Tous deux dénonçaient les dérives du parlementarisme et du jacobinisme. Tous deux voulaient un pouvoir fort et décentralisé. Cependant, Maurice Barrès était républicain et Charles Maurras royaliste. Le second a voulu convertir le premier. En vain.
Lorsque Charles Maurras entre à l’Action française en 1898, le groupe nationaliste est encore républicain. Les fondateurs, Henri Vaugeois et Maurice Pujo, n’envisagent pas un instant de faire de ce mouvement intellectuel et politique un outil pour la restauration de la monarchie. Mais c’est sans compter sur le jeune Maurras qui, par sa force de persuasion et ses qualités de logicien, va convertir les membres de l’Action française un par un. Maurice Barrès, grande figure du nationalisme et ami de Maurras, sera un des rares à résister aux syllogismes de son cadet. Il demeurera républicain jusqu’à la fin.
Dans une lettre du 22 août 1900, Barrès répond aux arguments avancés par Maurras dans son Enquête sur la monarchie. L’auteur des Déracinés concède tout d’abord un point à Maurras : « Pour m’en tenir à l’essentiel, je crois avec vous qu’il faut une raison qui commande dans l’État » et d’ajouter « Deux siècles de mauvais gouvernements ont enfoncé les Français dans cette erreur, où j’ai moi-même incliné un instant, que le mieux pour une nation était le moins de gouvernement possible. » Tous deux souhaitent le rétablissement d’un exécutif fort pour remédier aux dérives du parlementarisme. Barrès semble par ailleurs revenir de sa sympathie pour l’anarchisme qu’il avait développé dans sa première trilogie Le Culte du Moi. Cela dit, Barrès – même s’il semble avoir un profond respect pour le courant de pensée qui porte cette idée – estime que l’option royaliste n’est envisageable que si la famille héritière du trône suscite dans la population une sympathie et un enthousiasme important. Sans ce soutien du peuple, la monarchie n’a ni sens ni légitimité et voit son efficacité politique renvoyée à la pure théorie.
« Je comprends très bien qu’une intelligence jugeant in abstracto adopte le système monarchique qui a constitué le territoire français […] Mais dans l’ordre des faits, pour que la Monarchie vaille, il faudrait qu’il se trouvât en France une famille ralliant sur son nom la majorité (sinon la totalité), la grande majorité des électeurs ; or voilà qui n’existe pas », écrit Barrès. Contrairement à l’Allemagne ou la Russie, la France ne peut mettre de côté cette coupure violente entre le peuple et le roi que fut la Révolution française. Le ralliement des Français à la monarchie doit se faire de manière instinctive. Or, la république a pris une place importante dans l’imaginaire collectif. De plus, un roi se doit d’être entouré et Barrès remarque le profond déclin de l’aristocratie, ce « corps indispensable à la monarchie traditionnelle ». [....]
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