« La source principale d’où le culte de Mammon tire sa force est
l’afflux sans fin de biens acquis sans effort qui résulte de l’intérêt. »
Gottfried Feder
Gottfried Feder est un nom qui ne vous dit peut-être rien. Né en 1883 à Wurtzbourg en Bavière, cet homme politique et économiste est lié au destin de l’Allemagne. Vétéran de la Première Guerre mondiale, il développe, en parallèle de son engagement sous les drapeaux, une critique radicale du système bancaire. 1919 est l’année de parution de son œuvre la plus célèbre, Manifeste pour briser les chaînes de l’usure(Brechung der Zinsknechtschaft) et, dans la foulée, de la création du groupe « Deutschen Kampfbund zur Brechung der Zinsknechtschaft » qui réclamait, entre autre, la nationalisation des banques et l’abolition des intérêts bancaires. Il participe à la création du Parti ouvrier allemand (Deutsche Arbeiterpartei), qui changera bientôt de nom pour devenir le N.S.D.A.P. (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). Adolf Hitler montera au pinacle Gottfried Feder pour ses talents d’économiste et ce dernier aura un rôle déterminant dans la ligne économique du parti.
Les Éditions de la Forêt, de nos camarades de Terre & Peuple, ont eu la bonne idée de rééditer le manifeste de Feder, agrémenté d’articles connexes sur lesquels nous reviendrons un peu plus loin. Précédé d’une présentation du contexte historique rédigée par Pierre Vial, l’auteur rentre dans le vif du sujet et vise là où ça fait mal. Sa critique du capitalisme spéculatif est à la fois morale et économique. Il est cependant nécessaire de bien distinguer le capitalisme spéculatif, basé sur la prédation, la rente et le cumul à visée illimitée du capital, du capitalisme entrepreneurial. En effet ce dernier demeure dans le domaine du limité et est le plus souvent réinvestit contrairement au premier. Le prêt à intérêt est quant à lui le moyen par lequel le grand capital assoit sa puissance. L’auteur explique son principe de fonctionnement via les exemples des emprunts de guerre qui aboutissent, avec d’autres facteurs, à l’endettement de l’Allemagne. La critique de Feder s’accompagne naturellement de propositions et de mesures concrètes détaillées; citons parmi elles la conversion des emprunts de guerre en avoirs bancaires, ou même la déclaration de la faillite de l’État. Enfin l’auteur, dans une partie nommée « objections et réponses », confronte ses propositions aux oppositions courantes, qu’elles soient libérales ou communistes.
Pour compléter le propos de Gottfried Feder, les Editions de la Forêt ont choisi d’adjoindre plusieurs articles. Tout d’abord, et dans la continuité de l’auteur, on retrouve deux courts essais de Roland Wuttke (chef du groupe de travail Économie du N.P.D.), intitulés « Pour en finir avec le capitalisme » et « L’héritage de Feder : le programme économique du N.P.D. ». L’héritage de Feder est plus que palpable mais ces deux articles n’apportent pas grand-chose en définitif. Ensuite, un article initialement paru dans le n° 29 de la revue Réfléchir & Agir est signé d’Édouard Rix. Étant de loin le plus intéressant, il relate l’histoire d’Otto Strasser. Figure montante du N.S.D.A.P., il sera, de par ses convictions révolutionnaires et radicales, ostracisé. Il rentrera même en dissidence et sera contraint de s’exiler avant de revenir en Allemagne dans les années 50. Enfin, le livre se termine par un texte d’Edmond Vermeil et par deux citations, l’une d’Ernst von Salomon et l’autre d’Ernst Jünger. L’ensemble est franchement dispensable.
Ce Critique nationale-révolutionnaire du capitalisme spéculatif est un recueil de textes dans l’ensemble enrichissants. Bien entendu le manifeste de Gottfried Feder en est la clef de voûte et sa critique du capitalisme est toujours d’actualité. Passée la lecture un tantinet rugueuse, malgré une traduction de l’allemand très correcte et un léger côté incantatoire ici et là, on comprend pourquoi cet écrit rencontre un tel succès à l’époque. Certes il vous faudra quelques notions d’économie de base pour appréhender tous les tenants et aboutissants mais ceci ne représente pas du tout un obstacle insurmontable. La présentation de Pierre Vial et le texte d’Édouard Rix ont également leur importance, davantage historiques qu’économiques. Toute personne critique envers le néo-libéralisme et le système financier se doit de lire au moins une fois le manifeste de Feder; manifeste trop souvent passé sous silence (hélas !) du fait de l’engagement de l’auteur au sein du N.S.D.A.P.
Donatien Non-Conforme
• Gottfried Feder, Critique nationale-révolutionnaire du capitalisme spéculatif, Les Éditions de la Forêt, 2012, 118 p., 20 €.
• D’abord mis en ligne sur Cercle non conforme, le 30 juin 2015.
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