Mazarin,
à qui Simone Bertière vient de consacrer une remarquable biographie,
est l’un des personnages les plus importants non seulement de l’histoire
de la France, mais aussi de celle de l’Europe du XVIIe siècle. Et
surtout, de tous les hommes d’État de cette époque, celui dont la
carrière a été la plus étonnante.
Pur Italien, il fut recommandé au roi par Richelieu, alors qu’il était nonce à Paris. Dix-huit mois de travail en commun avaient convaincu le cardinal de la valeur de cet étranger. Puis Louis XIII lui demanda d’être le parrain de son fils.
Son appartenance au clergé (l’Église catholique étant, nous le savons bien, “la seule Internationale qui tienne”) contribue largement, avec d’éminentes qualités personnelles, à expliquer cette ascension, ce passage d’un pays à l’autre, au plus haut niveau. Il est le produit d’une méritocratie au sein d’un clergé très ouvert. Il fut élève des jésuites, officier dans l’armée pontificale, diplomate au service du Saint-Père. Il frappa ses contemporains par sa grande pénétration psychologique. Séduisant et cultivé, il parlait parfaitement espagnol, et français avec un léger accent.
Homme de paix
Enfin, il était courageux, notamment sur le champ de bataille. En 1630, alors que Français et Espagnols allaient s’affronter devant Casal, et que l’on attendait le signal de l’assaut, Mazarin apparut à cheval entre les lignes criant : « Halte, halte ! Pace, pace ! » la paix ! Et brandissant le texte de l’armistice dont il venait d’achever la négociation. « On n’a rien vu de si extraordinaire », affirme un témoin oculaire, du Plessis-Praslin. « Deux armées n’ont jamais été aussi prêtes de se mêler, et c’est une espèce de miracle que l’entremise d’un seul homme les ait arrêtées tout court. Il faut avoir vu la chose pour le croire. »
Toute sa vie, Mazarin a été “un homme de paix”, un diplomate de premier ordre. Lors de la Fronde, il a su triompher des magistrats et des grands seigneurs indociles, mais sans jamais user de dures représailles. Il a su défendre l’autorité royale avec fermeté mais avec souplesse. « Il a usé de son pouvoir avec une modération louable » écrit Mme de Motteville. « Il aimait l’État et servit le Roi avec toute la fidélité que méritait la confiance que la Reine avait en lui. »
Mme Bertière ne dissimule nullement l’enrichissement de Mazarin, mais elle souligne qu’en contre-partie, lorsque l’État se trouvait en détresse, il mobilisait, pour l’aider, ses avoirs personnels. Également qu’il légua au roi ses précieuses collections d’oeuvres d’art. Mme Bertière démontre qu’il n’existait pas (ainsi qu’on l’a trop souvent écrit...) de mariage secret d’Anne d’Autriche avec ce cardinal qui n’était pas prêtre ; que tous deux étaient liés par une parfaite entente intellectuelle et morale, par une totale solidarité dans l’action. L’un et l’autre étaient dévoués au roi, et Mazarin lui expliquait à fond les données de la politique étrangère.
Éducateur de roi
Le chef-d’oeuvre de la diplomatie mazarine fut le traité des Pyrénées, qui prévoyait le mariage du roi avec l’Infante d’Espagne. Or, cet édifice faillit s’effondrer à cause de l’amour très sincère, de Louis pour Marie Mancini. Un chapitre d’une grande intensité psychologique, sans doute le plus beau du livre, analyse les efforts du cardinal pour dissuader ce jeune prince de vingt ans d’épouser sa nièce. Le 16 juillet 1659, il lui rappelle que les rois qui ont sacrifié leur devoir à « leurs passions particulières » ont attiré sur les États « des révolutions et des accablements » (p. 550). Et comme Louis refuse de se laisser convaincre, « il le renvoie à ses ministres pour toutes les affaires courantes ». En somme, Mazarin se met partiellement en grève ! Le roi accepte la leçon, « fait amende honorable auprès de son parrain, et se dit résolu à surmonter sa passion » (p. 553).
Mazarin a donné Louis XIV à la France. Le bilan éducatif de son pupille est positif. Il a fait de lui un grand roi (p. 637).
Dans cette passionnante biographie, Simone Bertière allie la rigueur de l’historienne au talent de l’écrivain.
