lundi 25 mai 2015

Pierre-Antoine Cousteau, fasciste jusqu’à son dernier souffle

Le livre, Hugothérapie, de Antoine Cousteau, que tout le monde surnommait PAC, vient d'être réédité aux éditions Via Romana. PAC est né le 18 mars 1906, à Saint-André-de-Cubzac et mort d'un cancer le 17 décembre 1958. Il est le frère du célèbre commandant Couteau (qui avait, lui, rejoint Londres) qui témoigna, et c'est tout à son honneur, à son procès et lui évita peut-être que la peine capitale, qui fut prononcée, fût exécutée. Issu de « l'extrême gauche de l'extrême gauche » (c'est lui qui le raconte), le « plus voltairien de nous tous » (dixit Rebatet), évoluera vers le fascisme intégral et collaborera à Je Suis Partout, en compagnie de Brasillach et de Rebatet, avant de prendre la direction du journal. Sa conviction était que l'Allemagne représentait à l'époque, « malgré tous ses crimes, la dernière chance de l'homme blanc ». Doté d'un solide humour et aimant pratiquer le canular, il avait fait croire qu'Edouard Herriot, en visite en URSS dans les années 1930, avait été élevé au grade fantaisiste de « colonel de l'Armée rouge ». Il fit preuve du même humour durant son procès, où il jouait pourtant sa tête. Un des journalistes présents écrira dans le Parisien Libéré « Il parvient à provoquer le rire ce qui, pour un accusé en si fâcheuse posture - et dont l’avenir paraît si singulièrement limité - est une véritable gageure ». Même le futur écrivain communiste Jacques Yonnet exprima son estime pour cet « ultra de la collaboration » et témoigna à décharge, écrivant « C'était un ennemi loyal ». Cousteau rejoignit, à sa libération, en 1953, un an après celle de Rebatet, l'équipe de RIVAROL. Quand il décéda en 1958, Le Monde rendra ainsi compte de sa disparition « Fidèle à son passé, à ses idées et à ses amis, Pierre-Antoine Cousteau n'avait rien perdu de son talent de polémiste. »
LA PRÉFACE DE JACQUES PERRET
Mais revenons au livre de PAC, dont le titre complet est Hugothérapie ou comment l’esprit vient aux mal-pensants. Dans une note au lecteur, Jean-Pierre Cousteau, le fils de PAC, cite son père, qui avait longtemps fréquenté les prisonniers de droit commun dans les geôles de la république « On se déshabitue plus facilement de percer les coffres-forts que de mal penser » Le livre, qui fut préfacé par le grand écrivain Jacques Perret, assassine « le père Hugo qui est un grand homme ou un grand sot ». Perret rappelle que Hugo s'était fait pensionner par Louis XVIII pour ses premiers poèmes à la gloire du trône et de l'autel, avant d'être décoré par Charles X puis d'être cajolé par Louis-Philippe. Il prit ensuite « congé acrobatiquement de ses hôtes en 1848 pour opérer une conversion foudroyante et géniale comme nous n'en verrons plus qu'en 1945 ». Guernesey, où Hugo s'était exilé de son propre chef sous l'Empire de Napoléon III ? « C'est, écrit Perret, radio Guernesey et Cousteau nous compose le parallèle avec une piété ingénieuse et d'édifiantes références où nous découvrons même un appel du 18 juin 1860 : si le général De Gaulle avait su ça, il aurait pu se prévaloir d'une incarnation jumelée de Jeanne d'Arc et Victor Hugo » ! Perret et Cousteau rappellent tous deux cette phrase de Hugo, que bien sûr ils approuvent : « Oui, vous avez raison je suis un imbécile » ! En conclusion de l'article de Jacques Perret, paru le 27 août 1954 dans Aspects de la France, nous lisons cette phrase gourmande « Je suis tout content de voir que mon vieux confrère de la presse pourrie, qui a frôlé le poteau et goûté le bagne sans cesser d'être beau joueur, n'a rien perdu de sa verve diabolique. C'est un affreux fasciste, mais j'ai un faible pour les incorrigibles de son espèce. »
PAC, INSOLENT ET REBELLE ENDIABLE...
