau portrait, acheté plus tard par Louis XVI fit ainsi son entrée dans les collections royales, donc, plus tard, au Louvre...).
« ...Elle devint catholique en 1661 (à 17 ans) et épousa la même année Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV... Louis XIV la chargea en 1670 d'une mission secrète en Angleterre, auprès de son frère Charles II, qu'elle réussit à détacher de l'alliance hollandaise (traité de Douvres, 1670). Peu après son retour en France, elle mourut presque subitement, après avoir bu un verre d'eau de chicorée, et il est possible qu'elle ait été empoisonnée » (Michel Mourre).
Elle n'avait que 26 ans : c'est pour elle que Bossuet prononça sa célébrissime oraison funèbre (extrait) : « Nous devrions être assez convaincus de notre néant : mais s'il faut des coups de surprise à nos cœurs enchantés de l'amour du monde, celui-ci est assez grand et assez terrible. Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! Qui de nous ne se sentit frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? ... »
Un an après, en 1671, Philippe épousa Charlotte-Elisabeth de Bavière, dite « la princesse Palatine : « Au milieu de la cour de Versailles, elle se singularisa par son esprit incisif et sa rude franchise, qui la firent redouter de beaucoup... » (Michel Mourre). Louis XIV l'aimait beaucoup, et appréciait justement, chez elle, sa spontanéité, son esprit et sa franchise.
Comme Henriette d'Angleterre, première épouse de « Monsieur» , la princesse Palatine eut trois enfants de lui : elle fut la mère du duc d'Orléans, le futur Régent, qui sera le deuxième de la lignée.
Philippe avait de réels dons de stratège : « Il se distingua en Flandre et aux Pays-Bas, dans les campagnes de 1667 et 1672, battit le prince d'Orange à Cassel* et amena la prise de Saint-Omer; ses succès excitèrent la jalousie de son frère, qui ne lui donna plus de commandement. Il protesta en vain contre le testament du roi d'Espagne Charles II, qui, en appelant au trône Philippe, duc d'Anjou, le frustrait des droits qu'il tenait de sa mère Anne d'Autriche sur la couronne espagnole » (Michel Mourre). Faut-il voir dans cette double « déception » le début d'une faille entre les deux branches des Bourbons « de France » , qui devait aller en s'élargissant, jusqu'aux conséquences épouvantables que l'on devait voir ?...
2. Bon général, comme son père, Philippe [1674-1723] - fils de « Monsieur » et de la princesse Palatine – « se distingua au siège de Mons (1691), à la prise de Namur (1692), fut blessé à Steinkerque et déploya tant de bravoure et d'habileté à Neerwinden (1693) qu'il fit ombrage à Louis XIV et fut quelque temps éloigné des armées. En 1706, on lui rendit cependant un commandement en Italie, puis en Espagne, où il soumit l'Aragon, la Catalogne et prit Lérida (1707-1708). Ayant vu au cours de cette campagne la faiblesse de Philippe V, il se mit à intriguer pour se placer lui-même sur le trône d'Espagne et fut rappelé par Louis XIV, qui l'exila de Versailles...» (Michel Mourre).
Nouvel accroc à la solidarité familiale, Louis XIV, à sa mort, n’avait pas donné la Régence à Philippe, mais simplement la présidence du Conseil de Régence. Philippe n'eut aucun mal à faire « casser » le testament de Louis XIV par le Parlement de Paris (le 2 septembre 1715, dès le lendemain de la mort du Grand roi). Le Parlement le reconnut comme Régent « pour exercer pleinement l'autorité royale » .
« Il se rallia aux théories de Law, qui préconisait l'appel au crédit et le papier-monnaie : cette tentative permit une relance du commerce et l'allègement de la dette publique, mais s'acheva en banqueroute (1720)... Louis XV, devenu majeur en février 1723, laissa le duc d'Orléans à la tête des affaires, mais celui-ci mourut dès la fin de l'année...» (Michel Mourre).
Pour mémoire, c'est lui qui acheta... « le Régent » , peut-être le plus beau diamant du monde.
