Les Cahiers d'histoire du nationalisme édités par Roland Hélie et Synthèse nationale viennent de faire paraître un livre consacré à Jean-Louis Tixier-Vignancour (23 euros franco, en vente à nos bureaux). Ce livre de 185 pages, fort intéressant, contient notamment un album de photos et une interview passionnante de Jean-Marie Le Pen.
La jeunesse de Tixier
Tixier naît le 12 octobre 1907 à Paris (VIIe arrondissement). Il a de qui tenir. Son grand-père, Gilbert Tixier, commença comme simple ouvrier, puis devint, grâce à son sérieux et à son engagement, directeur d'une papeterie et sera élu adjoint au maire de la très bourgeoise commune de Neuilly-sur-Seine. L'ascenseur social avait fonctionné à plein. Le père de Tixier, Léon, poursuivra cette ascension puisqu'à l'âge de 27 ans, où il rencontre celle qui sera son épouse, il est déjà considéré comme un grand médecin des hôpitaux de Paris. Du côté maternel, André, un arrière-grand-père, sera procureur du Roi, puis de la République, puis de l'Empire. Son fils Louis sera député conservateur puis sénateur républicain de gauche des Pyrénées-Atlantiques. Jean-Louis ne le connaîtra pas mais sans doute son évocation lui donna-t-elle le goût de la politique. Il a eu deux frères : Raymond qui sera pilote de ligne et joueur international de hockey (il sera sélectionné aux JO de Berlin en 1936 et mourra dans un combat aérien au début de la guerre), et Gilbert qui sera professeur agrégé de droit. Mais revenons à Jean-Louis. Sa grand-mère Berthe, est une femme de gauche, bien que catholique pratiquante. Elle épousera la cause dreyfusarde et aura une grande influence sur son petit-fils qui écrira plus tard un livre dont le titre est : Si j’avais défendu Dreyfus. Jean-Louis, tout en se définissant comme "républicain", éprouve une grande admiration pour Charles Maurras. Après le bac, il décide de devenir avocat, comme son grand-père maternel.
L’étudiant D'Action Française
A la faculté de droit, il a comme condisciples Edgar Faure et Pierre Mendès-France. Le Quartier latin est alors en ébullition et les Camelots du Roi tiennent le haut du pavé, face aux communistes. Tixier choisit évidemment le camp de l'Action française. Un de ses amis s'appelle… Robert Brasillach. Tixier ne tardera pas à connaître, durant onze jours, les joies des geôles républicaines. La raison : l'action menée le 9 mars 1926 par les Camelots du Roi contre une conférence du capitaine Sadoul qui, envoyé comme attaché militaire à Moscou, avait rejoint l'Armée rouge. La soirée fut des plus agitées et le jeune Tixier finit au trou... Cela lui valut les louanges de Léon Daudet dans le quotidien de l'Action française. En 1927, Tixier, qui n'a pas encore vingt ans, obtient sa licence en droit et prête serment. Le voici engagé dans une carrière d'avocat qui durera 60 ans. En quelques années, il deviendra un avocat reconnu et apprécié pour son éloquence.
Tixier devenu Tixier-Vignancour, entre en politique.
Tixier était évidemment présent, place de la Concorde, le 6 février 1934. Il décide de se lancer en politique. Les élections de 1936, qui verront la victoire du Front populaire, lui donneront l'occasion de se présenter pour la première fois. Il choisit d'être candidat dans le fief familial d'Orthez, où son grand-père, Louis Vignancour, avait été élu. Il s'y présente sous l'étiquette de l'Alliance démocratique et de la défense agricole, un mouvement de centre-droit, et est soutenu par le Front paysan d'Henri Dorgères, que d'aucuns accuseront plus tard d'avoir des tendances fascistoïdes. C'est au cours de cette campagne que Tixier décidera d'accoler à son patronyme celui de Vignancour.
