samedi 4 octobre 2014

Les Palestiniens étaient poussés à sortir de chez eux, ce qui permettait de les abattre avant même de leur laisser une chance de se rendre

Au-delà de cette manœuvre [traverser les murs], la casbah de Naplouse a été le laboratoire d'une expérience radicale à bien des égards. Plusieurs officiers avaient déploré que l'invasion éclair et l'occupation de zones urbaines palestiniennes comme Balata aient permis aux combattants palestiniens de disparaître pour refaire surface juste après le retrait des forces israéliennes. Lors d'une réunion tenue fin mars 2002 Q.G. du commandement central des FDI pour préparer l'opération Rempart, Kochavi avait insisté sur la nécessité d'axer l'opération sur l'élimination physique des membres des factions armées palestiniennes, plutôt que de les laisser disparaître ou même se rendre. Kochavi n'avait pas simplement l'intention de prendre et de tenir la casbah, mais d'y entrer, de tuer autant de résistants que possible, puis de se retirer. La procédure prévue à cet effet était surnommée la "veuve de paille" : un groupe de soldats prenait position dans une maison, tandis qu'un autre lançait une opération dans une partie de la ville visible et contrôlée depuis cette maison. Les Palestiniens étaient poussés à sortir de chez eux, ce qui permettait de les abattre avant même de leur laisser une chance de se rendre. Ce type d'opération militaire, dont l'unique objectif était de tuer, répondait également à des directives claires, fixées au niveau politique. En mai 2001, deux mois à peine après son arrivée à la tête du gouvernement, Sharon convoqua en urgence dans sa ferme privée le chef d'état-major Shaul Mofaz, le chef de la sécurité intérieure Avi Dichter et leurs adjoints. Le Premier ministre fut on ne peut plus explicite : "Les Palestiniens [...] doivent payer le prix fort... Tous les matins en se réveillant, ils doivent découvrir que dix ou douze des leurs ont été tués, sans savoir ce qui s'est passé... A vous d'être créatifs, efficaces, ingénieux."
Eyal Weizman, A travers les murs. L'architecture de la nouvelle guerre urbaine

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