vendredi 4 septembre 2015

Libérer l'histoire de l'idéologie

Louis Dimier dénonce la déformation du passé français par la Révolution. Mais la rectification des faits ne constituait pour lui « qu'une partie de la besogne » ; « il fallait de plus restituer le vrai sens des faits dûment établis ».
Louis Dimier a placé cette phrase en exergue de son livre Les Préjugés ennemis de l'histoire de France (1) : « L'histoire imparfaitement observée nous divise : c'est par l'histoire mieux connue que l'oeuvre de conciliation doit commencer. » (Fustel de Coulanges) On lit aussi : « À Charles Maurras en hommage amical des idées que lui doit ce livre. » Louis Dimier (1865-1943) fut professeur de lettres et soutint une thèse d'histoire de l'art. Suspendu de l'université pour avoir protesté contre l'expulsion des maristes de Valenciennes sous le gouvernement Combes, il rallia l'Action française dès 1903 et il participa à la création de l'Institut où il occupa la chaire Rivarol. Il se brouilla avec l'AF entre 1924 et 1925 pour des raisons complexes et raconta ses années d'engagement dans un livre amer, Vingt ans d'Action française. Son éloignement et ses rancoeurs ne font pas oublier ce qu'il fut pendant de longues années auprès de Maurras et les excellents livres qu'il publia. Après sa rupture, il s'occupa d'histoire de l'art où il excellait.
L'esprit du livre
Dans Les Préjugés ennemis de l'histoire de France, il dénonce la déformation du passé français par la Révolution : « Je ne pouvais souffrir que mon propre pays fût condamné dans son passé par des hommes dont la friponnerie est peu de chose, si on la compare à leur sottise. »
Il va donc revenir sur un certain nombre de points : « J'ai nommé ces chapitres du nom de préjugés. Ce nom indique qu'il s'agit d'autre chose que des faits. La rectification des faits n'était qu'une partie de la besogne ; il fallait de plus restituer le vrai sens des faits dûment établis. Ce sens méconnu n'est pas un moindre mal que les événements controuvés ; il ne tend pas moins à faire détester le passé de notre pays ; il n'a pas fait un moindre objet des soins de la Révolution dans sa conspiration contre l'Histoire. »
Dimier va chercher à redresser ce que l'idéologie révolutionnaire a déformé pour justifier la République. Et de citer un joli mot de Fustel de Coulanges qui recommande le respect des faits et de leur contexte en parlant de « la chasteté de l'Histoire ».
Le plan de l'ouvrage
Dimier commence par faire un sort au celtisme – les vilains Romains ont détruit une civilisation supérieure – et au germanisme – la Gaule médiévale entièrement formée par les Germains et germanisée – deux thèses contraires aux données de l'histoire, il en vient à l'oeuvre des Capétiens, la création de la France.
Pour la monarchie capétienne, il redresse le préjugé démocratique qui fait mépriser la fonction royale, le préjugé économique qui pousse à mépriser l'oeuvre militaire des Capétiens, construisant peu à peu le pays, le préjugé féodal qui conduit au mépris de l'ordre royal au nom d'une fausse notion de liberté : certains ont voulu faire de Louis XIV, mieux, de François Ier, mieux encore, de Philippe le Bel, les fossoyeurs des libertés féodales qui déformèrent l'ancienne monarchie. Bainville s'amusait à leur dire avec sa froide ironie que les Capétiens avaient dévié dès Robert II !
Tour d'horizon historique
Après avoir renvoyé dos à dos les détracteurs du Moyen Âge qui voient dans la Renaissance la libération des « ténèbres » et les thuriféraires d'un paradis médiéval qui n'a jamais existé (tous idéologues hostiles à « l'oeuvre de conciliation »), Dimier fait la revue critique des revendications des partis qui cherchèrent à déchirer le tissu français et sont présentées comme des victimes de la monarchie, Albigeois, protestants, jansénistes. Il achève son tour d'horizon en étudiant la notion d'absolutisme et constate que « la tyrannie de Louis XIV n'a gêné que des gens qui n'ont pas vécu sous son règne ».
Le livre se termine sur un discours prononcé en 1905 pour le 75e anniversaire de la naissance de Fustel de Coulanges, le grand historien qui, le premier, dans l'Histoire des institutions politiques de l'Ancienne France, nous a libérés des préjugés ennemis de notre passé, qui empoisonnent notre présent et obèrent notre avenir.
Gérard Bodin L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 octobre au 4 novembre 2009
1) - Nouvelle Librairie Nationale, 1907 ; nouvelle édition revue et corrigée, même éditeur, 1917.

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