A Manille, le Lis d’Or construit même des cavernes au trésor dans le donjon de l’ancien fort Espagnol de Santiago, au sein des anciens quartiers généraux Américains (Fort McKinley, aujourd’hui Fort Bonifacio), sous la cathédrale de la ville, ainsi qu’à tous les autres endroits que les Américains ne penseraient jamais à bombarder. Vers la fin de la guerre, Chichibu et Takeda fuirent vers le Japon en sous-marin.
Peu de temps après la libération des Philippines, des agents spéciaux Américains commencèrent à découvrir un certain nombre de ces cavernes au trésor. La figure clé de ces découvertes fut un Philippino-Américain né à Luzon entre 1901 et 1907 et portant le nom de Severino Garcia Diaz Santa Romana (etc…), et ayant travaillé pour le chef des services de renseignements de MacArthur, le général Willoughby, au milieu des années 1940.
Lors de son service en tant que commandant aux Philippines, il a un jour pu observer le déchargement de lourdes caisses de bois par un navire Japonais, avant de voir ces mêmes caisses être placées dans un tunnel dont l’entrée fut ensuite dynamitée. Il s’est immédiatement douté de ce qu’il se passait. Après la guerre, Santa Romana fut rejoint à Manille par le capitaine de l’OSS (prédécesseur de la CIA) Edward Lansdale. Lansdale devint plus tard un personnage important de la Guerre Froide du fait de ses manipulations des gouvernements et armées des Philippines et de l’Indochine Française. Il devint ensuite major de la Royal Air Force avant de prendre sa retraite.
Ensemble, Santa Romana et Lansdale torturèrent le chauffeur du général Tomoyuki Yamashita, dernier commandant Japonais aux Philippines, le forçant à divulguer les endroits dans lesquels il avait conduit Yamashita au cours des derniers mois de la guerre. A l’aide de troupes d’ingénieurs de l’armée Américaine, ils rouvrirent une douzaine de sites dans la vallée au nord de Manille. Ils furent impressionnés par la quantité de lingots présents dans les tunnels, et firent part de leur découverte à leurs supérieurs.
Lansdale fut envoyé à Tokyo pour en faire part à Macarthur et Willoughby qui ordonnèrent à leur tour à Lansdale de se rendre à Washington pour en informer Clark Clifford, responsable de la sécurité nationale sous Truman. En conséquence, Robert Anderson, sur les conseils du membre du Secrétariat de la Guerre Henry Stimson, retourna à Tokyo avec Lansdale et, selon les Seagrave, s’envola ensuite secrètement vers les Philippines avec MacArthur pour inspecter personnellement un certain nombre de ces cavernes. Selon eux, la valeur des trésors découverts à Luzon, ajoutée à ceux découverts dans d’autres cachettes au Japon, s’élevait à plusieurs milliards de dollars.
De retour à Washington, il fut décidé par d’importants membres du gouvernement, probablement Truman, de garder ces découvertes secrètes et de transférer les butins découverts vers de nombreux fonds secrets destinés à financer les activités de la CIA. L’une des raisons à cela aurait été de maintenir la stabilité du prix de l’or et de conserver le système d’échange de devises basé sur l’étalon or ayant été mis en place à Bretton Woods en 1944. De la même manière que le cartel des diamants en Afrique du Sud, les conspirateurs de Washington se sont demandé ce qu’il se produirait si ce nouvel or était soudainement injecté sur les marchés du monde.
Ils réalisèrent également que la participation de la maison Impériale au pillage de l’Asie pourrait détruire l’histoire officielle voulant que l’Empereur du Japon soit un biologiste pacifiste. Washington a donc conclu que, bien que le Japon, ou du moins l’Empereur, ait disposé d’assez de fonds pour indemniser les prisonniers de guerre Alliés, le traité de paix devrait être rédigé de manière à ce que la richesse du Japon puisse demeurer secrète.
Le traité a donc laissé de côté toute possibilité pour les prisonniers de guerre Américains de réclamer compensation. Afin de garder secrètes les découvertes de Santa Romana et de Lansdale, MacArthur décida également de se débarrasser de Yamashita, ayant accompagné Chichibu à de nombreuses condamnations de sites. Après un procès précipité pour crime contre l’humanité, Yamashita fut pendu le 23 février 1946.