Tixier-Vignancour vient de naître et il réussit, contre toute attente, à se faire élire ! Il se fait très vite remarquer à l'Assemblée nationale par la virulence de ses attaques contre le chef communiste Maurice Thorez et apparaît comme un des opposants les plus déterminés du Front populaire. Il éprouve une grande admiration pour Jacques Doriot, le député-maire de Saint-Denis, fondateur du Parti populaire français et aura droit à des articles plus qu'élogieux dans l'organe du PPF, l'Emancipation nationale. La chute du Front populaire se produit le 18 avril 1938. Léon Blum démissionne. Tixier-Vignancour fera partie de ce que l'on nomme « le camp des munichois », opposé à la guerre qui s'annonce. Il estime que les accords signés par Daladier à Munich étaient de nature à éviter la guerre. A l'instar de l'Action française, il sait que la France n'est pas en mesure de vaincre l'Allemagne nationale-socialiste. Mais hélas, la guerre éclate. On connaît la suite. Tixier-Vignancour, qui s'est conduit courageusement, est décoré de la Croix de Guerre avec étoiles d'argent et de bronze. Il rejoint Vichy où se réunissent les Assemblées. Lors d'une séance réunie le 9 juillet, il désigne les responsables de la tragédie les généraux, les ministres, Paul Reynaud, Léon Blum, et bien d'autres et vote, le lendemain, en faveur des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.
Son action à Vichy
Tixier- Vignancour se voit chargé par Laval de prendre en main la direction de la radio et du cinéma. Les conditions de travail sont pour le moins Spartiates. La radio d'Etat est en effet installée dans deux chambrettes de l'Hôtel du Parc, siège du gouvernement, séparées entre elles par trois étages. Le studio était fait de bric et de broc et le livre raconte que le Maréchal dut faire ses premières Interventions radiophoniques accoudé à une coiffeuse en bois blanc. Tixier s'entourera d'une petite mais brillante équipe, issue de Je Suis Partout et Lucien Rebatet en sera. Cela ne durera pas car les coteries qui entouraient le Maréchal accusèrent l'équipe d'être ouvertement pro-allemande. En plus de la radio, Tixier avait en charge le cinéma français. Il réussit à obtenir des Allemands que le cinéma reste sous le contrôle de l'Etat français. Au printemps 1941, il quittera définitivement ses fonctions. Il faut relever que l'ancien député d'Orthez, fidèle à sa formation maurrassienne, n'était guère favorable à la collaboration avec l'occupant.
D'aucuns disent que si Tixier-Vignancour a été mis à l'écart de Vichy ce serait surtout en raison de ses frasques par trop bruyantes qui avaient le don, dit-on, d'exaspérer le Maréchal. Il est vrai que Tixier était un personnage haut en couleurs qui ne buvait pas que de l'eau (de Vichy !) et ne ratait pas une occasion pour faire la fête. Jean-Marie Le Pen a raconté en riant à l'auteur de ces lignes que Tixier était un "galipettant" Direction Wikipedia afin de comprendre la signification de ce mot vieilli. Galipettant. celui qui fait des galipettes ! Il sera néanmoins décoré de la Francisque et finit par rejoindre son ami Edgar Faure à Tunis. Il aura quelques soucis avec les Allemands pour avoir défendu, en tant qu'avocat, des résistants. Il sera arrêté une seconde fois, mais pas par les mêmes, et fut incarcéré dans la même cellule que Pierre Pucheu, ancien ministre de l'Intérieur qui fut condamné à mort et fusillé le 20 mars, au honteux mépris des garanties qui lui avaient été données s'il rejoignait l'Afrique du Nord. Il fut la première victime de l'épouvantable épuration. Le responsable de cette ignominie fut, cela n'étonnera aucun lecteur, un certain... Charles De Gaulle.