3. Avec son fils, Louis, duc d'Orléans [1703-1752], troisième de la lignée, il n'y eut aucune discorde entre les deux branches de la Famille des Bourbons de France : « … il donna au contraire l'exemple des vertus et de la piété. Gouverneur du Dauphiné depuis 1719, il se consacra surtout à l'étude, se fit une grande réputation d'hébraïsant et constitua de magnifiques cabinets d'histoire naturelle et de médailles. Il acheva sa vie à l'abbaye de Sainte-Geneviève » (Michel Mourre). Louis d'Orléans est d'ailleurs couramment surnommé « le pieux » .
4. Son fils, Louis-Philippe [1725-1785], quatrième duc d'Orléans, inaugura la politique démagogique que devait suivre son propre fils, le futur Philippe-Egalité :
« Louis-Philippe se distingua dans plusieurs campagnes et devint lieutenant-général (1744)... protégeant les savants et les gens de lettres... il affectait de la sympathie pour les idées et les découvertes nouvelles, fut un des premiers en France à faire inoculer ses enfants, et consacra d'importantes sommes à des œuvres de bienfaisance » (Michel Mourre).
5. C'est son fils Louis-Philippe Joseph [1747-1793] qui se fit appeler Philippe-Egalité, et joua sous la Révolution le rôle ignominieux qui devait, du reste, le conduire à l'échafaud, la Révolution mangeant toujours les révolutionnaires. Bon gestionnaire de la fortune de sa famille, il devint le plus riche des princes français. Anglophile à l'extrême, au point d'en devenir anglomaniaque, il fut exilé par Louis XV, car, lors de la révolution royale de celui-ci, menée avec Maupeou, qui consista à renvoyer les Parlements, il s'opposa à la politique bienfaisante du roi.
Plus tard, il devint l'ennemi acharné de Marie-Antoinette : après sa participation au combat naval d'Ouessant (1778), il se vit refuser la charge de grand amiral, et ce qu'il considéra comme un affront - qu'il attribua à Marie-Antoinette - fit de lui le chef de l'opposition. Il ouvrit à la foule - à laquelle il répandait ses largesses. - ses jardins du Palais-Royal, qui devint un centre d'agitation permanent. Il appuya, quand il ne les fomenta pas directement (comme les journées des 5 et 6 octobre 1789), tous les mouvements d'agitation révolutionnaire.
Il devint clair pour tous qu'il voulait, sinon devenir roi, au moins être régent : même La Fayette fut obligé de le contraindre à s'exiler, un temps, en Angleterre, et Mirabeau se détacha de lui. A son retour, mais trop tard, Louis XVI tenta de se le concilier en le nommant amiral. « Il crut enfin tenir sa chance après la fuite de Varennes (malgré notre estime pour Michel Mourre, le terme de « fuite » est incorrect, et c'est le terme « évasion » qui convient,) : élu vingtième et dernier député de Paris à la Convention, il prit le nom de Philippe-Egalité (septembre 1792) et n'hésita pas à voter la mort de son cousin Louis XVI. Mais le complot de Dumouriez et la fuite de son fils avec ce général le rendirent néanmoins suspect. Arrêté en avril 1793, il fut condamné en novembre à la guillotine et mourut avec le dédaigneux courage d'un grand seigneur de l'Ancien Régime...» (Michel Mourre).
Il fut conduit à l'échafaud le 6 novembre 1793, soit trois semaines exactement après Marie-Antoinette, place Louis XV, devenue place de la Révolution, sur le lieu même où avaient été assassinées le roi et la reine ; et où le seront, un peu plus tard, ceux qui l'y avaient envoyé : Brissot de Warville, Danton,( Robespierre, Jacques-René Hébert, Saint-Just...
6. Sixième représentant de la lignée, son fils aîné, Louis-Philippe [1773-1850] devait devenir roi en 1830, après l'abdication de Charles X.
Son règne de dix-huit années fut bénéfique pour la France, car il s'opposa courageusement aux entreprises de tous ceux qui voulaient recommencer les aventures tragiques de la funeste époque napoléonienne, et Jacques Bainville a justement montré comment la création de la Belgique fut bien « le dernier cadeau de la monarchie » .
