« La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots.
Notre premier ministre a déclaré que la France est en guerre. Mais l'ennemi est chez nous, au sein même de la population française. Il ne s'agit plus d'envoyer des professionnels, formés et aguerris combattre loin de nos terres, mais de se battre contre un ennemi sournois et impitoyable, qui use pour ses attaques de toutes nos libertés et des droits des citoyens français. Avant de faire une telle déclaration, encore eût-il fallu cultiver au sein du peuple français les valeurs qui font la force morale des nations. Cette nouvelle rubrique sur la guerre a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, elle est un peu modifiée pour montrer :les Français dans la guerre, "Que Dieu bénisse l'armée française !" par le Général CHAMBE (23)
« La population de Sienne a pavoisé à profusion les rues aux couleurs françaises bleu-blanc-rouge. Il n'est pas une fenêtre sans son drapeau français. La grande peur du 5 juillet a fait place à une liesse délirante. Siennois et Siennoises tiennent à manifester leur reconnaissance.
Les Allemands avant de se retirer avaient dit aux habitants :
– Tant pis pour vous ! Les Barbares arrivent avec leurs mercenaires arabes, les Français avec leurs Algériens, leurs Marocains, leurs nègres. Ils vont tout massacrer, tout piller, tout incendier !
La ville vivait dans la terreur.
Au moment où les premiers tirailleurs avaient pénétré dans les faubourgs, l'archevêque de Sienne, lui-même très inquiet, s'était glissé par les ruelles jusqu'à la merveilleuse basilique en pierre noire et blanche dédiée à sainte Catherine de Sienne, la sainte qu'on voyait journellement monter l'escalier extérieur de sa pauvre maison sans que ses pieds touchassent jamais les marches. L'archevêque voulait lui adresser une suprême supplication pour obtenir que les horreurs du pillage fussent épargnées à sa ville.
Or, pénétrant dans la basilique vide, que vit-il ? Un homme tout seul, un homme aux cheveux blancs, à l'uniforme inconnu, agenouillé au bas de l'autel, en profonde prière. C'était le chef des Barbares en personne, le général de Monsabert, le vainqueur de Sienne, entré le premier dans la cité avec ses éclaireurs de pointe.
– Éminence, dit Monsabert à l'archevêque, vous n'avez rien à craindre. Nous venons en amis, non en conquérants. Sienne est le pur et célèbre joyau que beaucoup d'entre nous connaissent pour l'avoir visité et admiré en temps de paix. Pour vous rassurer, je vous dirai que vous avez dû remarquer qu'au cours de la bataille pas un obus n'est tombé sur la ville. C'était intentionnel. Cela a valu à ma division un nombre appréciable de tués supplémentaires pour avoir attaqué sans aucune préparation d'artillerie. Mais les ordres du général Juin et les miens étaient formels : – Pas un obus sur la ville !
C'était vrai. L'assaut avait été donné dans les vergers, sous les remparts (les mêmes qui avaient vu les défendre, quatre siècles auparavant, Blaise de Montluc) uniquement à l'arme blanche sous la protection des mitrailleuses, l'artillerie restant muette.
L'archevêque s'était profondément incliné et, se redressant, avait tracé un grand signe de croix devant le visage de Monsabert.
– Vous permettez, Général, au nom de sainte Catherine de Sienne ! Que Dieu bénisse l'armée française !
Le soir de la prise de la ville, toutes les portes s'étaient ouvertes. Il n'y eut pas une maison qui n'eût à sa table son officier ou son soldat français. L'asti spumante et le chianti avaient coulé à flots. »
Général Chambe
Extrait de : « Le Maréchal Juin, duc de Garigliano ».
Plon – 1983.
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