L'épopée guerrière de Napoléon 1er,
soit une dizaine d'années de guerres presque ininterrompues, se termine
provisoirement en 1814 par la campagne de France et les émouvants
adieux de Fontainebleau...
Fabienne Manière
Les Alliés franchissent le Rhin et les Pyrénées
Après la «bataille des Nations»,
près de Leipzig, au coeur de l'Allemagne, du 16 au 19 octobre 1813,
Napoléon 1er et ses troupes se préparent à une invasion du territoire
français pour la première fois depuis une vingtaine d'années !
Assaillis
de tous côtés, ils doivent faire face à une sixième coalition qui
rassemble pratiquement toute l'Europe, de l'Angleterre à la Russie en
passant par la Prusse, l'Autriche, la Suède et les États allemands.
Sur les Pyrénées, le général anglais Arthur Wellesley (44 ans)
progresse depuis le Portugal. Ses exploits face aux maréchaux de
Napoléon lui ont valu d'être anobli avec le titre de marquis et plus
tard duc de Wellington.
Après sa victoire de Vitoria, dans le Pays basque, le 21 juin 1813,
il oblige les Français à repasser les Pyrénées et les franchit lui-même
le 8 octobre 1813, à la poursuite du maréchal Soult.
Au nord, les armées alliées, au nombre de trois, se disposent à
franchir le Rhin. Craignant toujours les coups de griffe de Napoléon et
divisées sur les buts de guerre, elles ne s'y décident qu'après que les
Hollandais aient chassé les Français et acclamé le retour de leur ancien
souverain, le prince d'Orange.
1- L'armée du nord entre en Belgique sous les ordres du Français
Jean-Baptiste Bernadotte (50 ans), un maréchal d'Empire passé dans le
camp ennemi (avec le titre de prince héritier de Suède), assisté du
Prussien Frédéric-Guillaume von Bülow (58 ans).
Bernadotte
caresse l'espoir que les Alliés lui offriront le gouvernement de la
France après la chute de Napoléon. Il veut éviter d'avoir à tuer des
Français pour ne pas gâter ses chances et ralentit en conséquence sa
marche.
Il en va autrement des autres armées.
2- L'armée de Silésie est commandée par le feld-maréchal prussien
Gebhard von Blücher (71 ans), une vieille connaissance des Français,
assisté du chef d'état-major August von Gneisenau. Elle est composée de
Prussiens mais inclut aussi des corps d'amée russes. Elle franchit le
Rhin du côté de Coblence le 31 décembre 1813.
3- L'armée de Bohême, avec le prince autrichien Charles Philippe de
Schwarzenberg (42 ans) à sa tête, a traversé quant à elle le Jura dix
jours plus tôt, le 21 décembre 1813.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le vieux Prussien est aussi
impétueux et désireux d'en découdre que son jeune allié autrichien est
prudent et hésitant.
Ajoutons
que, de l'autre côté des Alpes, le vice-roi Eugène de Beauharnais,
beau-fils de l'Empereur, doit défendre son royaume d'Italie contre la
double offensive des Autrichiens et des Napolitains, lesquels sont
commandés par leur roi, qui n'est autre que le maréchal d'Empire Joachim Murat, époux de Caroline Bonaparte, la soeur de Napoléon !
Le jeune tsar Alexandre 1er (36 ans), auréolé par les succès de ses
généraux dans la campagne de Russie, marche avec les armées d'invasion,
de même que le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III (43 ans), lequel n'a
jamais brillé par son énergie et son courage.
Tous les deux espèrent agrandir leurs territoires après la chute de
Napoléon, au détriment de la Pologne pour le premier, des autres États
allemands pour le second. Le Prussien souhaiterait même un dépeçage de
la France.
Ces perspectives inquiètent quelque peu le ministre autrichien des
Affaires étrangères Metternich et l'empereur François 1er, restés à
Vienne.
Père de Marie-Louise
et beau-père de Napoléon dont il a le même âge, l'empereur hésite
encore sur la conduite à tenir : maintenir son gendre à la tête de la
France ? le remplacer par son fils de trois ans, le roi de Rome, avec un Conseil de régence ? par Bernadotte ou un autre militaire ?...
Seuls les Anglais ont une idée bien arrêtée. Ils veulent préserver sur le Continent l'«équilibre des puissances» et pourquoi pas? restaurer
l'ancienne dynastie des Bourbons en la personne de l'héritier légitime,
le comte de Provence (59 ans), frère du roi guillotiné, qui a pris le
nom de Louis XVIII.
