A l’occasion de la réédition du “Blanc Soleil des vaincus” chez Via Romana, nous publions l’éditorial de Dominique Venner du hors série numéro 3 de la Nouvelle Revue d’Histoire consacré à la guerre de Sécession et paru en 2011.
Depuis que les Etats-Unis d’Amérique ont imposée l’hégémonie mondiale du dollar, le mythe de la démocratie à l’américaine a été quasiment divinisé dans l’hémisphère « occidental », ce qu’Aristote s’était bien gardé de faire pour la démocratie antique. La démocratie américaine n’est pourtant rien d’autre qu’une oligarchie, comme le sont la plupart des systèmes politiques. Grâce peut-être au permanent sourire commercial de ses dirigeants, elle semble néanmoins parée de toutes les vertus en dépit de comportements peu vertueux. À cette « démocratie », associée de nos jours au libéralisme économique si fortement malmené par ses financiers, on prête des mérites exceptionnels. On affirme par exemple qu’elle est synonyme de paix et que jamais deux démocraties ne se font la guerre.
Voilà une affirmation que dément catégoriquement la guerre de Sécession américaine (1861-1865). Ce ne fut pas une guerre civile comme le voudrait l’interprétation des vainqueurs, mais une « guerre entre les États », suivant l’expression plus exacte des Sudistes, une guerre entre deux nations que tout opposait depuis longtemps, une guerre de conquête de la plus faible par la plus forte, la plus impérialiste et la plus peuplée.
La Confédération des États sudistes était aussi démocratique que l’Union des États nordistes. C’est même au Sud, en Virginie, que s’enracinait la matrice de la démocratie américaine dans sa version originelle. Les combattants de l’indépendance de 1776 (George Washington) et les pères de la Constitution de 1787 (Thomas Jefferson) étaient des Virginiens, des hommes du Vieux Sud, comme le furent beaucoup de présidents des Etats-Unis avant que ne s’ouvre la fracture entre la nation sudiste et la nation nordiste.
La guerre de Sécession fut bel et bien une guerre de conquête, une guerre impitoyable, conduite par la démocratie nordiste contre la démocratie sudiste. Une guerre conclue par la domination implacable de la première sur la seconde.
Cette guerre fut la plus sanglante de toute l’histoire américaine. C’est là un privilège démocratique. Les pertes furent supérieures d’un tiers à celles de l’Amérique durant la Seconde Guerre mondiale, pour une population sept fois moins nombreuse. La démocratie sudiste, moins peuplée que la Suisse d’aujourd’hui, succomba finalement sous le nombre et sous l’écrasante supériorité matérielle de la démocratie nordiste, après avoir remporté d’innombrables batailles. Sa défaite n’entraîna pas seulement la destruction de son indépendance politique et économique, mais celle aussi de sa civilisation. Dans les années qui suivirent sa capitulation, le Sud fut soumis au pillage, à la vindicte et à la loi martiale du Nord.
À bien des égards, la guerre de Sécession annonce par son ampleur celle de 1914-1918. Ce fut la première guerre « démocratique », plus encore que les guerres napoléoniennes. À la différence des armées de l’Ancien Régime, celles de la guerre de Sécession étaient le produit de « levées en masse ». Ce fut la première guerre où l’un des enjeux fut l’opinion publique, car de celle-ci dépendait la volonté de vaincre plutôt que de trouver un compromis. Ce fut la première où l’acharnement des combattants et la généralisation de nouvelle armes meurtrières, multiplièrent les pertes dans des proportions jamais vues. Dans l’histoire moderne, ce fut aussi la première guerre totale prenant en otage toute une population (celle du Sud) en exerçant sur elle la terreur de destructions massives n’épargnant pas les civils, en détruisant leur habitat et en les affamant. Ce fut la première guerre de l’époque moderne où, pour obtenir la mobilisation « démocratique » des masses et donc celle de l’opinion, on fabriqua un ennemi haïssable et diabolisé, contre qui tout était permis, comme l’ont si bien montré le général Sherman en Georgie et quelques autres. C’est aussi la première grande guerre idéologique, plus encore que celles de la Révolution française, où la défaite d’une des deux nations s’est accompagnée d’une sourde résistance conduisant parfois à la revanche des vaincus par la voie royale de la littérature et du septième art.
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