Louis XVI perd son titre de roi de France lors de la prise
des Tuileries la journée du 10 août 1792, avant que la République ne
soit proclamée par la Convention le 22 septembre. Dès lors que la
monarchie est officiellement abolie, la personne du roi devient
encombrante et la question du jugement se pose très vite.
Maximilien de Robespierre donne d’emblée le ton :
« Quel est le parti que
la saine politique prescrit pour cimenter la République naissante ?
C’est de graver profondément dans les cœurs le mépris de la royauté et
de frapper de stupeur tous les partisans du roi. [...] Louis ne peut donc être jugé ; il est déjà condamné, ou la République n’est point absoute. [...] j’abhorre
la peine de mort prodiguée par vos lois ; et je n’ai pour Louis ni
amour ni haine ; je ne hais que ses forfaits. J’ai demandé l’abolition
de la peine de mort à l’Assemblée que vous nommez encore constituante ;
et ce n’est pas ma faute si les premiers principes de la raison lui ont
paru des hérésies morales et politiques [...] Oui, la peine de mort, en général est un crime [...] mais un roi détrôné au sein d’une révolution qui n’est rien moins que cimentée par des lois justes [...] ne peut rendre son existence indifférente au bonheur public [...]. Je prononce à regret cette fatale vérité… mais Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive. »
La découverte de l’armoire de fer contenant des papiers
compromettants, le 20 novembre, aux Tuileries, finit d’accabler le roi
déchu. Le procès s’ouvre le 10 décembre et dure jusqu’au 26 du même
mois. Les débats sont clos le 7 janvier. Le 15, les membres de la
Convention votent en utilisant la procédure de l’appel nominal. A la
première question « Louis est-il coupable ? », 691 représentants
répondent par l’affirmative, aucun pour le non, 27 refusent de choisir.
Le même jour, une proposition d’appel au peuple est repoussée à 424 voix
contre 287 (et 12 refus de choix). Le 16 arrive la question décisive : «
Quelle peine Louis, ci-devant roi des Français, a-t-il encourue ? ». Le
vote dure toute la nuit, certains représentants prenant largement leur
temps pour expliquer leur position si bien que leur choix en devient
obscur ! ; le 17 les chiffres donnent : 366 pour la peine de mort, 34
pour la mort assortie de diverses conditions (date, sursis, etc.), 321
pour la détention. Après plusieurs contestations (des représentants
souhaitant être comptés autrement), un contrôle est fait, et finalement
les résultats définitifs sont proclamés le 18 : 387 pour la mort sans
condition, 46 pour la mort avec sursis, 288 pour la détention.
La légende de la petite voix de majorité : « Ces
chiffres vont vite faire naître une légende, celle d’un roi condamné
par une seule voix d’écart, grâce à un calcul pour le moins contestable.
En effet, sur les 387 partisans du régicide, 26 ont demandé une
discussion sur le fait de savoir s’il convenait ou non de différer
l’exécution, mais tout en précisant que leur choix était indépendant de
ce vœu. Il suffisait alors aux royalistes de les décompter des 387, puis
de faire l’addition suivante : 26 + 46 + 288 = 360 voix refusant la
mort immédiate de l’accusé… contre 361 ! Arithmétique toute politique
que celle-ci et qui ne peut évidemment sauver Louis XVI. » (BIARD Michel, BOURDIN Philippe, MARZAGALLI Silvia, Révolution, Consulat, Empire, 1789-1815, Paris, Belin, 2010, p. 104).
Procès verbal de la séance de la Convention des 16 et 17 janvier (Archives de l’Assemblée Nationale)
● La mort de Louis XVI d’après Charles-Henri Sanson, bourreau.
Le témoignage de Charles-Henri Sanson a été publié le 21 février 1793 dans le Thermomètre du jour pour mettre fin à diverses rumeurs concernant les derniers instants de Louis XVI. L’orthographe de la lettre a été respectée.