Sur les ordres de Washington, Lansdale supervisa la fouille de nombreuses cavernes creusées par le Lis d’Or, fit l’inventaire des quantités de métal qu’elles contenaient, et les fit transférer vers la base navale Américaine de Subic Bay et la base aérienne de Clark Field. Selon Seagraves, deux employés de Stimson, accompagnés d’experts financiers appartenant à la nouvellement formée CIA, ordonnèrent à Santa Romana de déposer l’or découvert auprès de 176 banques de 42 pays. Ces dépôts furent ouverts sous son propre nom afin de conserver le secret quant à la propriété réelle du butin.
Une fois que l’or fut placé dans leurs coffres, les banques délivrèrent des certificats encore plus négociables que n’importe quelle monnaie, puisqu’ils étaient réellement soutenus par de l’or.
Grâce à cette source monétaire aux allures inépuisables, la CIA influença les politiques du Japon, de la Grèce, de l’Italie, de la Grande Bretagne et de beaucoup d’autres pays du globe. Par exemple, les réserves monétaires de ce qui fut appelé le ‘M-Fund’ (après le général major William Marquat de la troupe de MacArthur) furent utilisées pour financer le réarmement du Japon après l’éclatement de la guerre de Corée, dans la mesure où même les Japonais refusaient alors de dépenser de l’argent en ce sens. Ces fonds servirent également à financer les attaques des contre-révolutionnaires contre le gouvernement du Nicaragua, une affaire qui à elle seule pourrait faire l’objet de plusieurs volumes. Toute personne ayant été impliquée dans l’affaire des fonds secrets de la CIA a vu sa carrière ruinée.
Santa Romana mourut en 1974, laissant derrière lui de nombreux testaments, dont un testament olographe, faisant mention de Tarciana Rodriguez, une Philippine qui était également la trésorière de quelques-unes de ses nombreuses sociétés, et Luz Rambano, sa concubine, en tant qu’héritiers principaux. Ces dernières tentèrent donc de récupérer cet or puisqu’il avait après tout été placé auprès de nombreuses banques sous le nom de Santa Romana, et qu’elles possédaient tous les documents dont elles avaient besoin pour ce faire.
Grâce à l’avocat de San Francisco Melvin Belli, Rambano porta plainte contre John Reel, ancien PDG de Citibank à New York et actuel président du NYSE, l’accusant de ‘conversion erronée’, ou si vous préférez, d’avoir vendu 20 millions de dollars de l’or de Romana et utilisé les recettes de ces ventes à des fins personnelles. Les Seagrave décrivent de manière saisissante les réunions extraordinaires qui eurent lieu entre Rambano et Reed ainsi que leurs avocats dans la salle de réunion de Citibank à New York. Reed finit par avouer que l’or avait été transféré sur un compte Cititrust aux Bahamas.
Santa Romana et Lansdale ne sont jamais parvenus à découvrir l’intégralité des sites recelant les trésors du Lis d’Or. Au fil des années, de plus en plus de chercheurs de trésor se sont mis à creuser des trous dans la vallée de Luzon, sous prétexte d’être à la recherche des restes de membres de leur famille ou de leurs épouses. Dans le village de Bambang, dans la vallée de Cagayan de la province Nueva Viscaya – l’un des endroits dans lesquels Takeda dit avoir été le plus actif -, il est normal de voir de vieux ‘touristes’ Japonais armés non pas de clubs de golf mais de détecteurs de métaux sophistiqués.
Cette région des Philippines est l’une des régions dans lesquelles était retranchée la Nouvelle Armée du Peuple, et ne dispose d’aucune attraction touristique notable. De nombreux locaux se sont mis, contre un petit pécule, à indiquer aux touristes les plus crédules vers où chercher.
Vingt ans après que Santa Romana cessa ses recherches, une seconde (et violente) chasse à l’or commença, avec à sa tête Ferdinand Marcos. Marcos fit la découverte de plus de 14 milliards de dollars d’or – dont six milliards de dollars dans l’épave du navire Japonais Nachi dans la baie de Manille, et 8 milliards dans le tunnel connu sous le nom de ‘Teresa 2’, 50 km au Sud de Manille, dans la province de Rizal. En 2001, une crise politique éclata aux Philippines après que Francisco Chavez ait déclaré qu’Irene Marcos-Araneta, la plus jeune des filles de Marcos, possédait des biens d’une valeur de 13,2 milliards de dollars sur un compte en Suisse.