Pour beaucoup de Français, cette hypothèse paraît fantasque car les
Bourbons, qui ont quitté la France un quart de siècle plus tôt, sont
pour eux devenus des inconnus qui relèvent d'un passé révolu ! Mais
dans l'ombre, le parti royaliste attend son heure.
Ultimes préparatifs
À Paris, le 19 décembre 1813, débute la session du Corps Législatif.
D'emblée s'éveillent les rancoeurs et les peurs chez les députés,
lesquels doivent néanmoins leur statut à l'Empereur.
En réponse à Napoléon, qui en appelle à la solidarité nationale dans
son discours du Trône, le député Laîné entame un violent réquisitoire
qui aurait été impensable quelques mois plus tôt. En référence à
l'alourdissement de la fiscalité et de la conscription, il condamne «l'excès des contributions, l'excès plus cruel encore du régime pratiqué pour le recrutement de nos armées».
Napoléon laisse dire mais, le 1er janvier suivant, recevant les députés, les apostrophe violemment : «Le
trône lui-même, qu'est-ce? Quatre morceaux de bois doré recouverts de
velours? Non, le trône, c'est un homme, et cet homme, c'est moi, avec ma
volonté, mon caractère et ma renommée ! C'est moi qui puis sauver la
France et non pas vous. C'est en famille, ce n'est pas en public qu'on
lave son linge sale...».
Surpris que les Alliés lancent leur offensive en plein hiver,
Napoléon hâte le rassemblement des troupes et anticipe même la levée de
la classe 1815. Ces très jeunes conscrits enrôlés à la hâte savent à
peine charger un fusil. On les surnomme les «Marie-Louise», du nom de la jeune impératrice. Élevés dans le culte de l'Empereur, ils compenseront leur inexpérience par leur courage.
Il tranche au passage le problème espagnol en rendant sa liberté au
roi légitime Ferdinand VII et en rappelant ses troupes d'Espagne. Il
libère également le malheureux pape Pie VII, cloîtré à Fontainebleau.
Au palais des Tuileries, Napoléon 1er installe un Conseil de régence
autour de l'impératrice, avec des personnalités indispensables mais dont
la fidélité laisse à désirer (Talleyrand, Cambacérès...)
ainsi que son frère aîné Joseph, médiocre parmi les médiocres. Ce
conseil doit gouverner en son absence et dans l'éventualité de sa mort
au combat.
Le chant du cygne
Dans son malheur, Napoléon 1er a la chance que les coalisés soient
divisés sur les buts de guerre. Exploitant leur mésentente, il va les
tenir en échec pendant trois mois en dépit d'une écrasante infériorité
numérique. Mais à vrai dire, ses succès stratégiques n'auront d'autre
effet que de retarder l'échéance tout en durcissant les exigences
ennemies...
L'armée de Silésie et celle de Bohême, les plus menaçantes dans l'heure, totalisent environ 250.000 hommes.
Elles ne font qu'une bouchée des armées des frontières, confiées aux
maréchaux Macdonald, Marmont, Victor, Mortier et Ney. La première, la
plus nombreuse avec 180.000 hommes, remonte la Seine et se dirige vers
Troyes. La seconde arrive à Saint-Dizier et progresse vers l'Aube et la
Marne.
Face à elles, Napoléon 1er n'arrive à rassembler qu'un maximum de
70.000 hommes. Qu'à cela ne tienne. Le 25 janvier 1814, embrassant pour
la dernière fois sa femme et son fils, il quitte Paris pour Châlons, en
Champagne, où il retrouve Marmont, Ney, le vieux Kellermann et quelques
milliers d'hommes.
Retrouvant la virtuosité de ses jeunes années, l'Empereur des
Français va dès lors voler de l'une à l'autre des armées ennemies en
s'efforçant de n'affronter à chaque fois que des forces d'un effectif
inférieur ou équivalent aux siennes.
À partir de Saint-Dizier, il emprunte des chemins marécageux réputés impraticables et surprend Blücher et son état-major à Brienne-le-château,
le 29 janvier 1814, près de l'école militaire où il a suivi ses études !
Devenu indifférent au danger, il manque toutefois d'être tué à bout
portant par un Cosaque.