Les années d’après-guerre
La période qui suit la Libération ne fut pas des plus faciles pour Jean-Louis Tixier-Vignancour. Il aura tout de même fait 18 mois de prison mais finira par bénéficier d'un non-lieu. Il doit évidemment se heurter à l'hostilité de ses confrères, souvent résistants de la dernière heure. Il défendit les proscrite du moment, tel un dénommé Gaveau, accusé faussement d'avoir livré à l'occupant un réseau de résistants composé en grande partie d'avocats. Gaveau sera plus tard disculpé des accusations dont il était l'objet. Contre toute attente, Tixier réussit à sauver la tête de son client. Au cours du procès, l'un des accusateurs, Roger Nordmann, perdant son sang-froid, insulta Tixier. Ce dernier, pour laver l'affront, le provoqua en duel. Ce duel fut très médiatisé et Tixier l'emporta bien qu'il n'eût jamais pratiqué l'escrime, pas davantage que son adversaire ! Il obtint aussi l'amnistie de Louis-Ferdinand Céline. Une affaire rocambolesque. On sait que Céline s'était prudemment réfugié au Danemark à la fin de la guerre. Cinq ans plus tard, il souhaita revenir en France. Mais comment faire ? S'il n'était pas amnistié, il avait toutes les chances de retourner en prison. Et il était plus qu'improbable que les juges amnistiassent un aussi sulfureux personnage. Tixier eut une idée géniale. Il défendit et obtint l'amnistie d'un certain Docteur Louis Destouches, qui n'était autre que Céline ! Les juges, qui ignoraient le vrai nom de Céline, n'y virent que du feu...
De retour en politique
Tixier suivit avec sympathie la création, en 1949, par les frères Sidos, du mouvement Jeune Nation. Il soutiendra aussi le lancement de l'éphémère Mouvement social européen, créé en 1951 par Victor Barthélémy, ancien cadre du PPF et finira par lancer son propre parti, le Rassemblement national dont il annonça la création lors d'une réunion organisée sous l'égide de RIVAROL, et qui deviendra une force non négligeable sur l'échiquier politique du milieu des années 1950. Tixier sera élu lors des législatives générales du 2 janvier 1956. Mais il ne peut que constater l'échec du Rassemblement national, confronté à la rude concurrence du mouvement poujadiste. Il mettra aussi, en ces années 1950, son talent d'avocat aux services de protagonistes dans des affaires qui feront grand bruit, l'« affaire des fuites » et « l'affaire du bazooka » qui sont décrites dans le livre de Synthèse nationale. La Vème République va débuter dans la confusion. Même un homme lucide comme Tixier-Vignancour accordera (à tort) sa confiance à De Gaulle, même s'il ne se fait pas beaucoup d'illusions, évoquant par la suite « une tragique méprise » au sujet des événements d'Alger, qui conduiront au retour de De Gaulle. Espérant sauver son siège de député, il ira jusqu'à voter "oui" au référendum du 28 septembre 1958 plébiscitant la Constitution de la nouvelle république. Il n'en sera pas moins battu et ne retournera jamais siéger à l'Assemblée.
Tixier sauve Salan
Après son arrestation à Alger le 20 avril 1962, un décret de De Gaulle envoie le général Salan devant le tribunal. Le procès débute le 15 mai. De Gaulle est pressé. Il lui faut du sang, et vite. La défense de Raoul Salan est assurée par Jean-Louis Tixier-Vignancour dont la plaidoirie passera à l'Histoire. Contre toute attente, il obtient des circonstances atténuantes. Le général Salan est sauvé ! Tixier est, dès lors, devenu l'avocat le plus haï du régime gaulliste.