Mais, Louis-Philippe et Charles X commirent l'erreur de ne pas s'entendre, et cette « scission de 1830 » devait avoir les plus funestes effets, comme l'a montré également Jacques Bainville... Qui a bien montré encore comment Charles X et Louis-Philippe eurent tort de ne pas instaurer le suffrage universel - comme le fera très peu de temps après Louis-Napoléon, futur Napoléon III - ce qui aurait donné au régime royal l'assise populaire et la légitimité qui lui auraient permis de résister aux mouvements d'humeur ultra-minoritaires de quelques extrémistes parisiens, qui ne représentaient en rien ni tout Paris, ni encore moins la France !
Le roi Louis-Philippe eut cinq fils. L'un d'eux, la prince de Joinville, Amiral, avait pour ami un certain Garnier, compagnon de navigation, qui devait être le grand-père de Charles Maurras, et qu'il vint visiter dans sa maison du Chemin de Paradis, à Martigues. Un autre, le duc d'Aumale, qui vit mourir très jeune ses deux garçons, offrit à la France (très précisément, à l'Institut), son splendide patrimoine de Chantilly et les fabuleuses collections qu'il contient.
7. Cependant, seul le prince Ferdinand [1810-1842], père de Philippe, comte de Paris, et de Robert, duc de Chartres, prolongera la dynastie (ses quatre frères soit n'eurent pas d'enfants, soit les virent mourir très jeunes). Ferdinand devait, lui aussi, mourir jeune, et d'une façon tragique (après un accident de fiacre).
Il s'illustra dans la conquête de ces terres barbaresques sans nom ni régime clairement définis, qui n'étaient qu'un immense espace soumis nominalement à l'Empire ottoman, mais où seuls régnaient, en fait, la loi du plus fort et l'arbitraire. C'est la France qui devait organiser cet immense espace, en inventant pour lui, et en lui donnant, ce beau nom d'Algérie.
8. Son fils Philippe, comte de Paris, deviendra Philippe VII à la mort du Comte de Chambord, lorsque la fusion sera réalisée entre les légitimistes et les orléanistes («.Les Orléans sont mes fils » ). Il résidait à l'Hôtel Matignon, où il menait grand train et d'où il organisait une intense activité, dont la république naissante finit par prendre ombrage, et même peur, car cela représentait pour elle un réel danger. C'est ce qui amena la cruelle et inique Loi d'exil de 1886. Obligé de quitter le territoire national, il s'installa à Bruxelles.
Cette loi d'exil intervint donc peu de temps après la fusion et la réconciliation entre les deux branches de la famille royale, et peu de temps aussi après l'installation de la république, encore très fragile : son prétexte fut que, le 14 mai 1886, eut lieu, à l'hôtel Matignon, la célébration du mariage de la princesse Amélie d'Orléans avec Charles de Portugal, héritier du trône de Portugal. L'importance de la fête, et l'espèce de démonstration de force que firent à cette occasion les Orléans, ainsi que la relation qu’en firent les journaux, monarchistes ou non (et, en particulier, Le Figaro) causèrent une grande inquiétude dans les milieux républicains.
D'où de nombreuses attaques contre la famille royale, puis la loi du 26 juin 1886 : cette loi interdisait l’accès et le séjour sur le sol français aux chefs des familles royale (et impériale) ayant régné sur la France, ainsi qu’à leur fils aîné. Elle interdisait également à tous les hommes de ces familles de servir dans l’armée française. Mais, à la différence des précédentes, cette loi ne concernait que les prétendants (Orléans et Bonaparte) ainsi que leur fils aîné, et pas les autres membres de la famille.
C'est la raison pour laquelle, comme le raconte Léon Daudet, la reine de France sera présente à Notre-Dame de Paris pour la messe des obsèques de Philippe VIII [voir plus loin] ; ou que, le 13 juillet 1934, la même duchesse de Guise vint rendre visite à Charles Maurras, dans sa maison du Chemin de Paradis, à Martigues : c'est à cette occasion qu'elle lui déclara, en substance, » si la monarchie est restaurée un jour en France, monsieur Maurras, c'est à vous qu'on le devra...». Philippe VII mourut en exil en 1894.
9. Son successeur fut son fils, Philippe VIII, duc d’Orléans qui devait mourir sans héritier [1869-1926].
C'est de Philippe VIII que Maurras disait, en substance, qu'il aurait fait un grand roi; un grand roi qui avait manqué à la France. En 1905, il réalisa un important voyage scientifique au Groenland et au Pôle Nord : il est à noter que le Muséum d'Histoire Naturelle s'est enrichi des collections qu'il avait réunies au cours de ses divers déplacements.