PAC (Paul-Antoine Cousteau) n'évoque pas seulement Victor Hugo, pour l'étriller avec humour et brio, il parle aussi de lui-même, de ses idées, sur un ton insolent, très loin d'être politiquement correct. Exemple « Je n'étais donc (après la commutation de sa peine) plus condamné qu'à la bagatelle des travaux forcés à perpétuité. Je m'en étais tiré à bon compte. J'avais eu de la chance. D'autant plus que si j'avais expié, conformément au programme initial, par un petit matin blême du printemps 47, j'eusse trépassé dans de consternantes dispositions d'esprit. Nullement pénétré de l’énormité de ma forfaiture. Sans dire merci. Sans crier "Vive la France" ! La bouche tordue d'une vilaine rancune. La mort du pécheur endurci, quoi ! avec tout ce que cela comporte d'affligeant pour les âmes délicates ». Cousteau poursuit « J'étais un sujet particulièrement ingrat. L'abus du fascisme hitléro-nippon m'avait ôté jusqu'à la notion du bien et du mal. Je fredonnais "Monica" en me faisant la barbe. Je brocardais la majesté des parlements, je croyais qu'en 39 la paix eût mieux valu que la guerre. Si l'on évoquait devant moi la Conscience universelle, j'éclatais d'un rire bête ». Mais PAC ne s'arrête pas en si bon chemin. Il tient des propos horribles. Exemple « Enfin, qu'on me pardonne cet odieux blasphème, mais une confession n'est valable que si elle est totale, il m'arrivait de dire que Dresde et Hiroshima étaient des bourgades légèrement plus peuplées qu'Oradour, et de mettre dans le même sac les crématoires et l'area bombing. » Bref, son cas paraissait parfaitement désespéré. Il se mit, raconte-t-il (ironiquement bien entendu) à la recherche d'une direction spirituelle. Il est censé l'avoir cherchée chez Rousseau, chez Sartre, chez Duhamel (« qu'un rideau d'ennui protège contre la curiosité du lecteur ») et chez Mauriac, connu pour être un parangon d'hypocrisie.
Ce dernier a droit à cette humaniste considération « Faisant violence à mes préjugés bourgeois, je l'ai suivi patiemment dans ses copulations circonstanciées de catholiques pratiquants (tant plus ils pratiquent, les personnages de cet auteur édifiant, tant plus ils copulent ) sans parvenir néanmoins à entrevoir, à travers les relents bénis des entrecuisses gasconnes, la justification idéologique du personnalisme (le personnalisme de Mounier dont Mauriac prétendait s'inspirer) ». Et puis, PAC est censé avoir découvert Victor Hugo, supposé devenir son guide spirituel. Pour rire, bien sûr…
VICTOR HUGO ET LA "CRAPULE CATHOLICO-SOCIALISTE"
PAC va lire toute l'œuvre de Victor Hugo (ainsi que les œuvres complètes de nombre d'écrivains. Il a le temps en prison), histoire de pouvoir l'assassiner méthodiquement sous couvert d'un pseudo-exercice d'admiration. Vicieux, ce cher PAC. Faisant semblant de s'en indigner, il se fait une joie perverse pour nous livrer ce commentaire de Gustave Flaubert au sujet du fameux livre de Hugo, Les Misérables « Ce livre est fait pour la crapule catholico-socialiste, pour toute la vermine philosophico-évangélique. » Il ne manque pas, dans le même (mauvais) esprit, de citer le "Boche" Nietzsche, qui écrivait dans Par-delà le Bien et le Mal « Ce qui est au premier plan, c'est une France abêtie et devenue grossière, cette France qui tout récemment aux obsèques de Victor Hugo s'est livrée à une véritable orgie de mauvais goût et de contentement de soi. » Ce sournois de PAC fait semblant de s'en indigner, écrivant dignement « De tels propos, tenus par un ennemi garanti héréditaire sur facture, ne peuvent que rehausser la gloire du gigantesque poète français ».
PAC, modeste en diable, explique « Je ne me permettrai pas, moi chétif incivique, d'analyser le génie littéraire de cet homme colossal ». Il le fait cependant... PAC se moque du "sérieux" de l'écrivain barbu et républicain, qui ne pratique guère l'humour. Il écrit « On est tout de suite mis en confiance par son sérieux. J'aime les gens sérieux. Ils me reposent de cet éternel persiflage par quoi les Français s'efforcent de démontrer à l'univers qu'ils sont spirituels. Hugo, lui, est sérieux. Il prend tout au sérieux, à commencer par lui-même. Il a horreur de l'ironie, il réprouve l'odieuse frivolité du XVIIIe siècle de ce siècle léger il ne goûte que les grands coups de gueule et les grands coups de couperet des années 90 qui mirent un terme si heureux à de répugnantes polissonneries ». Cousteau se fait ensuite grand analyste animalier, notant que « notre plus grand animalier, ce n'est ni Buffon, ni La Fontaine, c'est Hugo ». II relève, avec une feinte admiration, que les procureurs bolcheviks qui usaient d'accusations telles que « rats pesteux » ou « vipères lubriques », avaient pris leurs leçons auprès de Victor Hugo, qui usait et abusait de métaphores animalières. La chauve-souris est l'athéisme, le vautour, le paganisme, le griffon, le christianisme, etc. Cousteau a relevé, rien que dans L'Homme qui rit, 71 espèces distinctes (qu'il cite), allant de l'infusoire à l'hippopotame. A chaque homme, la bestiole qui traduit son physique et sa personnalité. Les femmes sont un peu mieux loties elles sont toujours des anges. Bon, parfois elles se transforment en volatiles mésanges, fauvettes, rossignols, ce qui, reconnaissons-le, n'est pas un mince compliment. PAC, toujours dans l'admiration feinte, note « Plus Hugo pense juste et plus il écrit fort. Plus il pénètre au cœur de la démocratie, plus la ménagerie de ses métaphores s'enrichit. » Il poursuit « On chercherait en vain dans toute l'Histoire de France un homme plus intelligent que Hugo. Si grand qu'il soit par son art, il est encore plus grand par ses idées. Il a tout pénétré et tout compris. » La preuve, relève notre pamphlétaire, « il le savait si bien que, malgré son humilité, il ne cesse de nous avertir qu'il est Le Penseur, n'oubliant ni la majuscule de l'article, ni la majuscule du substantif ». Et contrit en dévotions feintes, PAC ajoute « Devant cette pensée-là, on se sent aussi petit que M. Perruchon face à la mer de Glace ». Fermez le ban.