Schwarzenberg se précipite à la rescousse de Blücher de sorte que les
Français, au nombre de 33.000 seulement, subissent un grave échec à La
Rothière, un peu plus au sud, le 1er février, face à pas moins de
150.000 hommes. Ils doivent se replier sur Troyes.
Mais Prussiens et Autrichiens se séparent une nouvelle fois, chacun
ambitionnant d'arriver le premier à Paris. Napoléon saisit cette chance
inattendue. Chance supplémentaire, il reçoit d'Espagne deux nouvelles
divisions en renfort.
Tandis que ses généraux Victor et Gérard retiennent Schwarzenberg à
Nogent-sur-Seine, lui-même se précipite sur Champaubert où il défait le
10 février, en deux heures, l'un des corps d'armée de l'armée de Silésie
, celui du Russe Olsuviev (8.000 hommes). Sans attendre, il attaque dès
le lendemain les corps d'armée de Sacken (6.000 hommes) et York (17.000
hommes) à Montmirail avec le concours de la Vieille Garde. Il étrille ce qui reste de l'armée de Silésie à Château-Thierry le 12 et à Vauchamps le 14.
Après cette «campagne des Cinq-Jours» qui laisse Blücher
exsangue, ses troupes parcourent une centaine de kilomètres à pied, sac
au dos, pour attaquer l'armée de Bohême dans la vallée de la Seine, au
Sud. Le 17 février, elles arrivent à Mormand. Pleines de confiance, avec
l'Empereur à leur tête, elles s'élancent le lendemain à l'attaque de
Montereau, au confluent de l'Yonne et de la Seine, et en chassent
l'ennemi.
Napoléon retrouve la fougue de sa jeunesse avec une touche
d'inconscience suicidaire. Il pointe lui-même un canon et lance à ceux
qui s'inquiètent : «Allez, mes amis, ne craignez rien, le boulet qui me tuera n'est pas encore fondu».
Schwartzenberg offre un armistice. Napoléon le repousse : «Je suis plus près de Vienne que l'empereur d'Autriche de Paris !» Il reçoit le soutien inattendu d'un vieux et farouche républicain, le jacobin Lazare Carnot (60 ans), surnommé en 1794 l'«organisateur de la victoire». Il lui confie le gouvernement d'Anvers, en Belgique.
Par ailleurs, il sermonne le timoré Augereau (56 ans), dans une lettre fameuse : «Si
vous êtes toujours l'Augereau de Castiglione, gardez le
commandement. Si vos soixante ans pèsent sur vous, quittez-le et
remettez-le au plus ancien de vos officiers généraux. La patrie est
menacée et en danger, elle ne peut être sauvée que par l'audace et la
bonne volonté et non par de vaines temporisations (...). L'ennemi fuit
de tous côtés sur Troyes. Soyez le premier aux balles. Il n'est plus
question d'agir comme dans les derniers temps, mais il faut reprendre
ses bottes et sa résolution de 93. Quand les Français verront votre
panache aux avant-postes, et qu'ils vous verront vous exposer aux coups
de fusil, vous en ferez ce que vous voudrez».
Dernières illusions
Les Alliés en viennent à douter d'eux-mêmes. Leurs soldats sont
épuisés par ces courses-poursuites dans la boue, le froid hivernal, la
pluie, le vent et la neige. Ils sont également harcelés par les
partisans. Il est vrai que, depuis leur entrée sur le territoire
français, ils ont multiplié les exactions à l'égard des paysans :
pillages, incendies, meurtres, tortures et viols, de sorte que les
civils se sont mués en combattants et en franc-tireurs. On les qualifie
de «blouses-bleues» en référence à leur vêtement de travail.
Pendant que se déroulent ces combats, les diplomates, réunis à
Châtillon-sur-Seine, négocient un éventuel traité de paix. Le
représentant de Napoléon 1er est son nouveau ministre des Relations
Extérieures, le général Armand de Caulaincourt, duc de Vicence (c'est le
frère aîné d'un autre général, Auguste de Caulaincourt, tué à la
bataille de Borodino). Il
a reçu de l'Empereur carte blanche pour négocier un traité de paix qui
préserve autant que faire se peut les conquêtes de la Révolution (les «frontières naturelles» de la France) et bien sûr le trône impérial.
