lundi 6 octobre 2014

Dans Le Seigneur des Anneaux, le vrai roi doit d’abord s’affirmer et s’assumer pour « illustrer » le pouvoir royal

Dans Le Seigneur des Anneaux, le vrai roi doit d’abord s’affirmer et s’assumer pour « illustrer » le pouvoir royal. Ainsi lorsqu’il n’est que Grand-Pas, Aragorn ne peut sauver Frodo, blessé par le poignard d’un Nazgûl, malgré l’emploi de la fleur des rois, l’Athelas. Il faut le pouvoir elfique d’Elrond pour apaiser la blessure (SdA, I, 12). Ayant réclamé son dû aux morts, ayant assumé sa lignée, il recouvre son pouvoir royal. Roi thaumaturge, il peut guérir même les blessures mortelles. Ainsi, grâce à la fleur des rois, il sauve Merry et Eowyn blessés, comme Frodo, par l’arme du Nazgûl qu’ils viennent de tuer (SdA, VIII, 8). Il soigne encore Faramir et apaise les deux porteurs Hobbits : Frodo et Sam, lorsqu’ils seront extraits de la fournaise de l’Orodruin par Gwaihir (le Seigneur des Vents). « Gandalf finit par se lever. ‘Les mains du Roi sont des mains guérisseuses, mes chers amis’, dit-il. Mais vous êtes allés jusqu’au bord même de la mort avant qu’il ne vous rappelât, usant de tout son pouvoir... » (SdA, VI, 4). 
     Ce pouvoir de guérison est nécessaire pour qu’Aragorn soit reconnu. La vieille Ioreth, de la maison des guérisseurs, le dit une première fois : « Pût-il y avoir à Gondor des rois, comme il en fut autrefois, à ce qu’on dit. Car il est dit selon l’ancienne tradition : les mains du roi sont celles d’un guérisseur. Et ainsi pouvait-on toujours reconnaître le roi légitime » (SdA, V, 8). Et elle évoque une seconde fois avec sa parente ce pouvoir royal, lors de l’entrée souveraine d’Aragorn à Ninas Tirith : « C’est un prodige que le Seigneur Pierre Elfique : pas trop doux en paroles, mais il a un cœur d’or, comme on dit ; et il a des mains guérisseuses. ‘Les mains du roi sont des mains de guérisseur’, que j’ai dit. Et c’est comme ça que tout a été découvert » (SdA, VI, 6). 
     Un autre pouvoir du roi est celui de la bienveillance et du pardon, le pouvoir de la clémence. Il n’est pas ignoré par Tolkien qui l’illustre à plusieurs reprises dans Le Seigneur des Anneaux. Après la bataille du Gouffre d’Helm, le grand roi Théoden (Rohan) n’applique pas la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent). Il pardonne aux montagnards qui s’étaient battus avec les Orcs et les Uruk-Hay de l’Isengard (SdA, III, 7). 
     Revenu en majesté dans le Rohan, Aragorn agit de la même manière. « Dans le temps qui suivit son couronnement, le Roi siégea sur son trône dans le Palais des Rois, et il y prononça ses jugements. Et des ambassades vinrent de nombreux pays et peuples, de l’Est et du Sud, des lisières de la Forêt Noire et du pays de Dun à l’ouest. Le Roi pardonna aux Orientaux qui s’étaient rendus et il les renvoya libres, et il fit la paix avec les gens de Harad. Il libéra les esclaves du Mordor, et leur donna en possession toutes les terres des environs du Lac Nurven » (SdA, VI, 4). 
     Aragorn, héritier, est légitimé par son action salvatrice. Mais ce retour du roi est aussi le gué qui nous rapproche du thème central de l’œuvre de Tolkien : l’immortalité elfique, la mortalité humaine. En appendice, John Ronald Reuel Tolkien raconte l’histoire d’Arwen et d’Aragorn, leur rencontre, leur séparation, leurs retrouvailles et le choix d’Arwen, l’immortelle, de rester en Terre du Milieu et de devenir mortelle par amour pour Aragorn. 
François-Marin Fleutot, Les mythes du Seigneur des Anneaux

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