Ayant mesuré le taux de nuisance de Monsanto, monstre sans visage, nous avons tenté de remonter le temps afin d'identifier les êtres qui l'avaient créés. Et c'est à vrai dire sans grande surprise que nous avons découvert comment ils s'étaient enrichis - au détriment d'autrui ; par l'asservissement, par les chaînes, dans un déni total d'humanité.
En 1757, Isaac (Rodrigues) Monsanto, juif sépharade né aux Pays-Bas, arrivait à la Nouvelle-Orléans en provenance de Curaçao [Antilles néerlandaises, sur la côte du Venezuela]. Il s'établit comme négociant et entreprit de transporter des cargaisons d'esclaves noirs des Caraïbes au Golfe de Mexico. Dix ans plus tard, il faisait l'acquisition d'une plantation du nom de Trianon, aux abords de la Nouvelle- Orléans. En 1769, alors que le deuxième gouverneur espagnol venait de prendre ses fonctions et expulsait les juifs de la Louisiane, Isaac Monsanto était devenu l’un des plus riches marchants de cet Etat. Cependant, ses biens confisqués, Monsanto dut quitter le territoire et s'installer dans la ville de Manchac, près du lac Pontchartrain, sous contrôle britannique où le rejoignirent ses frères Manuel, Jacob et Benjamin, tandis que ses deux sœurs, Gracia et Eleonora, s'installaient à Pensacola, dans l'ouest de la Floride, elle aussi administrée par les Britanniques.
Après la mort d'Isaac en 1778, les trois frères Monsanto continuèrent à gérer leur "entreprise", mêlant la vente de tissus à des produits de toutes sortes, tenant le rôle d'agent immobilier et de recouvrements - le tout lié au trafic d'esclaves.
Des documents l'attestent, mentionnant par exemple, l'achat par Benjamin Monsanto, de 80 Noirs en 1768 ; de 13 en 1785 contre de l'indigo, d'une valeur de 3 000 livres ; en 1787, ce fut le sort de 31 autres qu'il négocia. D'autres archives, datant de 1794, font état d'une femme noire "Babet" vendue par Benjamin à un certain Franco Cardel ; de deux Guinéens, « Polidor et Lucy » à James Saunders pour la somme de 850 dollars en argent. Et quelques noms « Quetelle, Valentin, Baptiste, Prince, Princesse, Caesar, Dolly, Jen, Fanchonet, Rosetta, Nat, Louis, Eugène, Adélaïde », appartenant aux frères Monsanto.
En l'an 1790, Benjamin Monsanto et son épouse avaient acquis, sans mal, une plantation de 500 acres à Sainte Catherine's Creek près de Natchez, dans le Mississipi, sur laquelle trimaient onze esclaves. D continua de s'investir dans l'entreprise familiale jusqu'à son passage à trépas, en 1794, tandis que Manuel et Jacob ouvraient un commerce rue de Toulouse, à la Nouvelle-Orléans. Au cours des années, Isaac "hypothéqua", plusieurs fois de suite, quatre de ses esclaves, lorsqu'il fut en difficulté financière ; Benjamin négocia six contrats concernant la vente de six des siens, « pour après sa mort » ; Gracia légua par testament, « neuf Africains », à sa famille ; Jacob, fils d'Isaac, tomba amoureux d'une de ses esclaves, « Mamy William » et de cette union, naîtra Sofia, « une jolie quarteronne », est-il rapporté...
John Francis Queeny, fondateur de Monsanto, épousa Olga Mendez (Monsanto n'étant pas toujours mentionné), fille d'Emmanuel Mendes Monsanto, dont la date de naissance est estimée « entre 1808 et 1868 », alors que ni date ni lieu de décès ne sont déclarés. En furetant un peu, l'on peut toutefois apprendre qu'Emmanuel Mendes de Monsanto, fut « un riche financier d'une société sucrière de Vieques, Porto Rico, dont le siège était à St Thomas, Indes occidentales danoises ». [Le danois étant réservé à l'administration, il profitait à un Créole français, proche de celui de Sainte-Lucie ainsi qu'à l'anglais et à l'espagnol. De quoi plaire aux cosmopolites]. Les produits de base de sa société étaient (déjà) des additifs alimentaires tels que la saccharine, la caféine et la vanilline de synthèse.
Le site nous renseigne sur le nom de son épouse, Emma Kitson, mais sans plus. C'est autour de leur fille, Olga Mendez, que se cristallise le mystère, telle une pièce de puzzle impossible à caser.
Certes, le nom que portent père et fille est le même mais le fait que l'orthographe diffère de l'un à l'autre, ne nous semble pas anodin, Mendes et Mendez étant d'origine distincte. En effet, les Mendes, Menendes, de même que les Pereira Mendes et Mendes Seixas, originaires du Portugal, sont généralement mais pas obligatoirement, portés par des juifs sépharades, alors que les Mendez sont originaires d'Espagne, de Galicie notamment, et descendent généralement de « notables de haute lignée » ; que certains assument d'origine allemande - ce qui serait le cas d'Olga - dont une ancienne tribu n'est autre que wisigothe, issue de ces « goths sages » danubiens, submergés par les Arabes sur le sol espagnol mais dont une minorité se réfugia dans les Asturies pour former un royaume, une communauté chrétienne, encore autonome de nos jours.