L’existence de ce compte fut rendue publique après qu’elle tenta de le transférer depuis l’Union de Banques Suisses vers la Deutsche Bank de Düsseldorf. Marcos, ayant supervisé l’ouverture d’au moins six sites et utilisé ses employés pour voler les trésors découverts par les paysans locaux, mourut en exil en 1989. En 1998, la Cour Suprême d’Hawaii décréta le remboursement de la somme de 1,4 milliards de dollars en faveur d’un Philippin à qui Marcos avait dérobé un Bouddha en or qu’il avait découvert, et que Marcos s’est également fait une joie de torturer pour avoir osé protester.
Derrières les découvertes de Marcos se cache Robert Curtis, chimiste, métallurgiste et ingénieur minier du Nevada, que Marcos avait employé pour fondre son or de manière à ce qu’il puisse remplir des critères de pureté internationaux et être vendu sur les marchés. Curtis se prouva également être le seul à pouvoir décrypter les cartes codées ayant été retrouvées en la possession de l’ancien valet de Takeda, un jeune Philippin de la ville de Bambang. Les Seagrave décrivent dans le détail les activités de Curtis, ainsi que la fois où l’homme de main de Marcos, le général Ver, lui a permis d’échapper de justesse à la mort après qu’il ait découvert le trésor de ‘Teresa 2’.
Les ouvrages des Seagrave sont structurés et détaillés, mais ils ne sont pas entièrement fiable en tant que documents historiques. Les auteurs ont tendance à exagérer les rôles des brigands Japonais et des anciens militaires Américains à chaque fois que les opérations des politiciens, des banquiers et de la CIA paraissent suffisamment pétrifiantes. Ils connaissent bien les Philippines, mais ne sont pas des experts de l’histoire du Japon et ne savent pas lire le Japonais.
L’ouvrage est truffé d’erreurs qui pourraient aisément être corrigées par étudiant en Japonais de deuxième année – par exemple, le bateau qu’ils appellent Huzi devrait être romanisé sous le nom Fuji ; le plus important port de la mer du japon est Maizuru et non Maisaru ; tairiki n’est pas un mot Japonais, mais tairiku ronin signifie ‘aventurier continental’ ou ‘opportuniste Chinois’ ; et le nom Ichivara est une absurdité (il s’agit sûrement en réalité du nom Ishihara).
Les auteurs semblent conscients de leur souci de crédibilité, puisqu’ils ont également publié deux CD-Roms contenant plus de 900mb de documents, de cartes et de photographies réunies au cours de leurs recherches. Ils peuvent être commandés sur leur site internet (www.bowstring.net), et sont inestimables, tout particulièrement pour les documents qu’ils contiennent au sujet des opérations menées par le gouvernement des États-Unis à l’encontre de l’ancien avocat général Norbert Schlei.
Schlei a autrefois représenté une soixantaine de Japonais auxquels le gouvernement Japonais avait offert des billets à ordre afin de garder secret le M-Fund après que l’ancien premier ministre Tanaka fut condamné pour corruption. Le gouvernement jugea ces billets à ordre d’être des contrefaçons, et la carrière de Schlei fut ruinée. Gold Warriors, est cependant très certainement le meilleur guide disponible sur le scandale de l’or de Yamashita, et ses auteurs jouent la carte de la transparence en offrant à leurs lecteurs leur matériel de recherche.
La note d’auteur de l’ouvrage des Seagrave s’achève ainsi : ‘Par mesure de précaution, si quoi que ce soit devait se produire, nous avons fait en sorte que cet ouvrage soit disponible sur un certain nombre de sites internet. Si nous venions à être assassinés, nos lecteurs n’auront aucune difficulté quant à savoir qui sera le responsable’. Malheureusement, la liste des meurtriers potentiels dont le livre fait mention s’étend à quelques milliers de généraux, espions, banquiers, politiciens, avocats, chercheurs d’or et voleurs de plus d’une douzaine de pays. Je souhaite une longue vie aux Seagrave. Sachez en passant que d’importantes quantités d’or pillées par les Japonais sont encore aujourd’hui enterrées aux Philippines.
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