Sur le chemin pavé d'embûches qui remonte aux origines de la vie, "c'est plus qu'une simple piste, c'est une véritable avancée", estime Robert Pascal, directeur de recherche à l'Institut des biomolécules Max Mousseron (IBMM/CNRS/université de Montpellier 1). Selon ce scientifique, vice-président de la Société française d'exobiologie, des chercheurs britanniques viennent d'ouvrir une voie particulièrement prometteuse dans le domaine de la chimie prébiotique, celle qui étudie les réactions permettant le passage de simples molécules inanimées à la toute première cellule vivante.
Depuis plus d'un demi-siècle, les spécialistes se disputent pour savoir qui du métabolisme (c'est-à-dire l'ensemble des réactions chimiques permettant à un organisme de se maintenir en vie), du support de l'information génétique (ADN) ou de l'encapsulage, permettant d'isoler ces éléments du milieu extérieur (qui prend la forme d'une membrane phospholipidique chez les cellules actuelles), est apparu en premier. Un vrai casse-tête, à l'image de l'histoire de l'oeuf et de la poule dans laquelle chaque élément semble avoir besoin de l'autre pour exister. Or, dans un article récemment publié dans la revue spécialisée Nature Chemistry, l'équipe dirigée par John Sutherland au Laboratoire de biologie moléculaire (LMB) de Cambridge montre, expérience à l'appui, que ces trois éléments ont très bien pu apparaître en même temps !
Dans leur laboratoire, les chercheurs du LMB ont fait réagir ensemble du cyanure d'hydrogène (HCN), du sulfure d'hydrogène (H2S) et des ions de cuivre (Cu), sous l'action d'un rayonnement ultraviolet simulant la lumière du Soleil. Des ingrédients simples qui ont généré une remarquable série de réactions chimiques conduisant à la formation à la fois de nucléotides - les briques de base de l'ADN -, de sucres et de nombreux acides aminés impliqués dans la synthèse des protéines et dans le métabolisme, mais aussi de glycérol, l'un des précurseurs des lipides entrant dans la composition des membranes cellulaires. "C'est très important, car cela signifie que ces éléments ont pu co-évoluer et collaborer à l'apparition de la vie", explique Robert Pascal au Point.fr. Bien sûr, rien ne dit que les choses se soient passées exactement comme dans ce laboratoire de Cambridge - c'est même peu probable -, mais la démonstration ouvre néanmoins de toutes nouvelles perspectives.
Un élément importé par les météorites ?
Examinons maintenant les éléments de cette "recette". Étaient-ils bien présents dans l'environnement de la Terre primitive, quelque part entre - 3,2 milliards d'années (où de premiers fossiles convaincants témoignent de la présence du vivant sur Terre) et - 4,4 milliards d'années (c'est-à-dire quand la Terre a été suffisamment refroidie pour abriter des océans) ? "La présence de sulfure d'hydrogène (H2S) est assez évidente puisqu'il s'agit d'un produit rejeté par les volcans qui étaient alors très nombreux et très actifs. Pour ce qui est du cuivre, on pense que l'océan primitif en contenait peu, mais si on se dit qu'il y avait une diversité d'environnements, il est tout à fait vraisemblable qu'il ait pu être abondant à certains endroits et pas du tout à d'autres", note Robert Pascal.
"Ce qui pose le plus question, c'est le cyanure d'hydrogène (HCN). Il a pu être apporté par les météorites [c'est d'ailleurs ce que suggère l'équipe de John Sutherland, NDLR], sauf que celles que nous avons analysées jusqu'ici n'en contiennent pas beaucoup. Il a pu aussi éventuellement se former sous l'effet des UV et des éclairs, à partir des éléments présents dans l'atmosphère, mais il y a là une inconnue, car on ignore la composition précise de celle-ci", reconnaît le vice-président de la Société française d'exobiologie.
La piste mérite maintenant d'être creusée. D'autant plus que dans cette équation, HCN semble bien être la seule source de carbone nécessaire à l'émergence du vivant. Une constatation qui est loin d'être sans intérêt pour la recherche de la vie ailleurs dans l'Univers.
source : Le Point
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