Son
adversaire le plus coriace est le Secrétaire d'État britannique, lord
Castlereagh. Dans l'ombre, Charles Pozzo di Borgo conseille la plus
extrême fermeté au tsar Alexandre 1er. Ce Corse a combattu aux côtés de Pasquale Paoli et voue depuis lors une haine inexpiable à Napoléon.
Le congrès de Châtillon s'étant soldé par un échec, le tsar, déterminé à abattre l'«ogre», réunit les Alliés à Chaumont et leur fait signer le 9 mars un pacte de vingt ans renouvelable ! Il servira plus tard de base à la Sainte-Alliance.
Par ce pacte antidaté au 1er mars, Anglais, Prussiens, Russes et
Autrichiens s'engagent à ne pas conclure de paix séparée et à maintenir
chacun un contingent d'au moins 150.000 hommes jusqu'à la victoire.
L'Angleterre, bien qu'à bout de souffle, garantit à la coalition un
financement adéquat de six millions de livres par an (l'or anglais, arme
essentielle dans la guerre contre Napoléon, est qualifié de «cavalerie de Saint-Georges»).
Sur
le terrain, c'est reparti mais le coeur n'y est plus. Les désertions se
multiplient chez les Français et les maréchaux d'Empire n'ont plus
qu'une ambition, sauver ce qui peut l'être de leur fortune, leurs hôtels
particuliers et leurs titres et savourer enfin une retraite tranquille.
Ils gardent rancune à l'Empereur de n'avoir pas négocié un traité de
paix l'année précédente, en Allemagne, quand il en était encore temps.
À Lyon, le maréchal Augereau n'en finit pas de tergiverser face aux
demandes pressantes de l'Empereur d'attaquer l'ennemi sur ses arrières.
Même réticence chez le prince Eugène, en Italie. Qui plus est, un
certain général Moreau, qui commande la garnison de Soissons, en
Picardie, livre la ville le 3 mars sans combattre. C'est un soulagement
inespéré pour Blücher, qui n'a plus rien à craindre de ce côté.
Napoléon remporte néanmoins de nouveaux succès sur l'armée de
Silésie. Sa cavalerie culbute les Cosaques à Berry-au-Bac le 5 mars.
Le surlendemain, le 7 mars, les «Marie-Louise» remportent la
victoire la plus sanglante de la campagne sur les Prussiens et les
Russes sur le plateau de Craonne, en un lieu qui entrera un siècle plus
tard dans le grand livre des tragédies de l'Histoire, le Chemin des Dames.
Mais l'ennemi se retire en bon ordre sur les hauteurs de
Laon. Napoléon tente de le surprendre par un mouvement tournant les 9 et
10 mars, avec le concours du maréchal Marmont. Mais celui-ci est
repoussé par le général d'York et ne doit son salut qu'à l'intervention
de la Garde impériale.
Blücher demeurant tétanisé sur la «montagne couronnée» de
Laon, Napoléon en profite pour faire un tour du côté de Reims, qui
vient d'être prise par les Alliés. Le 13 mars au soir, après un combat
acharné, il en chasse les Prussiens et les Russes et fait une entrée
triomphale dans la ville sous les acclamations de la population, à la
lumière des torches.
Là-dessus, dans un dernier sursaut, il retourne ses dernières
divisions contre l'armée de Bohême. Mais à Arcis-sur-Aube, le 20 mars,
Schwarzenberg résiste à ses assauts. Rien ne semble plus pouvoir
empêcher la marche des Alliés sur la capitale.
Désespérant de protéger Paris, Napoléon décide par un coup d'audace
de remonter sur Saint-Dizier, à l'Est, et de couper les lignes de
ravitaillement des Alliés afin de les obliger à la retraite.
Mais les Alliés ont intercepté un courrier porteur d'une lettre de
Berthier à Macdonald dans lequel le premier exposait le plan de
l'Empereur et un courrier de ce dernier à Marie-Louise qui confirmait
son projet de remonter sur l'Est. Dans le même temps, ils saisissent des
lettres du ministre de la Police Anne Savary, duc de Rovigo, dans
lequel celui-ci fait état de l'extrême lassitude de la population
parisienne.
Après une brève discussion sur un petit tertre aux environs de
Sommepuis, les Alliés décident donc le 24 mars, à l'initiative - une
nouvelle fois - du tsar, de jouer leur va-tout et de marcher sans plus
attendre sur la capitale. Au passage, le lendemain, à Fère-Champenoise,
ils refoulent Marmont et Mortier qui ont joué d'imprudence et prennent
les devants pour gagner Paris.
