François et sa mère, Isabelle d'Orléans et Bragance (courtoisie Gotha) |
Avertissement : Les échanges que nous avons eus à la suite de l'article publié sur Royal-Artillerie le 11 octobre 2009 en mémoire du sous-lieutenant François d'Orléans, mort pour la France en Kabylie le 11 octobre 1960 (clic) ont dessiné la maquette du RETEX sans pour autant nous en donner tous les détails. Voici le rapport d'étape avec quelques photos moins connues. L'affaire date de 56 ans déjà. Il aurait eu 81 ans aujourd'hui.
Incorporation de François d'Orléans (courtoisie "Jours de France") |
En novembre 1959, le chef de corps du 7°BCA a encore foi dans l'Algérie française et motive ses troupes pour une pacification de la Grande Kabylie et une transformation des conditions d'existence des populations. Il faut dire que l'année 1959 a été mouvementée. Les unités de l'ALN, probablement réduites, privilégient le combat de montagne avec même l'appui-feu de grenades à fusil. Le bataillon encaisse pas mal. En juillet 1959 c'est le Slt Tézenas du Montcel qui prend deux chevrotines dans le ventre à courte portée à dix mètres du commandant de compagnie, mais il guérira de sa blessure car il tenait son MAT-49 sur le ceinturon qui amortit l'impact. Les félicitations du Premier ministre Debré, venu en inspection au mois d'août 1959 à Tikichourt et aux Ouacifs, ne dissuadent pas les officiers que la queue de trajectoire reste l'Algérie française. Au contraire, même si le terme Algérie française n'est pas écrit dans sa lettre de remerciement, assez prémonitoire quand on la lit avec du recul. Evidemment, c'est le 30 août 1959 que le général de Gaulle laissera tomber l'intégration dans un discours à Beni-Douala où il offrira le choix aux Algériens "entre la francisation, l'association et la sécession", après la fameuse "paix des braves". L'effarement de l'interprète berbère lui fera dire à la population amassée le contraire de ce qu'il entendait (source Mekerra).
Ignorant l'évolution sémantique du projet gaulliste, les sections de chasseurs continuent à sortir chaque jour et l'année suivante aussi. On constate même une augmentation du trafic rebelle en 1960. Un sergent du 7, le Sgt Sipière trouve la mort dans les mêmes conditions que mourra François d'Orléans trois mois plus tard, à la tête de son groupe, tir de chevrotines à bout portant d'un HLL isolé. Dans son édito de juillet 1960, le chef de corps n'est plus aussi optimiste mais fait bonne figure. (source Le Cactus, fanzine polycopié du bataillon tiré à 1000 exemplaires).
L'Echo d'Oran |
a.- Sergent Jean-Claude Borrel (1è Compagnie du 7°BCA) qui passe début 1960 par le poste commandé par le Slt d'Orléans à Aït Ali Ouharzoun (clic)11.10.1960 : Le ratissage commence au matin dès les ordres reçus par chacune des sections des Commandos P12 et V11. Selon l'intervenant "f", la section d'Orléans accroche rapidement trois moussebiline* sérieusement retranchés dans les anfractuosités d'un tertre, qui allument les harkis de pointe, en blessant deux et tuant le troisième. François d'Orléans détestaient les moussebiline d'une haine tenace à divers motifs liés à la guerre et aurait dit auparavant à un jeune fellagha prisonnier sur son lit d'hôpital « Si (prénom du prisonnier), j'ai de l'estime pour vous, combattants de l'ALN, par contre, les mouzebilines sont pour le sabotage, pour couper les routes, pour couper les arbres des vergers et les poteaux téléphoniques. C'est une vermine, ces mouzebilines.» (source Salah Mekacher, Aux PC de la Wilaya III - 1957-1962)
b.- Pivotant-Autorité, indicatif du radio de compagnie du commando V11
c.- Lieutenant Delaforge (ancien des Compagnies sahariennes) commandant la 1ère Compagnie du 7°BCA détachée au 6. Delaforge avait déjà formé une section de supplétifs à Tikichourt quand il commandait la 2è Cie.
d.- Sergent Jean-Paul Denut, 2è Section du Commando P12
e.- "? Patrick-Charles Renaud ?", Commando V11
f.- Sergent Zebrowski, Commando P12, témoin oculaire le plus proche.