« Paris, ce 20 février 1793, l’an II de la République française.
Citoyen, Un voyage d’un instant a été la cause que je n’aie pas eut
l’honneur de répondre à l’invitation que vous me faite dans votre
journal au sujet de Louis Capet. Voici, suivant ma promesse, l’exacte
véritée de ce qui c’est passé.
Descendant de la voiture pour l’exécution, on lui a dit qu’il faloit oter son habit ; il fit quelques difficultées, en disant qu’on pouvoit l’exécuter comme il étoit. Sur la représentation que la chose étoit impossible, il a lui-même aidé à oter son habit. Il fit encore la même difficultée lorsquil cest agit de lui lier les mains, qu’il donna lui-même lorsque la personne qui l’accompagnoit lui eut dit que c’étoit un dernier sacrifice. Alors il s’informa sy les tembours batteroit toujour : il lui fut répondu que l’on n’en savoit rien. Et c’étoit la véritée. Il monta l’echaffaud et voulu foncer sur le devant comme voulant parler. Mais on lui représenta que la chose étoit impossible encore. Il se laissa alors conduire à l’endroit où on l’attachât, et où il s’est écrié très haut : Peuple, je meurs innocent. Ensuitte, se retournant ver nous, il nous dit : Messieur, je suis innocent de ce dont on m’inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. Voilà, citoyen, ses dernières et ses véritables paroles.
L’espèce de petit débat qui se fit au pied de l’echaffaud roulloit sur ce qu’il ne croyoit pas nécessaire qu’il otat son habit et qu’on lui liât les mains. Il fit aussi la proposition de se couper lui-même les cheveux. Et pour rendre hommage à la véritée, il a soutenu tout cela avec un sang froid et une fermette qui nous a touts étonnés. Je reste très convaincu qu’il avoit puisé cette fermetée dans les principes de la religion dont personne plus que lui ne paraissoit pénétrée ny persuadé.
Vous pouvez être assuré, citoyen, que voila la véritée dans son plus grand jour.
J’ay l’honneur d’estre, citoyen, Votre concitoyen. Sanson »
Descendant de la voiture pour l’exécution, on lui a dit qu’il faloit oter son habit ; il fit quelques difficultées, en disant qu’on pouvoit l’exécuter comme il étoit. Sur la représentation que la chose étoit impossible, il a lui-même aidé à oter son habit. Il fit encore la même difficultée lorsquil cest agit de lui lier les mains, qu’il donna lui-même lorsque la personne qui l’accompagnoit lui eut dit que c’étoit un dernier sacrifice. Alors il s’informa sy les tembours batteroit toujour : il lui fut répondu que l’on n’en savoit rien. Et c’étoit la véritée. Il monta l’echaffaud et voulu foncer sur le devant comme voulant parler. Mais on lui représenta que la chose étoit impossible encore. Il se laissa alors conduire à l’endroit où on l’attachât, et où il s’est écrié très haut : Peuple, je meurs innocent. Ensuitte, se retournant ver nous, il nous dit : Messieur, je suis innocent de ce dont on m’inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. Voilà, citoyen, ses dernières et ses véritables paroles.
L’espèce de petit débat qui se fit au pied de l’echaffaud roulloit sur ce qu’il ne croyoit pas nécessaire qu’il otat son habit et qu’on lui liât les mains. Il fit aussi la proposition de se couper lui-même les cheveux. Et pour rendre hommage à la véritée, il a soutenu tout cela avec un sang froid et une fermette qui nous a touts étonnés. Je reste très convaincu qu’il avoit puisé cette fermetée dans les principes de la religion dont personne plus que lui ne paraissoit pénétrée ny persuadé.
Vous pouvez être assuré, citoyen, que voila la véritée dans son plus grand jour.
J’ay l’honneur d’estre, citoyen, Votre concitoyen. Sanson »
Source : ARMAND Frédéric, Les bourreaux en France, Paris, Perrin, 2012, p. 285.
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