Enfin, les Alliés investissent la capitale le 29 mars. Après un
baroud d'honneur de ses défenseurs Moncey, Marmont et Mortier, la ville
se rend le lendemain sans se faire prier, après que l'impératrice et son
fils l'aient quittée pour Chartres, de même que Joseph Bonaparte.
Déjà Lyon, le 20 mars, a été abandonnée à l'ennemi par Augereau. Bordeaux,
de son côté, s'est livrée à l'armée de Wellington dès le 12 mars au
terme d'une mascarade organisée par le maire de la ville, le comte
Lynch, secrètement partisan de la restauration des Bourbons. C'est la
première manifestation publique des royalistes.
Défendue par Soult, Toulouse résistera quant à elle jusqu'au 10 avril
1814 à l'attaque de Wellington et ne se rendra que sur l'injonction du
nouveau gouvernement.
La chute du «tyran»
Le 31 mars, après la difficile campagne de France, les Alliés entrent
en vainqueurs à Paris. Les habitants, stupéfaits, découvrent les
Cosaques campant sur le Champ-de-Mars ! Mais la haine n'est pas au
rendez-vous et l'on reste entre gens du monde.
Le 3 avril, le Sénat, habilement manoeuvré par Talleyrand, prononce la déchéance de l'empereur, «coupable
d'avoir violé son serment (?) et attenté aux droits des peuples en
levant des hommes et des impôts contrairement aux institutions».
De son côté, l'empereur, déconfit, revenu en hâte vers la capitale,
apprend à Juvisy la reddition de celle-ci. Déconfit, il se détourne
sur Fontainebleau avec les 60.000 hommes qui lui restent. Là, ses plus
fidèles compagnons, les maréchaux Ney, Berthier
et Lefebvre, le pressent d'abdiquer en faveur de son fils. Il s'exécute
le 4 avril. Le tsar, consulté, ne s'opposerait pas à une régence.
Tout d'un coup, patatras. Voilà que l'on apprend la défection des
troupes du maréchal Marmont, duc de Raguse, avec 10.000 hommes sous ses
ordres. L'homme capitule sans en référer à l'empereur. Le tsar, voyant
qu'il n'y a plus rien à craindre de Napoléon, exige dès lors une
abdication sans conditions et se laisse convaincre par Talleyrand de
restaurer la dynastie des Bourbons, en la personne de Louis XVIII, au
nom du sacro-saint principe de légitimité dynastique : «La République est une impossibilité, lui dit-il. La Régence, Bernadotte, sont une intrigue. Les Bourbons seuls sont un principe».
Acculé par ses propres maréchaux, l'empereur se résigne et signe
l'acte d'abdication le 6 avril. Il se voit promettre en contrepartie la
souveraineté sur l'île d'Elbe, une principauté italienne à la latitude
de la Corse, ainsi qu'une pension de deux millions de francs par an qui
doit lui être versée par la France. Il conserve le titre d'empereur !
Cependant que les souverains alliés font, le 10 avril 1814, une
entrée triomphale dans la capitale, le Sénat ne perd pas de temps. Il
appelle Louis XVIII à monter sur le trône. C'est le «retour des lys» ! Le roi, qui se fait appeler le Désiré
(!), quitte tant bien que mal sa retraite anglaise de Hartwell et
débarque à Calais (obèse et impotent, il est presque incapable de
marcher).
En route vers Paris, il publie le 2 mai à Saint-Ouen une déclaration
dans laquelle il promet un gouvernement représentatif et le respect des
acquis de la Révolution. Soulagement chez les Français de tous bords,
désireux de retrouver enfin la paix.
On se quitte
À Fontainebleau, l'ex-empereur, confiné dans le château, attend en
vain l'arrivée de sa femme Marie-Louise et de leur fils, mais ceux-ci
ont déjà pris le chemin de l'Autriche. Ses proches et ses compagnons de
combat le quittent en songeant à leur reconversion. Le fidèle Berthier
s'occupe de transférer l'armée sous les ordres du gouvernement
provisoire.
Résigné, Napoléon fait le 20 avril ses adieux à la Garde impériale dans la cour du Cheval Blanc, devant l'escalier monumental du château, avant de prendre la route de l'île d'Elbe.
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