En ces temps de repentance, il est agréable et salutaire de relire quelques textes qui permettent aux Français de garder une tête bien faite et de ne pas devenir des flagellants du cortège antinational. « Oui, Messieurs, nous pouvons encore admirer aujourd’hui le siècle de Louis XIV et la monarchie des Bourbons : le plus grand règne de notre histoire. Ce serait, à mon avis, le signe d’une décadence infaillible dans les esprits et dans les caractères que cette singulière manie de dénigrer tout le passé de la France, si elle pouvait devenir générale. Ce serait déposer, je ne dis pas même tout sentiment de justice, mais tout sentiment national, de ne trouver rien de bon ni de grand parmi nous, qu’à partir d’une certaine date ; et, parce qu’un autre courant de faits et d’idées a traversé notre histoire depuis soixante ans, de ne remonter la série des siècles que le mépris sur les lèvres et la haine dans le coeur. La France a un passé dont elle n’a pas à rougir. »
Mgr FREPPEL
Bossuet et l’éloquence sacrée au XVIIe siècle, 1893 (Cours d’éloquence sacrée fait à la Sorbonne pendant les années 1855-1856 et 1856-1857)
Après ces propos, le professeur de Sorbonne, qui avait cité Bossuet – « l’État monarchique et héréditaire est le plus naturel, le plus durable et le plus conforme à la volonté de Dieu » – se lança dans un éloge du siècle de Louis XIV et de la maison de France et il commença par dénoncer en termes clairs et vifs un défaut révolutionnaire qui n’a fait qu’empirer : "dénigrer tout le passé de la France". L’idéologie a tué le respect du passé et Mgr Freppel condamne ce vice comme une « décadence » intellectuelle et morale (« dans les esprits et dans les caractères »). La France, oui, mais la France de la Liberté, du droit des peuples, née en 1789 ; la France, oui, mais celle des droits de l’homme, enfant de Mai 68.
Et de rougir de la France royale, et de rougir de l’aventure coloniale, et de rougir de l’épopée des croisades. Ils battent leur coulpe pour l’esclavage, pour l’Inquisition, bientôt pour la cause des femmes sous le règne de Dagobert. Un confusionnisme embrume les cerveaux.
Notons que ce défaut "de gauche" est partagé par une certaine "droite" qui se croit traditionnelle et dispense à travers l’histoire bons points, avertissements ou même zéros de conduite à Louis XV pour ses aventures galantes, à François Ier pour avoir traité avec l’Empire ottoman. Lisons les historiens turcs : le grand Turc s’est fait rouler par le Roi Très Chrétien.
Nous n’opposerons pas la France de Maurras à celle de Jaurès, la France de Bossuet à celle de Voltaire, la France de Corneille à celle de Hugo, la France de Charette à celle de Hoche. Nous dirons avec un grand poète qui aimait son pays : « France, mère des arts, des armes et des lois »…
Dans ce vers où la plénitude de pensée égale la vigueur de l’expression, dans cette magnifique sentence, Joachim du Bellay ramasse tout le respect, l’amour, la gratitude d’un homme bien né envers son pays : la France est notre mère parce que nous sommes nés dans sa civilisation. Les arts, en français classique, ne désignent pas particulièrement les beaux-arts mais toutes les activités manuelles (arts et métiers, arts libéraux). Une civilisation, c’est d’abord l’agriculture, le commerce et l’industrie, et toute l’activité de l’esprit qui les fait naître, grandir, prospérer, des simples techniques aux plus hautes spéculations. Mais on ne peut travailler, prier, penser, méditer, contempler que dans une société respectée. La France est donc mère des armes. Mais comme un peuple hautement civilisé ne croit pas à la raison du plus fort mais place la force au service de la raison, la France est mère des lois, des lois justes, les seules lois qui méritent ce nom, celles qui sont contraires à l’ordre naturel étant des règlements administratifs arbitraires qui usurpent le beau nom de lois. Quand les arts fleurissent sous la protection des armes et sous l’arbitrage des lois, on est en civilisation. Nous n’y sommes point.
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2749 – du 12 au 18 juin 2008
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