A titre de prémisse, il importe d’avoir
une idée plus exacte du sexe, dans les termes suivants. Le fait
qu’exceptionnellement seulement on soit homme ou femme à cent pour cent
et qu’en chaque individu subsistent des résidus de l’autre sexe est en
relation avec un autre fait, bien connu en biologie, à savoir que
l’embryon n’est pas sexuellement différencié au début, qu’il présente à
l’origine les caractéristiques des deux sexes. C’est un processus plus
tardif (à ce qu’il paraît, il commence à partir du cinquième ou du
sixième mois de la gestation) qui produit la « sexualisation » : alors
les caractéristiques d’un sexe vont prévaloir et se développer toujours
plus, celles de l’autre sexe s’atrophiant ou passant à l’état latent
(dans le domaine purement somatique, on a comme résidus de l’autre sexe
les mamelons chez l’homme, et le clitoris chez la femme). Ainsi, lorsque
le développement est accompli, le sexe d’un individu masculin ou
féminin doit être considéré comme l’effet d’une force prédominante qui
imprime son propre sceau, tandis qu’elle neutralise et exclut les
possibilités originellement coexistantes de l’autre sexe, spécialement
dans le domaine corporel, physiologique (dans le domaine psychique, la
marge d’oscillation peut être beaucoup plus grande). Or, il est permis
de penser que ce pouvoir dominant dont dépend la sexualisation
s’affaiblisse par régression. Alors, de même que politiquement, par
suite de l’affaiblissement dans la société de toute autorité centrale,
les forces d’en bas, jusqu’alors freinées, peuvent se libérer et
réapparaître, de même on peut vérifier chez l’individu une émergence des
caractères latents de l’autre sexe et, par conséquent, une bisexualité
tendancielle. On se trouvera donc de nouveau face à la condition du «
troisième sexe », et il est évident qu’un terrain particulièrement
favorable au phénomène homosexuel sera présent. La condition, c’est un
fléchissement intérieur, un affaiblissement de la « forme intérieure »
ou, mieux, du pouvoir qui donne forme et qui ne se manifeste pas
seulement dans la sexualité, mais aussi dans le caractère, dans la
personnalité, dans le fait d’avoir, en règle générale, un « visage
précis ». On peut alors comprendre pourquoi le développement de
l’homosexualité même parmi les couches populaires et éventuellement sous
des formes endémiques est un signe des temps, un phénomène qui rentre
logiquement dans l’ensemble des phénomènes qui font que le monde moderne
se présente comme un monde régressif.
Dans une société égalitaire et
démocratisée (au sens large du terme), dans une société où n’existent
plus ni castes, ni classes fonctionnelles organiques, ni Ordres ; dans
une société où la « culture » est quelque chose de nivelé,
d’extrinsèque, d’utilitaire, et où la tradition a cessé d’être une force
formatrice et vivante ; dans une société où le pindarique « Sois
toi-même » est devenu une phrase vide de sens ; dans une société où
avoir du caractère vaut comme un luxe que seul l’imbécile peut se
permettre, tandis que la faiblesse intérieure est la norme ; dans une
société, enfin, où l’on a confondu ce qui peut être audessus des
différences de race, de peuple et de nation avec ce qui est
effectivement en dessous de tout cela et qui a donc un caractère
informel et hybride – dans une telle société agissent des forces qui, à
la longue, ne peuvent pas ne pas avoir d’incidence sur la constitution
même des individus, avec pour effet de frapper tout ce qui est typique
et différencié, jusque dans le domaine psychophysique. La « démocratie »
n’est pas un simple état de fart politique et -social ; c’est un climat
général qui finit pas avoir des conséquences régressives sur le plan
existentiel. Dans le domaine particulier des sexes, peut sans doute être
favorisé ce fléchissement inférieur, cet affaiblissement du pouvoir
intérieur sexualisateur qui, nous l’avons dit est la condition de la
formation et de la propagation du « troisième sexe » et, avec lui, de
nombreux cas d’homosexualité, selon ce que les moeurs actuelles nous
présentent d’une façon qui ne peut pas ne pas frapper. D’un autre côté,
on a pour conséquence la banalisation et la barbarisation visibles des
relations sexuelles normales entre les jeunes des dernières Générations
(à cause de la tension moindre due à une polarité amoindrie). Même
certains phénomènes étranges qui, à ce qu’il semble, étaient très rares
précédemment, ceux du changement de sexe sur le plan physique – des
hommes qui deviennent somatiquement des femmes, ou vice-versa -, nous
sommes portés à les considérer selon la même grille et à les ramener à
des causes identiques : c’est comme si les potentialités de l’autre sexe
contenues en chacun avaient acquis, dans le climat général actuel, une
exceptionnelle possibilité de réapparition et d’activation à cause de
l’affaiblissement de la force centrale qui, même sur le plan biologique,
définit le « type », jusqu’à saper et à changer le sexe de la
naissance.
Dans tout ce que nous avons pu dire de
convaincant jusqu’ici, il faut seulement enregistrer un signe des temps
et reconnaître l’inanité complète de toute mesure répressive à base
sociale, moraliste et conformiste. On ne peut pas retenir du sable qui
glisse entre les doigts, quelle que soit la peine qu’on veuille se
donner. Il faudrait plutôt revenir au plan des causes premières, d’où
tout le reste, dans les différents domaines, y compris celui des
phénomènes considérés ici, n’est qu’une conséquence et agir sur ce plan,
y produire un changement essentiel. Mais cela revient à dire que le
commencement de tout devrait être le dépassement de la civilisation et
de la société actuelles, la restauration d’un type d’organisation
sociale différencié, organique, bien articulé grâce à l’intervention
d’une force centrale vivante et formatrice. Or une perspective de ce
genre ressemble toujours plus à une pure utopie, parce que c’est dans la
direction exactement opposée que va aujourd’hui le « progrès », dans
tous les domaines. A ceux qui, intérieurement, n’appartiennent pas et ne
veulent pas appartenir à ce monde il reste donc seulement à constater
des rapports généraux de cause à effet qui échappent à la bêtise de nos
contemporains et à contempler avec tranquillité toutes les excroissances
qui, selon une logique bien reconnaissable, fleurissent sur le sol d’un
monde en pleine décomposition.
Julius Evola, L’Arc et la Massue, chapitre III (1968).http://la-dissidence.org/2014/04/03/julius-evola-le-troisieme-sexe/
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