Il n'échappe à personne que, depuis le Moyen Age, nombre de noms ont été empruntés, usurpés, achetés ou acquis par mariage ou filiation, particulièrement lorsque les monarques Isabelle et Ferdinand entreprirent de chasser les juifs sépharades de la péninsule ibérique (décret royal de l'Alhambra de Grenade, 31 mars 1492). Leur expulsion aurait débuté le 2 août 1492 et, cinq ans plus tard, en 1497, au Portugal. Une majorité d'entre eux émigra ainsi en Hollande, établissant la Compagnie hollandaise des Indes Occidentales (Dutch West Indies Company). Aujourd'hui hélas, les recherches sont de pins en plus difficiles, sinon impossibles, les biographies étant restreintes et l'accès aux généalogies se retrouvant "privatisé" ; certains liens, d'autre part, semblent valides, mais affichent « page introuvable », dès que l'on y accède.
Parfois, comme par miracle, survient une information oubliée par la censure, telle cette copie d'un recensement fédéral états-unien de l'an 1900, précisant qu'Olga Mendez naquit en janvier 1872 aux Antilles ; pourtant demeurent inconnus les date et lieu son décès, bien qu'étant tout de même l'épouse d'une personnalité en vue. Le couple aura deux enfants : Edgar Monsanto Queeny (1897-1968) et Olga Queeny.
Remarquons, là aussi, ce contraste dans les noms, qui nous ramène inévitablement à John Francis Queeny (1859-1933), fondateur de la corporation Monsanto. Américano-Irlandais catholique dont la biographie tient à peine une demi-page sur Wikipédia. L'aîné de cinq enfants, son éducation scolaire à Chicago, fut de courte durée (de 6 à 12 ans), le « grand feu », qui ravagea la ville, « ayant contraint à quitter l'école et chercher du travail ». Tout d'abord coursier à 2,50 dollars la semaine chez Tolman & King, il va « s'installer à Saint-Louis en 1897 » -, date qui correspond aussi à la naissance d'Edgar. Queeny a alors la quarantaine et la chance ne semble pas lui avoir souri. A ce stade, une union avec « la fille Monsanto » apparaît donc peu probable, admettons-le. À Saint-Louis, il devient l'employé d'une grosse société pharmaceutique du nom de Meyer Brothers Drug Company. D'après Wikipédia (en anglais), « il aurait, deux ans plus tard, mis toutes ses économies dans l'achat d'une raffinerie de sulfure qui brûla le lendemain de l'ouverture ».
Si l'on suit bien cet étrange parcours, Queeny aurait fondé Monsanto Chemical Work en 1901 - société sise à Saint-Louis dans le Missouri - avec un apport de 5 000 dollars, sans pour autant quitter Meyer Brothers. Il se serait lancé dans la production de saccharine - grâce au raffinage de la betterave à sucre (1900) - qu'il revendait à Meyer et dont il commença à tirer profit en 1905. (Bientôt suivraient les substituts du beurre ainsi que le glutamate monosodique (GMS), si nocif à la santé). Il aurait quitté Meyer l'année suivante pour rejoindre Monsanto à temps plein. Aurait-il, du même coup, adopté Edgar que rien ne présupposait à être son fils biologique ?
Le peu que l'on sache sur Edgar prête à croire qu'il fut un homme brillant, qu'une fois PDG de la corporation, il allait contribuer à « une nouvelle ère d'expansion pour Monsanto, avec le lancement de la manufacture de plastiques pétrochimiques et du phosphore » [découvert cependant en 1669 par l'alchimiste allemand Hennig Brand, lors de ses recherches sur la « Pierre du philosophe »]. Sa renommée ne sera pas compromise par le krach de 1929, Monsanto affichant au contraire, des profits.
Elu membre de Missouri Historical Society et président de Lafayette-South Side Bank Trust Company, Queeny sera élevé au titre de Chevalier de l'Ordre de Malte - révélation di Comte - après avoir été « initié au sein de le forteresse des Jésuites dans laquelle réside le Pape Noir de l'Université de Saint-Louis depuis 1818».
Il s'avéra que « ce comte » n'était autre que « le Comte Saint-Germain, un homme enveloppé de mystère, de naissance et patrimoine inconnus ; teint olivâtre, cheveux noirs, d'apparence juive (sic). Se disant âgé mais détenteur de secrets séculaires, dont celui d'immortalité, il n'apparaissait pas plus vieux que 50 ans, en toutes occasions ; élégant, portant les bijoux les plus purs ; parlant plusieurs langues, écrivant des deux mains... Arrêté à Londres car soupçonné d'espionnage, durant la rébellion jacobite de 1745, il sera libéré sans inculpation. Supposé mort le 27 février 1784, il aurait été aperçu par plusieurs témoins... ». Curieux personnage en effet.
Parmi d'autres initiés, signalons J.P. Morgan junior, de l'ordre des Saints Maurice et Lazare, qui fonda, en 1918, la US. Steel Corporation et fit du Chevalier de Malte, John A. Farrell, son président.
Monsanto a aussi des liens avec la société Walt Disney, financée par Bank of America, sous la gouverne du frère de Walt Disney, Roy, lui aussi promu Chevalier de Saint Grégoire en compagnie du propriétaire de Fox News, Rupert Murdoch.
Monsanto est aujourd'hui présidé par Hugh Grant qui, afin de ne pas déroger à la réputation de ses prédécesseurs, porte bien son épithète d'homme « sans scrupules ». Mais avec une rémunération annuelle aussi indécente : une trentaine de millions de dollars, gageons qu'il n'en a cure.
Michelle FAVARD-JIRARD. Rivarol du 24 novembre 2016
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