vendredi 11 décembre 2015

1429 : La légitimité confirmée

Le royaume échappait à Charles VII. La France était livrée aux grands félons, à l'Université, au haut-clergé, tous ralliés à l'occupant. « Tout devait demeurer en l'air, tant qu'il n'y aurait pas un commandement politique affermi... »
Cette année-là, la septième de son règne encore fictif, Charles VII, vingt-six ans, recevait enfin l'onction divine en la cathédrale de Reims, où il entrait accompagné d'une jeune fille qui s'était fait connaître deux mois plus tôt, le 8 mai, en reprenant contre toute attente Orléans aux Anglais. Depuis lors, Charles croyait fermement en la mission divine de Jeanne d'Arc, car seule une envoyée de Dieu pouvait sortir la France du gouffre où elle était tombée sous le règne de son père, le roi dément Charles VI.
Un Anglais roi de France
La France avait même cessé d'exister en 1421, quand la reine Isabeau de Bavière totalement dépassée par les événements, avait signé au nom de son mari hébété le honteux traité de Troyes, acceptant que le roi anglais devînt roi de France !
On assistait là aux conséquences de longues décennies de désordres politiques, intellectuels, moraux et religieux. L'incapacité du roi Charles VI à gouverner avait rendu la situation tout simplement républicaine (voir L'AF 2000 du 1er mai et du 3 juillet 2008) et tous les individualismes s'étaient déchaînés à commencer par ceux des propres parents du roi (frères et neveux de Charles V le Sage). Un parti bourguignon s'était créé autour des ducs de Bourgogne (Philippe le Hardi, Jean Sans Peur, puis Philippe le Bon), qui, unis à l'opulente maison de Flandre, reprenaient le vieux rêve anti-capétien de reconstituer, avec l'aide de l'Angleterre, une Lotharingie reliant les puissances commerciales du Nord européen, d'Allemagne et d'Italie. Contre le parti bourguignon, un parti Armagnac s'était créé. Tout cela sous l'oeil amusé du roi d'Angleterre qui gardait prisonnier le délicieux poète Charles d'Orléans, neveu du roi, et qui rêvait de ne faire de la France qu'une bouchée.
Politique d'abord !
Quand, un an après le traité de Troyes, Charles VI mourut, suivi de peu dans la tombe par Henri V, « roi d'Angleterre et de France » (sic), le jeune Charles était devenu Charles VII, mais son royaume lui échappait, livré aux grands félons, à l'Université, au haut-clergé, tous ralliés à l'occupant qui dévastait les campagnes et maltraitait le petit peuple. Charles n'était plus guère respecté en dehors de la région de Bourges où il résidait chichement avec son épouse Marie d'Anjou, fille de la riche Yolande d'Aragon. Il se croyait toutefois abandonné de tous, et doutait d'être réellement le fils de son père. Tout semblait humainement perdu, tandis qu'à Paris le duc de Bedford s'était emparé du pouvoir au nom de son neveu le « roi d'Angleterre et de France » (sic) Henri VI, orphelin âgé d'un an.
Dieu n'abandonnait pourtant pas la France. Jeanne d'Arc, confiante dans ses Voix célestes, était venue de Domrémy pour en persuader le vrai roi qu'elle appelait encore « gentil dauphin » et qu'elle avait rencontré à Chinon. La suite est connue de tous jusqu'à Orléans, cette dernière poche de résistance française que les Anglais se flattaient déjà d'avoir réduite définitivement. Ici, nouvelle surprise : les militaires, avec un certain bon sens, voulaient d'Orléans courir vers la Manche pour chasser les Anglais. Jeanne dit non. Maurras a expliqué lumineusement pourquoi : « Ses Voix allaient d'accord avec les vues saines de Politique sage qui eussent calculé qu'en définitive l'heureuse aventure du débloquement d'Orléans, accomplie comme elle l'avait été, représentait malgré tout un beau risque et un beau miracle, mais que, pour le reste, il fallait se plier à la Nature des choses. Or, dans cette Nature, tout devait demeurer en l'air, tant qu'il n'y aurait pas un commandement politique affermi. Avant de rien tenter de nouveau, il fallait qu'il n'y eût plus de dauphin, si gentil soit-il, mais bel et bien un Roi, un Roi certain pour tous, un Roi reconnu, acclamé, enfin sacré : le Roi. » Pour Jeanne, Politique d'abord s'accordait dans l'ordre des priorités avec sa devise : Dieu premier servi.
Le souvenir de Jeanne
L'indomptable paysanne sut vaincre les hésitations des poltrons : le 17 juillet 1429, dans Reims que les habitants ornèrent en hâte, Charles VII fut sacré et la foule fit au roi un triomphe : « Noël, Noël ! » Le rétablissement de la légitimité confirmait le pacte de Clovis avec le Ciel ; la mission de Jeanne à la jonction du spirituel et du temporel était accomplie. Comme le dit Marie-Madeleine Martin, « Reims est le signe avec lequel personne n'osera entrer en lutte, l'Oint du Seigneur sera bientôt Charles VII le Victorieux ».
Il allait quand même falloir à ce roi restaurateur et avisé batailler jusqu'en 1435 avant de faire la paix avec son cousin de Bourgogne et jusqu'en 1453, huit ans avant sa mort, pour mettre fin à cette maudite guerre de Cent ans. Il n'abandonna jamais le souvenir de Jeanne, martyre des Anglais : il entreprit sa réhabilitation et anoblit sa famille tandis qu'il exemptait d'impôts les habitants de Domrémy.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 21 janvier au 3 février 2010

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