« La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. »
Georges Bernanos, La France contre les robots
Cette nouvelle rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, aujourd'hui, à l'heure où le pouvoir politique incapable de gouverner le pays, déclenche une guerre tous les 6 mois tout en coupant à l'armée française ses moyens: le soldat et sa famille (1)
Une épouse aimante, Anaïs de Sonis
Gaston de Sonis, futur général de Sonis, épouse Anaïs Roger à Castres, le 16 avril 1849. Gaston le « timide et mélancolique » est l'homme des fortes passions : Dieu, l'armée, le cheval, Anaïs... L'ordre chronologique seul place le cheval avant Anaïs. Quand ils se rencontrent, il est déjà croyant, officier, cavalier. La petite Anaïs, pur produit de la bourgeoisie provinciale modeste, qui a probablement appris la couture, le piano, la peinture sur soie, les bonnes manières, ne sait pas la somme de difficiles adaptations et de souffrances incluse dans son acceptation de lier sa vie à un cavalier, un soldat et un serviteur de Dieu.
À partir de ce mois d'avril 1849, Anaïs sera mêlée à la vie de Gaston, qu'ils soient ensemble ou séparés. Les exigences de la foi auraient pu faire de Gaston un moine-soldat, la petite Anaïs en a fait un soldat-père de famille, situation semée de responsabilités, beaucoup moins simple et rassurante qu'une calme vie de prières, uniquement vouée à Dieu. Ils auront douze enfants en dix-neuf ans.
Éperdue d'amour, qu'elle est touchante, Anaïs, dans son désir de tout partager avec Gaston ! Elle veut monter à cheval pour se promener avec lui dans la campagne. À cette époque, les rapports de la femme et du cheval ne sont que commodité pour les déplacements, ou coquetterie. Sauf quelques rares exceptions, elles montent en amazone des bêtes calmes, sans surprises. […] Anaïs est bien jolie, assise avec grâce sur sa selle, les deux jambes du même côté, avec sa jupe couvrant ses chevilles et son petit chapeau raide, style « postillon », entouré d'une mousseline blanche dont le vent fait flotter les pans.
Mais Anaïs veut aussi s'introduire dans cette partie de la vie de Gaston d'où elle est naturellement exclue : son métier. Soucieux de se perfectionner, il étudie à fond l'histoire militaire. Elle lit avec lui des livres rébarbatifs, se fait expliquer les termes techniques, les assimile pour que ce sujet ne lui soit plus fermé et qu'elle puisse en parler avec lui. Certains hommes aiment rapporter à domicile quelques-uns de leurs soucis professionnels, un écho intelligent les aide à y réfléchir. Gaston prend aussi plaisir à compléter la culture générale de sa femme, ouvrir son esprit aux sujets qui le passionnent, autre manière de posséder cette créature neuve et malléable qui ne demande qu'à se donner. Heureux, Gaston, qui a tant de tendresse depuis si longtemps inemployée, se montre un professeur attentif et patient. Il le sera encore plus pour lui faire partager son souci de perfection chrétienne.
Anaïs est croyante, certes, mais effarée lorsqu'elle découvre la place prise par Dieu dans le cœur de son mari. Elle écrit : « Quelquefois, je rougis de le dire, j'ai éprouvé de sa piété comme une espèce de jalousie. Mon excellent mari me reprenait doucement me disant qu'il ne fallait pas être jalouse du bon Dieu : que plus nous l'aimerions, plus notre attachement mutuel serait durable ; que tant d'unions ayant commencé comme la nôtre n'avaient pas été longtemps heureuses, parce que Dieu n'en était pas le lien et le centre. Je l'admirais et j'essayais de le suivre de loin. » Jolie réaction d'une jeune femme qui voudrait être tout parce qu'elle aime trop.
Francine DESSAIGNE
Extrait de : « Sonis, mystère et soldat ».
Nouvelles Éditions latines, 1988.
Lois Spalwer
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