Jean-Claude Valla, La nostalgie de l’Empire, une relecture de l’histoire napoléonienne, éditions L’Aencre (collection Les Cahiers Libres d’Histoire), 2004
Jean-Claude Valla, journaliste, historien et entre autre co-fondateur du GRECE a écrit de nombreux ouvrages dans la collection Les Cahiers Libres d’Histoire comme Georges Valois, de l’anarcho-syndicalisme au fascisme (2003) ou Ledesma Ramos et la Phalange Espagnole (2003). L’auteur, malheureusement disparu en 2010, nous propose une étude sur Napoléon et le mythe impérial qui ne pouvait que susciter mon intérêt ayant toujours eu depuis mon plus jeune âge une certaine sympathie (toute romantique) pour les empires, en particulier pour l’empire romain, l’empire carolingien et l’empire napoléonien. Et, ça tombe bien, ce sont ces trois empires qui sont passés au crible pendant les 109 pages de l’ouvrage. Un format court mais dense, qui permet d’aller à l’essentiel et peut être aisément complété par d’autres lectures.
La thèse centrale de l’auteur est assez simple, Napoléon n’aurait pas simplement agi par mégalomanie mais pour se placer dans l’héritage romain et carolingien (p.18). Et c’est, je dois bien l’admettre, mon avis. L’ouvrage se découpe en quatre parties : l’héritage romain (Chapitre 1), l’héritage carolingien (Chapitre 2), un nouveau Charlemagne (Chapitre 3), la couronne de fer (Chapitre 4), auxquelles nous pouvons ajouter un avant-propos et une postface qui permettent de clarifier aisément la position de l’auteur et de ne pas cacher sa fascination, plus que son admiration, pour le premier empereur des Français.
Cependant n’imaginez pas lire ici un ouvrage entièrement consacré à Bonaparte, l’auteur s’attarde longuement sur les différents empires et royaumes dont Napoléon se serait inspiré. De fait le premier chapitre devient très rapidement un abrégé d’histoire romaine. Ce qui intéresse l’auteur c’est de montrer la persistance du mythe impérial dans l’histoire et de certaines questions, comme par exemple la lutte entre le sacerdoce et l’empire. Particulièrement en ce qui concerne l’héritage carolingien. Car ce qui transparait dans l’ouvrage, c’est que si l’héritage romain existe bel et bien, il a pris corps au temps des Carolingiens, puis des Ottoniens, sous une forme dont se rapproche beaucoup plus Napoléon. Ainsi à l’instar de Charles le Grand, Napoléon ceint la « couronne de fer » des Lombards et tente de soumettre la Papauté et à l’instar des Ottoniens il convoite Rome dont il désigne son fils « roi » rappelant le titre de « roi des Romains » qui avait court dans l’occident médiéval.
Contrairement à une idée reçue, Napoléon n’apparaît pas comme un simple héritier de l’Antiquité, mais bien au contraire comme un véritable héritier des dynasties médiévales. Ainsi Joseph Siméon proclame que « Lorsque les institutions s’affaiblissent, et que la famille dégénérée ne peut plus soutenir le poids des affaires publiques, une autre famille s’élève. C’est ainsi que l’empire français a vu les descendants de Mérovée remplacés par ceux de Charlemagne, et ces derniers par ceux d’Hugues Capet. C’est ainsi que les mêmes causes et des événements à peu près semblables (car rien n’est vraiment nouveau sous le soleil) nous amènent une quatrième dynastie. » (p.44) D’autres éléments peuvent se rajouter au dossier, Napoléon accepte la proposition de symbole de Cambacérès, l’abeille. Celle-ci faisant référence aux abeilles retrouvées dans la sépulture du roi Mérovingien Childéric, le père de Clovis, à Tournai. Napoléon va également utiliser un sceptre de Charles V surmonté de l’effigie de Charlemagne et se placer dans l’héritage des Francs. Car au-delà du peuple lui-même, dont l’origine germanique n’est pas ici au centre du débat, le mot « franc » vient du latin francus qui signifie « libre ». Ce qui n’est pas totalement innocent en cette période qui a vu le tourment révolutionnaire prospérer sur l’idée de liberté.
Pourtant, malgré cet héritage qui paraît simple, Napoléon demeure tout au long de l’ouvrage un personnage complexe, voire contradictoire. Ce qui au fond en fait un personnage éminemment intéressant, cassant les clivages, peut-être le premier archéo-futuriste de l’histoire contemporaine. Jean Claude Valla n’hésite pas à caresser cette idée du doigt et va même plus loin en conclusion de l’ouvrage: « Qui sait ? cette Europe, à la fois moderne et réenracinée dans ses traditions les plus anciennes, nous aurait peut-être évité la furie des nationalités, le culte de l’Etat-nation ce « nationalisme de bêtes à cornes » dont parlait Nietzsche, les sanglantes boucheries de 14-18 et de 39-45, puis au bout du compte, l’inexorable déclin du Vieux Continent au seul profit de cette nouvelle « usurière carthaginoise » que sont les Etats-Unis d’Amérique. » (p. 109)
A méditer…
Jean / C.N.C.
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