"LA CONNERIE ET LA CORNICHONNERIE DU PONTIFE BARBU"
Ce sont dans des lettres à son épouse que Cousteau, qui lui relate ses motivations et l'avancement de son travail d'écriture, use de ces qualificatifs (connerie, cornichonnerie), pas évidemment dans son livre, Hugothérapie, supposé ironiquement être hagiographique. Où en est Hugo avec Dieu ? Lisons ce qu'en dit PAC « Tout d'abord, Hugo croit en Dieu, en un Dieu aux contours un peu flous, mais bien intentionné et plutôt sympathique avec qui il condescend parfois à dialoguer. Sur certaines photos où son attitude apparaît comme particulièrement inspirée, le poète a écrit de sa main "Victor Hugo causant avec Dieu" ». Ce Dieu n'a évidemment rien à voir avec le Dieu des religions traditionnelles que Hugo exècre. Il est « pour la religion (celle qu'il a inventée) contre les religions ». Les prêtres sont, bien sûr pour Hugo, des fumistes et les dogmes des impostures. Mais Victor Hugo croit au délire que sont les tables tournantes et des esprits frappeurs. Cousteau s'en amuse voici Moïse qui pastiche La Légende des Siècles, Mahomet qui flétrit les despotes (commentaire de PAC « Et il s'y connaissait, ce démocrate »), Shakespeare qui manie sans problème l’alexandrin français, Molière, bien sûr, puis Aristophane qui lui aussi maîtrise parfaitement notre langue, et puis, la Dame Blanche, la mort, qui terrifie les naïfs participants aux soirées hugoliennes de Guernesey. N'oublions cependant pas le Christ, avec lequel Hugo semble avoir établi une relation de confiance puisque celui-ci lui confie « L'enfer n'est pas. Le Paradis est l'état normal du ciel , les ténèbres sont les apparences... Le firmament, ô vivants, est un pardon infranchissable. »
Cousteau raconte qu'à la suite de ces propos hautement fantaisistes, un des convives, Jules Allix, devint fou furieux, suscitant le scandale dans la petite assemblée... Mais comment, pour changer de sujet, Hugo explique-t-il qu'il y ait tant de gâchis dans un monde où tous les hommes sont bons, et les femmes exceptionnelles ? Facile de répondre à cette question: la société est mal faite. Comme le dit PAC « Il fallait y penser. Hugo y a pensé ». Depuis, d'autres y ont pensé. La criminalité, explique Hugo, est une conséquence de la mauvaise organisation sociale. Les hommes volent et tuent parce qu'ils sont pauvres et ignorants. Commentaire des plus perfides de PAC « Apprenez-leur la règle de trois, la liste des sous-préfectures, les propriétés du triangle rectangle et les os du squelette, et aussitôt ils cesseront de braver le Code Pénal. » Lisons ce passage qui donne une idée de l'humour cynique de Cousteau, et qui donnera certainement envie au lecteur de RIVAROL de lire ce formidable livre « Si Al Capone n'avait pas été poussé par la faim, jamais l’idée ne lui fût venue d'attaquer à la mitrailleuse des banques que l’inanition lui faisait prendre pour des boulangeries. Et, muni de son certificat d'études, Stavisky ne se fût pas embrouillé dans ses comptes. » Hugo condamne avec véhémence l'échafaud et le bagne. Badinter n'avait pas manqué de le rappeler lors du débat sur l'abolition de la peine de mort. Mais pour Hugo, il y a des cas où la société doit se défendre. Napoléon III est voué « au poteau », ni plus, ni moins, ses collaborateurs, au "fouet", à la "chaîne" et aux « sabots sonnant sur le pavé du bagne ». Il est vrai qu'il s'agit, dans leur cas, d'adversaires politiques, pas de vulgaires criminels qui, eux, méritent la compassion.
CONCLUSION
Citons une importante pensée du prophète barbu, plus que jamais d'actualité « La république a le devoir de se défendre, même contre le peuple ». Conclusion ironique de Pierre-Antoine Cousteau « Si ce petit recueil contribue, si peu que ce soit, à consolider en France la République et la Démocratie, je n'aurai pas perdu mon temps ». Allez, une dernière avant de nous quitter. Victor Hugo, en évoquant le gouvernement tel qu'il l'imagine : « Moi non plus, je ne veux pas être gouverné par une femme, ni même par un homme ». Par un transsexuel sans doute ? Alors bienvenue dans le parti de Marine Le Pen !
R.S.
Hugothérapie, 285 pages, Paul-Antoine Cousteau, 12 euros plus 2 de frais de port à l'ordre de Via Romana, 5, rue du Maréchal Joffre, 78000 Versailles.

Aucun commentaire: