mardi 7 février 2017

Froidure et amour de la patrie

Notre dernier hiver avec le terne François Hollande n'aura été clément que quelques semaines, et les météorologistes nous annoncent des froids très rigoureux pour les semaines à venir. De bout en bout, ce quinquennat aura été celui de la glaciation de la France au propre et au figuré un temps où les Français n'ont entendu que le seul discours sur les « valeurs républicaines », mortifères, terroristes, sodomites et infanticides. Comment ne pas avoir froid quand tout est orienté vers l'exacerbation de l'individualisme le plus stérile et quand tous les sentiments quelque peu élevés sont tournés en dérision ? Une France ainsi menée n'a guère pour longtemps à vivre, mais le désespoir en politique est une sottise absolue, disait Maurras, et une nation comme la France, fille aînée de l'Église, peut toujours espérer l'aide de Dieu et des saints, mais dans la seule mesure où elle reste fidèle...
Vagues de froid
Pour nous en tenir au registre de la météorologie, allons-nous revivre des vagues de froid semblables à celles de 1956 où, au sortir d'un mois de janvier relativement calme, nous grelottâmes dès la Chandeleur (2 février) ? Cela dura tout le mois. J'étais alors en quatrième à l'école des Frères des Écoles chrétiennes de ma bonne ville d'Annonay (Ardèche), et il nous fallait chaque matin, pour nous y rendre, affronter des températures inférieures à -20°C. Bientôt, nous fûmes de moins en moins nombreux à nous grouper autour du petit poêle à bois qui était censé chauffer la classe les angines et les grippes avaient eu raison de notre ardeur à apprendre l'analyse logique ou l'algèbre. Comme la neige s'obstinait à tomber dru, les rues de la ville, toutes en pente, car Annonay est bâtie sur sept collines..., étaient de vraies patinoires que les enfants appréciaient autant que les automobilistes les redoutaient. Nous avons pourtant tous survécu à cet hiver dit exceptionnel !
Je me souviens d'avoir eu très froid aussi l'hiver 1963. J'étais alors étudiant à Lyon et, de Noël à l'Annonciation, les vagues de froid n'ont cessé de se succéder je me rappelle notamment le supplice que représentait la traversée par -20°C, et en plein vent, des ponts sur le Rhône et la Saône. J'ai survécu et, depuis lors, les discours sur le réchauffement climatique me laissent froid...
Le terrible hiver de 1709
Bien que les lecteurs de RIVAROL se doivent certainement d'ignorer la frilosité, je voudrais rappeler ce que fut en 1709 un hiver réellement exceptionnel, particulièrement rigoureux et meurtrier, qui assombrit férocement les six dernières années du règne de Louis XIV. Le roi avait alors soixante et onze ans et régnait depuis soixante-six années il était accablé de soucis avec les défaites militaires et se sentait bien seul au sommet d'une Cour déchirée de rivalités.
Il s'était engagé dans la guerre dite de Succession d'Espagne et, même face à l'Europe entière coalisée contre lui, il entendait maintenir coûte que coûte son petit-fils Philippe, duc d'Anjou, sur le trône d'outre-Pyrénées, non par orgueil familial ou national, mais pour tout simplement empêcher qu'un jour la France fût à nouveau, comme au temps de Charles Quint, prise en tenaille par les Habsbourg et que fût rompu le difficile équilibre européen. Or, depuis 1704, les armées françaises perdaient partout leur avantage et les troupes ennemies du prince Eugène de Savoie et du duc de Marlborough venaient de nous infliger à Audenarde, en Belgique, le 11 juillet 1708, une grave défaite, dégarnissant notre frontière du Nord. Le découragement gagnait le pays entier. Et le roi s'apprêtait à négocier la paix.
Un malheur n'arrive jamais seul. Le 6 janvier 1709 - jour des Rois ! -, la température baissa subitement et, jusqu'au 24 janvier, la France entière dut subir des températures de 18°C, parfois de -25°C. Fleuves et rivières étaient pris par les glaces, même la mer au Vieux-Port de Marseille ! À la campagne, le vent glacial entrait dans les habitations les oiseaux tombaient en plein vol, les animaux succombaient dans les étables, les végétaux dépérissaient tout gelait et le pain ne se coupait plus qu'à la hache. Les loups, réapparus et affamés, terrorisaient les paysans. À Versailles, le roi devait attendre que son vin, qui gelait dans les carafes, fût dégelé près du feu.
Premier dégel le 25 janvier, puis nouvelle vague de froid du 4 au 8 février, puis encore fin février et début mars ! Le désastre était effroyable semis, vignobles, vergers, tout avait pourri, les chênes éclataient, les oliviers de Provence mouraient.
Puis survinrent les inondations, noyant ce qui restait des cultures ! Paris n'était plus alimenté et le prix du blé se trouvait multiplié par huit. Dans les campagnes, la famine menaçait... Il fallut taxer les riches et envoyer des troupes pour empêcher les vols dans les boulangeries, qui dégénéraient souvent en émeutes. Des bandes de paysans, de soldats déserteurs, de mendiants attaquaient les châteaux et les couvents pour piller les réserves de grain qu'ils imaginaient y trouver ! Et les vagabonds traînaient avec eux la dysenterie et la fièvre typhoïde !
Le beau geste de Louis XIV
Louis XIV, sensible à la misère de ses peuples, ordonna de faire porter sa vaisselle d'or et d'argent à la Monnaie pour qu'on la fondît et qu'avec les lingots de métaux précieux on achetât des cargaisons de blé. Bon nombre de courtisans imitèrent le roi. C'était agir en roi, donc en père, soucieux de ses sujets, la substance même de la nation. Aucun président n'accomplit jamais un tel geste... Mais le désastre démographique fut énorme entre 6 et 800 000 victimes ! Plus précisément, pour les années 1709-1710, on enregistra en France 2 141000 décès contre 1 330 800 naissances, soit une perte de 810 000 personnes, 3,5 % de la population.
Les coalisés, épargnés par le froid, surtout les Anglais et les Hollandais, voyant le royaume capétien à genoux, en profitèrent sans vergogne pour répondre par de nouvelles exigences à chaque déchirante concession qu'envisageait Louis XIV. Ils voulaient - c'était clair - démembrer notre pays en se ménageant des ouvertures à nos frontières du Nord... Le roi devait donc absolument résister, quoi qu'il lui en coûtât. Alors il prit la décision de s'adresser directement au cœur de ses sujets, de leur expliquer paternellement pourquoi il fallait consentir à de nouveaux sacrifices, en fait, de leur demander leur soutien :
LE ROI HOMME DE PAIX
« L'espérance d'une paix prochaine était si généralement répandue dans mon royaume que je crois devoir à la fidélité que mes peuples m'ont témoignée pendant le cours de mon règne la consolation de les informer des raisons qui empêchent encore qu'ils ne jouissent du repos que j'avais dessein de leur procurer.
J'avais accepté, pour le rétablir, des conditions bien opposées à la sûreté de mes provinces françaises mais plus j'ai témoigné de facilité et d'envie de dissiper les ombrages que mes ennemis affectent de conserver de ma puissance et de mes desseins, plus ils ont multiplié leurs prétentions  en sorte que, ajoutant par degrés de nouvelles demandes aux premières et, se servant, ou du nom du duc de Savoie, ou du prétexte de l'intérêt des princes de l'Empire, ils m'ont également fait voir que leur intention était seulement d'accroître aux dépens de ma couronne les États voisins de la France et de s'ouvrir des voies faciles pour pénétrer dans l'intérieur du royaume toutes les fois qu'il conviendrait à leurs intérêts de commencer une nouvelle guerre [...]
« Quoique ma tendresse pour mes peuples ne soit pas moins vive que celle que j'ai pour mes propres enfants quoique je partage tous les maux que la guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles, et que j'aie fait voir à toute l'Europe que je désirais sincèrement de les faire jouir de la paix, je suis persuadé qu'ils s'opposeraient eux-mêmes à la recevoir à des conditions également contraires à la justice et à l'honneur du nom FRANÇAIS (en majuscules dans le texte). »
Le roi demandait encore aux archevêques et évêques de France « la ferveur des prières dans leurs diocèses » et aux gouverneurs la volonté de faire savoir à ses peuples qu'ils jouiraient de la paix « s'il eût dépendu seulement de ma volonté de leur procurer un bien qu'ils désirent avec raison, mais qu'il faut acquérir par de nouveaux efforts, puisque les conditions immenses que j'avais accordées sont inutiles pour le rétablissement de la tranquillité publique. »
Cette manière royale de communiquer avec ses sujets était-elle une innovation ? Louis XIV jouait sur le registre du vieux mythe patriarcal et, en même temps, confortât l'assise de la monarchie de droit divin. L'intimité du «père du peuple », comme on avait appelé Louis XII, avec les Français ne s'était jamais démentie depuis le Moyen Age. Il faut dire que tout était possible alors, puisque les média ne s'étaient pas encore arrogés la domination de l'opinion.
La paix jusqu’à la Révolution…
À cette très belle lettre, lue dans toutes les églises de France, affichée sur les murs publics et imprimée en de nombreuses éditions par les gouverneurs de province, les Français répondirent par un nouvel élan manifestant, dit Bainville, « cette faculté de redressement qui leur est propre »  De Malplaquet (11 septembre 1709) à Villaviciosa (10 septembre 1710), puis à Denain (24 juillet 1712), les ennemis perdirent l’envie d'envahir la France. Cela se termina par le traité d'Utrecht (1713) qui, loin d être parfait (puisqu'il laissa monter en puissance la Prusse...), ne fut pas déshonorant et permit à la France de n'être plus jamais envahie jusqu'en 1792 !
Puisse l'évocation de cette année terrible rappeler aux Français d'aujourd'hui ce que peut coûter la volonté de garder la patrie indépendante et libre. Héritiers de tant d hommes, du roi jusqu'au simple manant, qui ont tant souffert pour nous léguer la France, pour renforcer sa sécurité, pour la faire honorer par ses pires ennemis, n'aurions-nous pas honte de la laisser se liquéfier dans une « Union européenne » fourre-tout qui n'est qu'une caricature de la paix ?
Michel Fromentoux Rivarol du 26 janvier 2017

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Honte de la laisser se liquefier,la France ? Le mot est faible..Atomiser serait plus idoine,je me sens comme un électron désormais,plus ou moins libre.
UnLorrain.