jeudi 4 septembre 2014

1709 : Louis XIV face au "grand hiver"

Un froid extrême s’abat sur une France déjà fragilisée par la guerre. Confronté à un effroyable désastre, le roi exhorte pourtant les Français à consentir de nouveaux sacrifices.
Cette année-là, la soixante-sixième de son règne, Louis XIV, soixante et onze ans, criblé de soucis par les défaites militaires, se sentait bien seul au-dessus d'une cour déchirée par les rivalités.
Nous avons déjà dit dans cette chronique (L’AF 2000 du 4 septembre) dans quelles circonstances il avait accepté en 1700 la couronne d'Espagne pour son petit- fils le duc d'Anjou, devenu dès lors Philippe V, et nous avons montré que, même face à l'Europe coalisée contre lui, le roi de France entendait maintenir coûte que coûte un Bourbon sur le trône d'outre-Pyrénées, non par orgueil familial ou national, mais tout simplement pour empêcher qu'un jour la France fût à nouveau prise en tenaille et que fût rompu le difficile équilibre européen. Hélas, depuis 1704, les armées françaises perdaient partout leur avantage et les troupes ennemies du prince Eugène de Savoie et du duc de Marlborough venaient de nous infliger à Audenarde une grave défaite, dégarnissant ainsi notre frontière du Nord. Le découragement gagnait le pays tout entier. Et le roi s'apprêtait à négocier la paix.
Un malheur n'arrive jamais seul. Le 6 janvier 1709 - jour des Rois ! -, la température baissa subitement et, jusqu'au 24, la France entière dut subir des - 18°, parfois des - 25°. Fleuves et rivières étaient pris par les glaces, même la mer au Vieux-Port de Marseille ! À la campagne, le vent glacial entrait dans les habitations, les oiseaux tombaient en plein vol, les animaux succombaient dans les étables, les végétaux dépérissaient, tout gelait et le pain ne se coupait plus qu'à la hache. Les loups réapparus et affamés terrorisaient les paysans. À Versailles le roi devait attendre que son vin fût dégelé près du feu.
Premier dégel le 25 janvier, puis nouvelle vague de froid du 4 au 8 février, puis encore fin février et début mars ! Le désastre était effroyable : semis, vignobles, vergers, tout avait pourri, les chênes éclataient, les oliviers de Provence mouraient. Puis survinrent les inondations, noyant ce qui restait des cultures ! Paris n'était plus alimenté et le prix du blé se trouvait multiplié par huit. Il fallut taxer les riches et envoyer des troupes pour empêcher les vols dans les boulangeries, qui dégénéraient souvent en émeutes ! Et les vagabonds traînaient avec eux la dysenterie et la fièvre typhoïde ! Louis XIV, sensible à la misère de ses peuples, fit fondre à la Monnaie sa vaisselle d'or, obligeant les courtisans à l'imiter. C'était agir en roi, donc en père. Mais le désastre démographique fut énorme : entre 6 et 800 000 victimes !
L'appel aux peuples
Les coalisés, surtout les Anglais et les Hollandais, voyant le royaume capétien à genoux, en profitèrent sans vergogne pour répondre par de nouvelles exigences à chaque déchirante concession qu'envisageait Louis XIV. Ils voulaient, c'était clair, démembrer la France en se ménageant des ouvertures à nos frontières du Nord... Il fallait absolument résister. Alors le roi prit la décision de s'adresser directement au coeur de ses sujets, de leur expliquer paternellement pourquoi il fallait consentir à de nouveaux sacrifices, en fait, de leur demander leur soutien : « Quoique ma tendresse pour mes peuples ne soit pas moins vive que celle que j'ai pour mes propres enfants ; quoique je partage tous les maux que la guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles, et que j'aie fait voir à toute l'Europe que je désirais sincèrement de les faire jouir de la paix, je suis persuadé qu'ils s'opposeraient eux-mêmes à la recevoir à des conditions également contraires à la justice et à l'honneur du nom FRANÇAIS (en majuscules dans le texte). »
À cette très belle lettre (commentée dans le Louis XIV de Jean-Christian Petitfils), lue dans toutes églises de France et affichée sur les murs publics, les Français répondirent alors par un nouvel élan, manifestant, dit Bainville, « cette faculté de redressement qui leur est propre ». De Malplaquet à Villaviciosa, puis à Denain, les ennemis perdirent l'envie d'envahir la France. Cela se termina par le traité d'Utrecht (1712) qui, loin d'être parfait (puisqu'il laissa monter en puissance la Prusse...), ne fut pas déshonorant et permit à la France de n'être jamais envahie jusqu'à la Révolution.
Puisse l'évocation de cette année terrible rappeler aux Français d'aujourd'hui ce que peut coûter la volonté de garder la patrie indépendante et libre. Héritiers de tant d'hommes, du roi jusqu'au simple manant, qui ont tant souffert pour nous léguer la France, n'aurions-nous pas honte de la laisser se liquéfier dans une "Europe" fourre-tout ?
Michel Fromentoux L’Action Française 2000 – du 16 octobre au 5 novembre 2008

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