* les moussebiline, prononcé mouzebilines par François d'Orléans, étaient des supplétifs civils recrutés par les unités régulières de l'ALN parmi les montagnards pour le renseignement, le transport et le sabotage
Les grenades ne donnant rien, est-ce d'exaspération qu'il se précipita à contre-jour à l'assaut de "ces salopards" pour les grenader de plus près ? En l'absence d'aucun autre motif valable, on peut le supposer. Trop exposé, sans vision exacte, il fut reçu par un coup de chevrotines dans le ventre ; il était dix heures du matin. La position fell n'était pas inexpugnable puisque les trois moussebiline furent tués, ainsi que tous les ennemis qui tombèrent sous la main des chasseurs en ce funeste jour. L'intervenant "e" parle de 85 morts, HLL (hors-la-loi) et autres, mais les pertes semblent par lui surestimées à moins que l'on ait anéanti toute une katiba rebelle, ce qui n'aurait pas manqué d'être inscrit sur la citation pour la croix de la Valeur militaire donnée au Slt François d'Orléans. L'intervenant "f" estime les pertes ennemies à une quinzaine, soit un groupe ou une demi-section, effectif normal se déplaçant en zone d'insécurité. Il y aurait eu quatre morts de notre côté. Si on se fie aux témoignages et sur la base du règlement de combat de base (ne pas sourire, ça peut sauver), la faute technique est évidente. Le chef de section n'a pas pris la peine de manœuvrer pour réduire la position ennemie retranchée. Il s'est jeté au devant d'un poste embusqué, ce que n'aurait pas fait un voltigeur à l'issue de sa période d'instruction, surtout avec trois camarades au tapis devant lui. L'écoulement du temps ne l'obligeait à aucune précipitation puisque c'était le matin. Son esprit était à ce moment-là en défaut d'attention ; nous n'en saurons jamais les raisons qui peuvent être personnelles ; sauf que son frère, Henri, a signalé ensuite que ce ratissage était sa dernière opération de terrain et qu'il avait déjà fait le pot d'adieu à sa section. L'ordre est arrivé rapidement de se taire pour ne pas offrir cette victoire aux insurgés. Les anciens participants à l'opération se montrent effectivement peu diserts encore aujourd'hui.
Massif du Djurdjura |
1è Cie du 7è BCA |
On n'en saura pas plus mais des versions les plus fantaisistes commenceront à circuler, forcément. Même le camp adverse est resté très discret sur cette funeste journée. Que cet article suscite des compléments et des rectifications, c'est tout ce que nous souhaitons. Nous terminons par ce témoignage de Pierre Clostermann : Dans cette guerre pourrie, maudite, d'embuscades, de recherches, de poursuite, de soif, de sueur, de souffrances, dans cette guerre dominée par l'homme et non par la puissance mécanique, c'était pratiquement au corps à corps qu'il fallait débusquer, lever et tenir le contact de l'adversaire. C'est bien ce que fit le jeune chef de section... pendant qu'à Paris les pouvoirs publics organisaient entre gens de haute discrétion le largage de l'Algérie et du Sahara qui allait rendre inutiles les sacrifices de tous ces jeunes Français, et surtout ceux des Français de cœur.
Tout son entourage aimait François d'Orléans et sa disparition fut un choc, d'abord dans sa famille, mais aussi dans le mouvement royaliste français, ce que j'ai vécu moi-même à l'époque, où les gens étaient sincèrement effondrés autour de moi par cette nouvelle. Il restera de lui, outre le souvenir d'un prince simple et cordial, un fils qu'il n'a pu connaître et qui peut être fier de son ascendance. La revanche de la vie est dans la mémoire des vivants, celle qui le garde pour nous sous les traits de sa jeunesse. Qu'il repose en paix parmi les siens.
Nécropole royale de Dreux |
PS : un grand merci à l'artilleur de marine Michel C., infatigable soutien (il se reconnaîtra) sans qui cet article n'aurait pu être bouclé.
Notes:
(1) Fort national sur Généawiki
(2) C'est cette formation du 2è RIMa qui accueillera le général De Gaulle venu deux mois plus tard à Akbou pour recevoir la capitulation du chef ALN de la Wilaya III, colonel Mohand Oulhadj, quand ce dernier n'attendait que des négociations de cessez-le-feu. Le général De Gaulle repartira bredouille et furieux.
(3) L'unité élémentaire des bataillons alpins est la compagnie, elle même formée de sections ; il n'y a pas de pelotons mais Henri d'Orléans a fait son temps dans la cavalerie.
Obusiers de 105 en batterie au 6°BCA (2°Cie) pour fracturer les rochers |
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