Le 1er novembre 1954, les terroristes du FLN commettaient une série d’actes criminels, déclenchant les hostilités de la terrible Guerre d’Algérie. Plus de 60 ans après, cette histoire, manipulée par le régime gaulliste et l’extrême-gauche, dans une complicité abominable, continue d’être occultée. Dans la ligné de ses ouvrages destinés à combattre la désinformation sur des faits historiques, Jean Sévillia vient de publier Les Vérités cachées de la guerre d’Algérie (Fayard). Il a accordé un long entretien au Figaro Magazine du 26-27 octobre. Extraits :
Pourquoi avoir écrit maintenant une histoire de la guerre d’Algérie ?
J’en ai éprouvé le besoin, dans la lignée de mes travaux sur ce que j’ai appelé « l’historiquement correct », parce que nous sommes à un tournant générationnel. Ceux qui ont vécu la guerre d’Algérie disparaissent peu à peu, tandis que les jeunes générations connaissent mal cette période, ou en ont la vision biaisée diffusée par l’historiographie qui domine dans l’enseignement secondaire ou supérieur, comme par le conformisme médiatique. (…) J’ai donc voulu écrire, à l’attention du grand public, un livre de synthèse sur les événements qui se sont déroulés entre 1954 et 1962, mais surtout un livre débarrassé des préjugés idéologiques qui pèsent sur cette phase douloureuse de notre passé récent. Cette histoire entre en résonance avec de nombreux problèmes de la société française de 2018 : la question de l’intégration, de l’identité culturelle des musulmans français, du lien social dans une société multiethnique, de l’islamisme, du terrorisme, etc. Il s’agit d’une page d’histoire aux accents profondément actuels.
Certains faits sont-ils occultés ?
Ils sont d’abord déformés, et même mythifiés, et c’est pourquoi il convient d’examiner, dans l’ordre chronologique, tous les points chauds de la guerre d’Algérie : l’antécédent de l’émeute déclenchée à Sétif le 8 mai 1945 et de sa répression, l’insurrection du Constantinois en août 1955, la bataille d’Alger en 1957, le putsch des généraux en 1961, l’OAS, la réalité de la manifestation des Algériens à Paris le 17 octobre 1961, les accords d’Evian, l’exode des pieds-noirs, le massacre des harkis, etc. Mais dans mon livre, j’aborde aussi des pages de la guerre d’Algérie qui sont méconnues ou de facto occultées. Par exemple l’affrontement sanglant, en Algérie comme en métropole, entre le FLN et son concurrent du Mouvement national algérien (MNA). Ou les vagues de purges au sein du FLN. Ou le facteur religieux : à l’extérieur, en effet, le FLN parlait droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, libération de la tutelle coloniale, droits de l’homme. Mais dans l’Algérie profonde, ses recruteurs n’hésitaient pas à recourir au discours du djihad : un appel à chasser les infidèles, aussi bien les chrétiens que les juifs. Cette dimension a été minimisée, voire totalement ignorée, à l’époque, par la gauche anticolonialiste. Il est de même méconnu que les musulmans engagés aux côtés de l’armée française ont toujours été plus nombreux que les militants indépendantistes.
Vous dénoncez une histoire en noir et blanc…
Nous subissons aujourd’hui une histoire manichéenne. Celle-ci instruit à charge contre les méthodes employées par l’armée française en Algérie – problème que je ne nie pas, puisque je lui consacre un chapitre entier de mon livre – mais en oubliant que les militaires français ont affronté un mouvement terroriste : de 1954 à 1962, le FLN a systématiquement pratiqué la terreur contre les musulmans pro-français et contre les Européens d’Algérie. Or cette réalité est totalement occultée : on dénonce la torture par l’armée française, jamais les attentats commis par le FLN. De même, l’action sociale, scolaire, sanitaire et médicale conduite par les militaires français, notamment au sein des SAS (Sections administratives spécialisées), mérite d’être soulignée, même si les regroupements de population sont sujets à débat. Lorsqu’on fait de l’histoire, on doit tout mettre sur la table.
Comment expliquez-vous que le contentieux franco-algérien perdure à propos de cette guerre ?
Depuis 1962, le FLN instrumentalise ce passé, d’abord sur le plan des chiffres. La guerre d’Algérie, tous camps confondus, a fait entre 250 000 et 300 000 morts. Cela est déjà considérable, mais ne correspond nullement au million et demi de victimes algériennes dont parle la propagande de l’Etat FLN. Les dirigeants algériens invoquent les crimes commis par l’armée française, mais on attend encore, de leur part, une autocritique concernant la violence qu’ils ont employée à l’époque, notamment à l’encontre des harkis que le gouvernement français avait abandonnés. Alors que neuf Algériens sur dix n’ont pas connu la guerre d’indépendance, les plus jeunes restent éduqués dans cette idéologie victimaire. (…) Les jeunes franco-algériens, pour la plupart, sont également baignés dans cet univers mental. Ils vivent avec l’idée que la France aurait commis des crimes à l’égard de leurs grands-parents, ce qui est un frein puissant à l’intégration : comment aimer un pays dont on pense qu’il a martyrisé sa famille ? Cette question va jusqu’à nourrir le terrorisme, beaucoup d’islamistes étant persuadés de venger leurs aïeux lorsqu’ils mènent le djihad contre la France. C’est pourquoi la transmission de la vérité historique sur la guerre d’Algérie, dans toutes ses nuances et toute sa complexité, est un enjeu civique. (…) Les Algériens ne sont pas des victimes éternelles envers lesquelles nous aurions une dette inextinguible. Le statut de victime, pas plus que celui de bourreau, n’est héréditaire. Faisons la part des responsabilités de chacun à travers un travail historique juste, et passons à autre chose.
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