mardi 10 mars 2015

Julius Evola : « Sur l’essence et la fonction de l’esprit aristocratique »

1. – Il existe un esprit aristocratique et il en existe diverses manifestations, liées au temps et à l’espace. Ces manifestations ont un caractère contingent, connaissent une genèse, un développement, et éventuellement une altération et un déclin. Cependant, l’esprit aristocratique est antérieur et supérieur à chacune d’elles. Il correspond à un degré de la réalité, à une fonction primordiale dans le tout. Il a donc une nature suprahistorique et, nous dirions même, métaphysique. Il existe donc indépendamment de la naissance et du déclin des aristocraties historiques, qui peuvent l’incarner plus ou moins parfaitement dans telle période déterminée et dans le cycle d’une civilisation donnée et d’une race donnée.
L’idée aristocratique, comme l’idée du Regnum ou celle d’ordre ou de tradition, trouve en elle-même sa consécration et sa justification. L’intériorité des hommes commence déjà à s’obscurcir lorsqu’ils en arrivent à supposer que c’est l' »histoire » qui crée un Regnum, une aristocratie ou une tradition, ou que ceux-ci tirent leur justification et leur valeur de facteurs contingents, de l’utilité, de la domination matérielle ou de la suggestion. L’histoire et, en général, tout ce qui est simplement humain peut seulement fournir la dynamis, la force profonde qui permet à un Regnum de se former et à l’esprit aristocratique de se manifester. Mais, dans son essence la plus profonde, cette manifestation est enveloppée d’un mystère, et ce mystère n’existe que là où les voies du haut rejoignent les voies du bas, là où les sommets de l’ascèse humaine s’unissent à des sources d’influences suprahumaines. Ces points de jonction sont les moments fatidiques de l’histoire. C’est là que le symbole devient réalité et la réalité devient symbole, et que ce qui est esprit se fait puissance et ce qui est puissance se fait esprit.
2. – Une des tactiques les plus employés par les forces secrètes de la subversion mondiale est la substitution de la personne au principe. Là où l’on veut désagréger un ordre traditionnel, ces forces guettent l’apparition d’une certaine déchéance dans les représentants historiques des principes fondamentaux de cet ordre. C’est là le moment le plus opportun pour l’action subversive : tout est fait pour que le procès fait aux personnes s’étende insensiblement aux principes qu’elles représentent, de sorte que ceux-ci sont frappés du même discrédit et qu’on considère qu’ils sont déchus et doivent donc être remplacés par d’autres, plus ou moins subversifs. Cela fait déjà longtemps que cette tactique a été adoptée contre une certaine aristocratie traditionnelle européenne. De l’indéniable dégénérescence d’une partie de cette aristocratie, qui a été l’instrument le plus utile pour attaquer l’esprit aristocratique lui-même, on n’a pas conclu qu’il fallait destituer cette aristocratie déchue et la remplacer par une autre, qui soit à la hauteur de la seule idée dont elle puisse tirer son autorité et son existence, mais on en est venu à nier une telle idée au profit de forces et d’idées inférieures.
Du reste, ce n’est là qu’un épisode d’un processus de subversion et d’involution plus étendu, que nous rappellerons ici brièvement. Il faut songer aux quatre degrés fondamentaux de l’ancienne hiérarchie sociale aryenne : chefs spirituels, aristocratie guerrière, bourgeoisie, travailleurs. La dégénérescence du premier rang n’a pas entraîné le remplacement des chefs spirituels indignes par de dignes représentants du même principe, et le second degré, l’aristocratie guerrière, y a trouvé un précieux prétexte pour usurper et revêtir l’autorité  qui n’appartenait légitimement qu’au premier. Dans un second temps, la dégénérescence d’une partie de l’aristocratie a eu pour conséquence, non pas un soulèvement visant à la restaurer, mais bien une seconde usurpation, de la part du tiers état, qui s’est substitué à la noblesse guerrière comme ploutocratie bourgeoise. Enfin, la dégénérescence du système du tiers état, de la bourgeoisie et du capitalisme n’a pas abouti à une élimination opportune de ses excroissances malades et parasitaires, mais, de nouveau, on s’en est servi pour faire un procès imaginaire au principe, de la part du quart état, du monde matérialisé et prolétarisé des masses (marxisme, bolchevisme).

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