Tandis qu'il retrace la vie de l'héroïne nationale, l'abbé Rioult se risque à pénétrer les secrets de son âme – celle d'une sainte fidèle aux Voix qui lui indiquent sa vocation.
Chaque année quand approche le cortège traditionnel d'hommage à sainte Jeanne d'Arc (dimanche 8 mai, départ à 9 h 30 du parvis de l'église sainte Madeleine, Paris 8e,) nous nous sentons le coeur en joie et plus que jamais fiers d'appartenir à la seule nation à laquelle Dieu eût envoyé une jeune fille enjouée pour témoigner de la vérité de la France, comme il envoya son Fils porter témoignage de la Vérité tout entière. De quoi laisser éperdu de reconnaissance envers Dieu tout Français conscient de sa formation et de son identité. L'Action française a eu le grand mérite, au prix de 10 000 jours, de prison d'imposer à la République le cortège annuel. D'autres groupes défileront toute la journée du 8 mai et tous reconnaissent que s'ils peuvent encore défiler, c'est parce que l'AF s'est battue pour cela. Il n'y aura dans la rue ce jour-là que des enfants de Maurras.
Miracle de la grâce
On s'est trop souvent épuisé à expliquer par de simples concours naturels de circonstances l'épopée de notre héroïne nationale. M. l'abbé Olivier Rioult, dans un livre récemment publié, traite enfin dans toute son ampleur la vie de Jeanne d'Arc et expose, en historien scrupuleux, dans tous ses détails, ce qui est proprement l'Histoire d'une âme ou plutôt « l'histoire du miracle de la grâce et de la nature ». Interrogeons-nous avec lui « avec un infini respect, sur les sources mystérieuses mais réelles d'une si naïve et si efficace audace, de tant de courage avec une telle candeur, de tant de caractère avec une si délicate et fervente piété, d'un jugement si sûr, d'une résolution si ferme dans un être si jeune et si parfaitement féminin ».
Enfance pieuse
M. l'abbé Rioult, avec une érudition extraordinaire, fouillant dans les témoignages du temps et dans le texte du procès où elle répondit du tac au tac et avec un grand bon sens aux questions ineptes de ses juges, nous entraîne sur les pas de Jeanne, depuis son enfance pieuse et enjouée où elle apprit le Pater noster, l'Ave Maria, le Credo là où il faut les apprendre : sur les genoux de sa maman, jusqu'à l'intervention des Voix (saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite) l'incitant à « bien se conduire et à toujours fréquenter l'Église », signes qu'elles venaient du Ciel l'aidant à « poser un regard éternel sur sa fin, pour l'instruire du combat et de la couronne à laquelle Dieu l'avait destinée de toute éternité », mais établissant avec Jeanne des rapports non de l'ordre de la possession, mais de la vocation, donc respectant sa liberté. Puis, au bout de quatre ans, la rencontre du dauphin de France, héritier légitime (« c'est vous et non un autre »), puis les grandes batailles historiques pour chasser les Anglais du sol de France, le sacre du dauphin devenant Charles VII, enfin la capture, le procès et la mort. C'est une jeune fille toute simple que Dieu choisit pour cette mission ; comme quoi rien ne vaut une solide éducation au sein d'une famille chrétienne pour forger des âmes grandes et solides. La voici alors faisant la guerre et prenant Orléans, ce dernier bastion de résistance empêchant les Anglo-Bourguignons de ne faire de la France qu'une bouchée. Orléans, il faut sans cesse le redire, aujourd'hui c'est nous, nous qui refusons de nous résigner à l'effacement de la France. En suivant Jeanne prions pour mériter aujourd'hui une telle intervention divine...
Sainte de la patrie
L'abbé Rioult recueille au passage toutes les leçons que nous donne Jeanne par sa pureté d'intention, son immense pitié pour le sang répandu comme aussi sa prestance et son habileté à chevaucher, toujours consciente d'être mandée de par le roi du Ciel : « La France existait par son roi légitime ; elle prospérait quand il était juste et il était juste tant que les lys signifiaient les trois vertus théologales c'est-à-dire tant que le roi était uni et soumis filialement à Dieu par son Église. La piété de Jeanne est une vertu surnaturelle. » Sainte de la patrie ? Mais encore faut -il préciser : « Une communauté politique n'existe que par une amitié qui s'est construite en vue d'un certain bien. Pour Jeanne et les Français de l'époque ce bien pour lequel et par lequel ils s'unissaient n'est pas une simple prospérité matérielle c'est la salut de leur âme et la gloire de Dieu ; ce n'est pas la patrie d'un Robespierre, d'un Napoléon, d'un Poincaré ou d'un De Gaulle, ces chefs d'une patrie sans dieu qui "se dissocie" en une association de malfaiteurs. La France que Jeanne aime c'est celle qui met Dieu à la première place, c'est ce peuple fidèle et brave sachant prendre les armes pour être un bouclier de la foi »,... à l'image des Francs de Clovis à l'origine de notre pays.
Une oeuvre contre-révolutionnaire
À une époque (déjà !) troublée par la révolution dans l'État (Paris venait de connaître des journées révolutionnaires sanglantes) et aussi dans l'Église (il y avait eu récemment deux papes et même trois régnant en même temps, tandis que les conciles réclamaient la primauté sur le pouvoir pontifical), elle vint redresser les esprits et rétablir l'ordre : que le roi légitime fût sacré à Reims et qu'on obéît au pape, successeur de Pierre ! Pour elle, l'autorité humaine était une délégation divine et une participation à l'autorité même de Dieu (Charles VII accepta de recevoir sa couronne de Dieu seul). En ce sens, Jeanne accomplit une oeuvre essentiellement contre-révolutionnaire. Elle travailla à unir les coeurs et le sang, comme le marqua solennellement la cérémonie du sacre à Reims. Alors que l'islam commençait à se montrer menaçant, elle milita pour le bien de la chrétienté, « pour bâtir la cité chrétienne sur le plus sûr fondement et selon les vrais principes civilisateurs. Civiliser c'est spiritualiser, c'est libérer l'homme du péché ».
Mais ce langage était trop dur pour des hommes qui s'accommodaient de la révolution, trouvant dans cette espèce de "gouvernance" anglo-européiste leur intérêt (les affairistes bourguignons) ou leur confort intellectuel (l'évêque Cauchon), s'habituant à l'insubordination en toutes choses. Ils firent mourir Jeanne, ne voulant pas entendre son témoignage de vérité, Jeanne clamait la justice : les Anglais chez eux, les Français chez eux dans la complémentarité chrétienne des nations. Il fallait la condamner parce qu'ainsi l'on sèmerait le doute sur la légitimité de Charles VII et l'on remettrait en cause l'idée d'organisation de la chrétienté. Cela continue : au début du XXe siecle, il y eut Thalamas pour nier le caractère surnaturel de ces faits mais il reçut une fessée bien méritée, estime l'abbé Rioult, de la part des Camelots du Roi...
L'abbé Rioult suit pas à pas ce quefut la « passion » de Jeanne, mettant à chaque instant l'accent sur la ressemblance évidente avec la passion du Christ, lui aussi livré à la justice des hommes par des chefs religieux. Et cette mort ne fut pas un échec ! Nous en donnerons la preuve en marchant le 8 mai. Auparavant il importe de lire ce livre éblouissant d'érudition et de réflexions pour notre temps.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 5 au 18 mai 2011
Abbé Olivier Rioult : Jeanne d'Arc, Histoire d'un âme, éditions Clovis, 650 pages, 24 euros.
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