Candidat à l’élection présidentielle de 1965
Tixier sera choisi pour être le candidat de l'opposition nationale à l'élection présidentielle. Jean-Marie Le Pen jouera un rôle majeur dans sa désignation. Il dut faire face à de lourdes réticences et dut batailler ferme pour le faire désigner. Ce qu'il regrettera par la suite. Si Tixier milite en faveur de la réhabilitation complète de tous les combattants de l'Algérie française, certaines de ses prises de position entraînent quelques remous dans ses rangs. Il préconisera ainsi un alignement de circonstance sur l'OTAN, espérant ainsi se démarquer des positions de De Gaulle, très hostile à l'Alliance atlantique. Mais Tixier-Vignancour ne va pas tarder à trouver sur son chemin plus atlantiste que lui. Jean Lecanuet, qui mènera une campagne à l'américaine, se présente. La campagne de Tixier, notamment la tournée des plages, dont Jean-Marie Le Pen sera le maître d'oeuvre et qu'il reproduira plus tard pour lui-même, rencontre un très grand succès. Mais entre rassembler des dizaine de milliers de curieux et même de partisans et traduire cette affluence dans les urnes, il y a du chemin à parcourir. Tixier est accusé d'être le candidat de l’extrême-droite terme qu'il réfute. De Gaulle le présente comme le candidat « de Vichy, de la collaboration fière d'elle-même, de la Milice et de l'OAS ». Rien que cela... Voulant contrer la candidature de Jean Lecanuet, commettra une erreur stratégique majeure De candidat de l'« opposition nationale » le voici qui se positionne comme « candidat de l'opposition nationale et libérale » pour finir comme « candidat libéral ». Il paiera cher cette maudite recherche de respectabilité et Jean-Marie Le Pen s'en souviendra quelques années plus tard quand il déclarera que les électeurs préfèrent l'original à la copie. De plus, Tixier se révélera curieusement mauvais devant les caméras de la télévision, où il cherchera à apparaître comme étant lisse. Le vote utile va faire des ravages. Des personnalités de la vraie droite, telles l'académicien Alfred Fabre-Luce ou le rivarolien Pierre Dominique appelèrent, par antigaullisme, à voter utile, c'est-à-dire pour Lecanuet. Trois semaines avant le premier tour, les sondages le créditaient de 13 à 19 % des intentions de vote. Il obtint 5,18 % des suffrages quand Lecanuet ramassait 15,5 % des voix. Une catastrophe. Le lendemain, sans en parler à ses amis, il annonça qu'il se désistait en faveur de François Mitterrand, soutenu par le Parti communiste. Inutile de noter que cette façon cavalière d'agir mit en fureur une partie de son équipe, dont Jean-Marie Le Pen. Le lecteur découvrira dans le livre les initiatives politiques qui suivirent, notamment la création d'un parti de centre-droit à sa dévotion, l'Alliance républicaine pour les libertés et le progrès (ARLP), qui avait en fait pour objectif de pouvoir négocier quelques places avec les centristes ou le CNI. Tixier, optimiste comme toujours, tablait sur 25 députés. Il n'y en eut aucun, un fiasco. En mai 1967, il apportera son soutien total à Israël lors de la guerre « des six jours ». Au demeurant, Lucien Rebatet en fit autant. Seuls des Maurice Bardèche, des Pierre Sidos ou des Henry Coston adoptèrent une position plus clairvoyante. La dernière aventure politique de Tixier se situa dans le contexte des élections européennes de 1979. Il fut tête de liste de l’Eurodroite, constituée autour du Parti des forces nouvelles, et obtint 1,28 % des suffrages.
Jean-Marie Le Pen : « Je regrette de ne pas avoir été moi-même candidat à la présidentielle de 1965… »
Interrogé par l'auteur de cet article, le Menhir a déclaré : « J'ai un seul vrai regret, c'est celui d'avoir fait désigner comme candidat à la présidence de la République Jean-Louis Tixier-Vignancour. C'est la faute politique que j'ai commise. J'ai vraiment fait une grave faute que je regrette ». Evoquant le candidat, JMLP déclare : « Il était incontrôlable. Il était capable de sorties invraisemblables ». Il raconta ainsi un jour, lors d'un meeting, que c'est lui qui avait rédigé le Discours sur l'état de l'Union que venait de prononcer le président américain Lyndon Johnson ! Commentaire de Le Pen « Jean-Louis était comme ça un peu mégalo ». Il est persuadé qu'il aurait réalisé un meilleur résultat que Tixier auquel il reproche de ne pas avoir permis l'émergence d'une droite nationale et d'un mouvement digne de ce nom. Commentaire en guise de conclusion du Menhir « Il faudra attendre vingt ans pour qu'en 1984 le Front national retrouve un niveau équivalent à celui que nous avions en 1965. Cette perte de temps a été criminelle pour la France » Mais hélas en choisissant sa fille pour lui succéder le Menhir a commis une plus « grave faute », pour reprendre son expression, et bien plus lourde de conséquences hélas pour le mouvement national et pour la France, qu'avoir choisi Tixier-Vignancour pour la présidentielle et 1965 il y a un demi-siècle.
R.S. Rivarol du 25 juin 2015
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