C’est l’une des photos les plus célèbres du monde : l’homme qui incarne aux yeux du grand public le génie scientifique, Einstein, vieillissant et moustachu, tire une longue langue râpeuse.
Chacun est prié d’y trouver le symbole de l’excentricité et de l’indépendance du super héros scientifique vis-à-vis des pouvoirs établis.
Et si en réalité c’était à la vérité et à l’honnêteté intellectuelle qu’Einstein tirait la langue ? Car aujourd’hui, scientifiques et historiens savent que si c’est Albert Einstein qui a mis en scène la relativité, c’est Henri Poincaré qui l’a découverte.
Explications.
Einstein est largement reconnu comme « le père de la relativité» ; pourtant, lorsqu’il obtint le prix Nobel en 1921, ce fut pour l’explication de l’effet photo électrique, point de départ de ce qui allait devenir la mécanique quantique, et non pour la relativité que le Comité Nobel se refusa de citer dans les raisons de couronner Einstein. A juste titre. C’est en effet Henri Poincaré, polytechnicien et membre de l’Académie des sciences, qui fut l’inventeur de la relativité restreinte qui se trouve déjà présentée dans une série de publications écrites de 1898 à 1905 - série de publications qui s’appuient sur des travaux antérieurs de Poincaré lui-même, remontant à 1885 et d’Hendrik Lorentz que Poincaré a l’honnêteté de fréquemment citer.
De même l’inventeur de la relativité générale n’est pas davantage Einstein, mais David Hilbert en 1915.
Tous ces faits sont aujourd’hui à la disposition du grand public cultivé et critique à travers d’une série d’ouvrages en français dont celui de Jean Hladik « Comment le jeune et ambitieux Einstein s’est approprié la relativité restreinte de Poincaré » (Ellipses). Cet ouvrage - comme ceux de Jules Leveugle et de Jean-Paul Auffray - démontrent en se basant sur une analyse chronologique des textes - qu’Einstein a davantage été un plagiaire qu’un créateur. Ces travaux en Français confirment d’ailleurs le point de vue d’auteurs anglo-saxons antérieurs et notamment ceux d’Edmund Whittaker dont les ouvrages publiés en 1951 rendent déjà à Poincaré et Lorentz ce qui leur revient…c'est-à-dire beaucoup plus qu’à Einstein.
A partir de ces constats deux questions se posent :
Einstein a-t-il réellement plagié ou a-t-il découvert la relativité en même temps que d’autres auteurs ?
Et pourquoi tout le succès médiatique de cette découverte lui revient-il ?
La réponse à ces deux questions est liée : Einstein est bien un plagiaire… et c’est justement ce qui explique son succès médiatique.
Il est fréquent qu’en sciences, plusieurs personnes convergent vers la même découverte au même moment. Pour une raison simple : les découvertes n’arrivent pas ex abrupto, elles sont la suite, elles sont la conséquence de travaux antérieurs que les scientifiques honnêtes ne manquent pas de citer. Et c’est bien là, la preuve du plagiat d’Einstein. Les travaux de Poincaré, sur la relativité restreinte comme ceux de David Hilbert sur la relativité générale, fourmillent de références. Pas ceux d’Einstein. Or, Einstein qui était chroniqueur scientifique aux « Annales de la Physique » ne pouvait pas ignorer les travaux des autres puisqu’il en était le destinataire régulier justement pour les présenter et les commenter !
Ne pas citer les auteurs qui l’avaient précédé, c’était manquer à la déontologie scientifique, c’était plagier, mais c’était aussi réussir un coup de génie médiatique.
Attribuer à Einstein la relativité, toute la relativité, c’est quand même plus simple que de la partager entre Lorentz, Poincaré et Hilbert, surtout quand les uns sont austères et que l’autre joue volontiers les histrions !
Les physiciens eux-mêmes se sont d’autant plus prêtés à ce jeu que n’étant pas généralement historiens peu d’entre eux sont retournés aux sources bibliographiques et que la communauté des physiciens s’est plutôt bien portée d’avoir comme porte-drapeau un excentrique… bien pensant.
Le pacifisme d’Einstein a été bien utile à l’image d’une science qui a malgré tout permis la découverte et l’usage de la bombe atomique.
Il n’est d’ailleurs pas surprenant que dans le champ politico-intellectuel français, les physiciens « progressistes » comme Paul Langevin (l’auteur du plan Langevin-Wallon aujourd’hui panthéonisé) ait pris le parti du « progressiste » Einstein contre le « conservateur » Poincaré.
Il y a donc tout lieu de craindre que 2005 étant l’année du « centenaire de la relativité » (ce qui n’est pas inexact : le grand article de synthèse de Poincaré couronnant 20 ans de recherche étant paru le 5 juin 1905, soit quatre semaines avant celui d’Einstein…), Einstein soit à nouveau appelé à faire la une des devantures de kiosques et des ouvertures de journaux télévisés.
Mais ceux qui auront eu la chance de s’informer sauront qu’il ne s’agit là que l’une des nombreuses mystifications du monde contemporain.
Andrea Massari
P.S. cet article, par souci de clarté, comprend peu de citations. En ce sens il pourrait passer, lui aussi pour un « plagiat ». Pour éviter cette accusation, l’auteur tient à préciser qu’il s’est inspiré des ouvrages cités ainsi que de nombreux articles disponibles sur internet. L’essentiel de ces références se trouve dans le dossier Einstein/Plagiat du Club de l’Horloge :http://www.clubdelhorloge.fr/index.php
P.P.S. Certains pourraient s’étonner que la revue « La Recherche » réputée sérieuse consacre encore aujourd’hui un numéro spécial, à propos de la relativité, à Einstein. Il n’en est rien pour deux raisons :
1. Nichée au cœur du pouvoir intellectuel, « La Recherche » garde le scientifiquement correct.
2. Einstein fait beaucoup plus vendre que Poincaré, Lorentz ou Hilbert ; c’est le paradoxe des médias : la valeur commerciale d’une information ne dépend pas de son exactitude. Et cette loi ne s’applique pas seulement aux « journaux de caniveaux »… mais aussi aux publications réputées sérieuses.
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