Dès la fondation de l'Action française, le Prince appuya le mouvement (il donnait, par exemple, mille francs par mois pour soutenir le journal).
Il est l'auteur de la formule que le journal quotidien L'Action française prit comme devise, dès le premier jour de sa parution, en 1908 : Tout ce qui est national est nôtre. C'est lui, enfin, que Maurras et ses amis étaient allés visiter à Bruxelles lorsque fut lancée L’Enquête sur la monarchie ou que Maurras et Daudet allèrent visiter à Londres., en 1904.
10. A sa mort sans héritier, lui aussi en exil, en 1926, ce fut son cousin Jean, le duc de Guise, Jean III [1874-1940], qui lui succéda.
Jean III était le fils de Robert, duc de Chartres, le deuxième fils de Ferdinand : c'est donc bien du seul Ferdinand, et non de l'un ou l'autre des quatre autres fils de Louis-Philippe, que descendent les représentants actuels de la Famille de France.
Jean III fut le troisième et dernier membre de la Famille à mourir en terre étrangère, en l’occurrence au Maroc.
11. Son fils, le Comte de Paris, Henri VI [1908-1999], lui a succédé. Celui des Mémoires d'exil et de combat, qui rentra en France en 1950, la Loi d'exil ayant été abrogée, au bout de 64 ans, sur proposition du député MRP du Morbihan, Paul Hutin-Desgrées.
Dans la période troublée de la seconde guerre mondiale, le Comte de Paris fit tout ce qu'il put pour accéder au trône, et fut parfois sur le point d'y parvenir, notamment depuis l'Algérie pendant le Seconde Guerre Mondiale, Mais trop d'oppositions (notamment celle des Américains) vinrent à chaque fois déjouer ses plans.
« La Constitution de la Vème République ? De Gaulle l'a faite pour moi ! » aimait-il à répéter : de ce côté-là aussi, les possibilités, bien réelles, d'une ré-instauration de la Royauté devaient, hélas, être déçues.
12. Son successeur a été Henri VII, Comte de Paris; né en 1933 et décédé le 21 janvier 2019, lui-même père du prince Jean de France.
En 2009, il avait été fait Chevalier de la Légion d'Honneur à titre militaire - pour faits d'armes en Algérie - par le président Sarkozy à l'Elysée.
Pour connaître ou se remémorer son action au cours des quelques vingt années pendant lesquelles il fut le Chef de la Maison de France, l'on pourra se reporter utilement à la page Wikipédia qui lui est consacrée.
13. Le prince Jean - Jean IV, Comte de Paris - est aujourd'hui le Chef de la Maison de France. Marié à la princesse Philomena et père de cinq enfants, son fils aîné, le prince Gaston, est Dauphin de France.
Ce très rapide survol, à grands traits, de l'histoire de l'actuelle Famille de France ne prétend pas épuiser le sujet, mais seulement établir certains des faits les plus saillants de cette longue histoire.
Il montre, surtout, les deux principales traditions servies par cette famille, tout au long de son histoire mouvementée : celle du service de la France par les Armes, et celle du service de la France par les généreuses donations de biens patrimoniaux, artistiques, ethnographiques, scientifiques.
• Des brillantes victoires militaires du fondateur de la Famille, Philippe, et de son fils, le Régent, à la Légion d'honneur « à titre militaire» reçue par le Comte de Paris (Henri VII), en passant par les actions d'éclat en Algérie du Prince Ferdinand et la création de la Légion étrangère par son père, Louis-Philippe, ainsi que par la mort au combat, durant la Guerre d'Algérie, du Prince François, la tradition du service du pays à travers l'institution militaire ne s'est jamais démentie dans la Famille de France...
• Quant aux donations, le mécénat du duc d'Aumale (envers l'Institut) fut poursuivi, on l'a vu, par celui de Philippe VIII (envers le Muséum d'Histoire naturelle), et par Henri VI, qui institua la Fondation Saint Louis afin d'assurer la pérennité de biens patrimoniaux inestimables, comme le château d'Amboise, le domaine de Dreux [Photo], le château de Bourbon l'Archambault.