René Pillorget L’Action Française 2000 n° 27333 – du 4 au 17 octobre 2007
* Simone Bertière : Mazarin. Le maître du jeu. Éd. de Fallois, 2007, 697 pages.
Pur Italien, il fut recommandé au roi par Richelieu, alors qu’il était nonce à Paris. Dix-huit mois de travail en commun avaient convaincu le cardinal de la valeur de cet étranger. Puis Louis XIII lui demanda d’être le parrain de son fils.
Son appartenance au clergé (l’Église catholique étant, nous le savons bien, “la seule Internationale qui tienne”) contribue largement, avec d’éminentes qualités personnelles, à expliquer cette ascension, ce passage d’un pays à l’autre, au plus haut niveau. Il est le produit d’une méritocratie au sein d’un clergé très ouvert. Il fut élève des jésuites, officier dans l’armée pontificale, diplomate au service du Saint-Père. Il frappa ses contemporains par sa grande pénétration psychologique. Séduisant et cultivé, il parlait parfaitement espagnol, et français avec un léger accent.
Homme de paix
Enfin, il était courageux, notamment sur le champ de bataille. En 1630, alors que Français et Espagnols allaient s’affronter devant Casal, et que l’on attendait le signal de l’assaut, Mazarin apparut à cheval entre les lignes criant : « Halte, halte ! Pace, pace ! » la paix ! Et brandissant le texte de l’armistice dont il venait d’achever la négociation. « On n’a rien vu de si extraordinaire », affirme un témoin oculaire, du Plessis-Praslin. « Deux armées n’ont jamais été aussi prêtes de se mêler, et c’est une espèce de miracle que l’entremise d’un seul homme les ait arrêtées tout court. Il faut avoir vu la chose pour le croire. »
Toute sa vie, Mazarin a été “un homme de paix”, un diplomate de premier ordre. Lors de la Fronde, il a su triompher des magistrats et des grands seigneurs indociles, mais sans jamais user de dures représailles. Il a su défendre l’autorité royale avec fermeté mais avec souplesse. « Il a usé de son pouvoir avec une modération louable » écrit Mme de Motteville. « Il aimait l’État et servit le Roi avec toute la fidélité que méritait la confiance que la Reine avait en lui. »
Mme Bertière ne dissimule nullement l’enrichissement de Mazarin, mais elle souligne qu’en contre-partie, lorsque l’État se trouvait en détresse, il mobilisait, pour l’aider, ses avoirs personnels. Également qu’il légua au roi ses précieuses collections d’oeuvres d’art. Mme Bertière démontre qu’il n’existait pas (ainsi qu’on l’a trop souvent écrit...) de mariage secret d’Anne d’Autriche avec ce cardinal qui n’était pas prêtre ; que tous deux étaient liés par une parfaite entente intellectuelle et morale, par une totale solidarité dans l’action. L’un et l’autre étaient dévoués au roi, et Mazarin lui expliquait à fond les données de la politique étrangère.
Éducateur de roi
Le chef-d’oeuvre de la diplomatie mazarine fut le traité des Pyrénées, qui prévoyait le mariage du roi avec l’Infante d’Espagne. Or, cet édifice faillit s’effondrer à cause de l’amour très sincère, de Louis pour Marie Mancini. Un chapitre d’une grande intensité psychologique, sans doute le plus beau du livre, analyse les efforts du cardinal pour dissuader ce jeune prince de vingt ans d’épouser sa nièce. Le 16 juillet 1659, il lui rappelle que les rois qui ont sacrifié leur devoir à « leurs passions particulières » ont attiré sur les États « des révolutions et des accablements » (p. 550). Et comme Louis refuse de se laisser convaincre, « il le renvoie à ses ministres pour toutes les affaires courantes ». En somme, Mazarin se met partiellement en grève ! Le roi accepte la leçon, « fait amende honorable auprès de son parrain, et se dit résolu à surmonter sa passion » (p. 553).
Mazarin a donné Louis XIV à la France. Le bilan éducatif de son pupille est positif. Il a fait de lui un grand roi (p. 637).
Dans cette passionnante biographie, Simone Bertière allie la rigueur de l’historienne au talent de l’écrivain.
René Pillorget L’Action Française 2000 n° 27333 – du 4 au 17 octobre 2007
* Simone Bertière : Mazarin. Le maître du jeu. Éd. de Fallois, 2007, 697 pages.
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