lundi 11 avril 2016

La figure royale de Clovis à Charlemagne

Un retour dans le passé, un regard sur le haut Moyen-Age…. Voilà ce que je vous propose aujourd’hui ! Qu’est-ce donc que cela, le haut Moyen-Age ? Pour résumer, il s’agit de la période qui s’étend en Occident de la chute de Rome en 476 à l’An mil. Epoque méconnue, encore plus reléguée comme obscure, violente et inutile à notre époque, ce premier Moyen-Age est pourtant celui qui nous transmis notre fondement de royaliste. En effet, de Clovis à Charlemagne, différentes traditions royales se sont mêlées : l’héritage helléno-romain, celui germanique et enfin la tradition chrétienne. Ainsi, c’est dans notre royaume ou presque qu’est née l’idée royale telle que nous la connaissons, plus ou moins déformée.
Dans le monde franc, le roi est soumis à la loi. La législation peut être changée, améliorée ou adaptée mais le roi est un chef soumis à la loi, c’est-à-dire à l’organisation pratique du royaume. Cette loi est orale et il faut attendre Clovis pour en connaître la première codification. La dynastie mérovingienne ne publiera aucun édit important jusqu’à celui de Louis Ier en 688. Encore faut-il préciser que cet édit reprend celui du roi lombard Rothari. Le royaume lombard s’inspire plus volontiers de la Rome royale et impériale, avant que les Francs n’en fassent autant. L’héritage romain tend à faire du roi le législateur en chef, celui par qui la loi est légitime et celui par qui elle est aussitôt légale. En effet, cela vient de l’époque impériale où le Sénat faisait le droit et l’empereur faisait la loi. Si l’on ajoute à cela le christianisme, le roi devient l’émetteur de la loi… A la différence notable que la loi doit être en accord avec le Décalogue. Lorsque Charlemagne fait reprendre la législation franque en 802/803, il est stipulé que la réforme doit permettre de rendre l’administration plus efficace et que le roi est l’intermédiaire entre Dieu et les hommes de cette terre. Contrairement à une idée répandue, la loi salique est évoquée non pas lors de la Guerre de Cent Ans mais par un des capitulaires de l’empereur Charlemagne ! Cette loi évoque la fondation du royaume franc par Dieu et affirme que le roi n’est pas au-dessus des lois mais aussi que la justice est dans la nature de la fonction royale.
Oui, dès le IXème siècle, il est affirmé que le roi fait la loi, que celle-ci est légale tant qu’elle ne va pas à l’encontre des principes de la Foi, et qu’il en découle que le roi a pour rôle d’être juste et de rendre justice. Isidore de Séville et le concile de Paris de 829 reprennent cette idée fondamentale. Charlemagne utilise le terme de missii pour parler des hommes de confiance qu’il envoie remplacer les tribunaux comtaux : ces « envoyés » ont pour mission de rendre justice pour le roi, en son nom.
Au-delà de la loi et de la justice, la figure royale hérite des trois traditions dont nous avons parlé en ce qui concerne son rapport à la religion. La nouveauté est la construction de la Chrétienté et donc de la montée en puissance de l’évêque de Rome, pas encore appelé pape. Sous les dynasties mérovingienne et carolingienne, le roi franc tente de se faire du pontife romain un allié et s’entoure d’évêques. Les plus compétents méritent d’être cités : Eloi, monétaire du roi Dagobert, Alcuin, le conseiller anglo-saxon de Charlemagne ou encore Hincmar, le soutien de Charles le Chauve. Preuve que l’Eglise est au cœur des préoccupations, les missii sont toujours au nombre de deux : un laïc et un clerc. Ce rapport étroit qu’ont nos premiers rois avec Rome ne doit pas faire oublier que des tensions ont existé : de manière générale, les mérovingiens et les carolingiens font pression pour nommer évêque un de leurs proches. Si Louis Ier est révérencieux envers l’Eglise, Charles Martel (certes jamais roi) estime que les terres ecclésiastiques sont publiques et qu’il en dispose selon sa volonté ! Le lien entre le roi franc et l’Eglise se fait par la protection militaire du premier à la seconde et des réformes régulières assurant que le clergé soit le moins ignorant et le plus chaste possible. Le sacre royal est bien sûr l’ultime lien qui unit le roi à Dieu et à Son Eglise, ici intervient la tradition juive.
Enfin, le roi est un guerrier, et même le premier des guerriers de son royaume. Selon Grégoire de Tours, la guerre juste doit être menée avec détermination, mais il n’explique pas ce qu’est la guerre juste… En théorie source de paix, le roi est donc aussi qui doit dire quand la paix n’est plus possible et doit agir par les armes quand il le faut. Il ne faut pas oublier que la légitimité est alors dans la victoire militaire, aussi un roi qui ne fait pas la guerre n’est pas un roi. Charlemagne mène ainsi ses hommes au combat presque jusqu’au terme de sa vie. Illustrant le contraire du roi qui guerroie pour une juste cause, Childéric est tué en 675 après avoir assassiné un grand de son royaume. La victoire sur les païens permet non seulement de montrer la grandeur de roi chrétien mais aussi d’accroître sensiblement son territoire.
Loi, Foi et guerre, tels sont les attributs de roi dans l’Occident chrétien du haut Moyen-Age. Il s’agit durant ces siècles de rien de moins que de la naissance de la figure royale telle que nous la connaissons de nos jours. Source de loi dans le monde romain, le roi chrétien ne peut se défaire de la loi divine, ce qui l’amène alors vers la justice qu’il doit assurer et faire assurer. Enfin, source de la liberté et de la paix de son royaume, le roi se révèle être le premier serviteur armé de son royaume. En fait, les traditions romaine, germanique et chrétienne ont façonné notre conception de la royauté. Pour reprendre Gorges Dumézil, dans le monde indo-européen, le roi est le réceptacle et le garant des trois fonctions : sacré, guerre, fécondité (tant de la terre, que de la femme). Ainsi le roi rassemble des fonctions paternelles et maternelles. L’Eglise lui assure le sacre, qui n’est pas un sacrement mais un sacremental qui fait de l’oint une figure présente du Christ, ce qui est une fonction paternelle et maternelle à la fois (Dieu étant au-delà). La guerre permet au roi de montrer sa virilité et sa vaillance devant la mort, ce qui est une fonction paternelle. De même, le roi est tenu pour responsable de la bonne récolte en tant que lien avec le divin (fonction nourricière du père) et sa descendance prouve au monde que le royaume a un avenir (fonction maternelle de la fécondité). Ces trois fonctions que sont le sacré, la guerre et la fécondité ont inspiré directement les trois ordres : ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent.
Mais le haut Moyen-Age a aussi fondé notre Loi fondamentale ! N’avez-vous pas l’impression que le fait que le roi est législateur tant que la loi est légitime selon Dieu ne se rapproche pas du fait que le roi n’est pas propriétaire mais dépositaire de la Couronne ? De là, découle la Loi fondamentale, que le roi est « dans l’heureuse impuissance de changer. » Le légitimiste peut ainsi puiser jusqu’au haut Moyen-Age pour évoquer les causes qui font de l’héritier le roi !
Charles d’Antioche

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