La collection Les Cahiers de l’Herne,
aux éditions de L’Herne, vient de s’enrichir d’un petit ouvrage qui
rassemble de fortes pensées de Charles Maurras et qui présente
l’essentiel sa doctrine politique. La présentation est sobre et
élégante, la typographie claire. Il ne devrait pas manquer d’attirer de
nombreux jeunes qui ne connaissant que superficiellement les idées du
maître du nationalisme français en restent à l’image caricaturale qu’en
donnent les adeptes du “politiquement correct”.
Maurras toujours actuel
Il y a bien des réserves à faire sur la courte et dense préface de François L’Ivonnet, l’un des directeurs des Cahiers de l’Herne. Parler de la « traversée du désert » de Maurras depuis la fin de la guerre est excessif. Maurras n’a pas cessé d’attirer à lui les nouvelles générations, à l’encontre de beaucoup de dirigeants de l’opinion avant la Seconde Guerre mondiale. En mars 1952 il adressait une lettre ouverte au président de la République, alors Vincent Auriol, dans Aspects de la France, pour lui demander la tête de François de Menthon, ancien garde des Sceaux et, à ses yeux, le principal responsable et coupable de l’Épuration. Le gouvernement était interpellé à l’Assemblée nationale sur les conditions dans lesquelles il était sorti de la Maison centrale de Clairvaux en bénéficiant d’une grâce médicale. Tout récemment, en avril 2007, François Hollande, au cours d’un meeting de Ségolène Royal, reprochait à Nicolas Sarkozy ses références aux grands hommes du passé, et s’écriait « Maurras n’est pas loin ! »
En fait, Maurras n’a jamais cessé depuis 1945 de hanter l’esprit de tous les adeptes des Lumières et du cosmopolitisme comme de servir de maître à penser à tous ceux qui sont à la recherche d’une doctrine de la nation.
Selon François L’Ivonnet, Maurras serait coupable d’avoir soutenu “Vichy” et aurait été condamné en 1945 à la réclusion perpétuelle à perpétuité pour s’y être rallié en 1940 et pour ses prises de position antisémites. Le préfacier est bien mal informé. Maurras a été condamné pour “intelligence avec l’ennemi”, c’est-à-dire avec l’occupant allemand, une accusation sans consistance, mais en janvier 1945, la France était en révolution et la justice subissait une éclipse. L’antisémitisme de Maurras (un “antisémitisme d’État” et non un “antisémitisme de peau” comme celui des nazis que Maurras a toujours condamné) a à peine été évoqué au cours du procès. François L’Ivonnet a encore beaucoup à faire pour se dégager des préjugés courant sur Maurras.
Un certain style de pensée
Cela dit, malgré ses réserves concernant le passé, le co-directeur des Cahiers de l’Herne rend un bel hommage à Maurras dont il écrit qu’il « incarne exemplairement un certain style de pensée qui mêle rigueur, élégance et concision. Une manière très française de ne pas se payer de mots. Le concernant, on commet d’ordinaire deux contresens majeurs : en faire simplement un épigone des ultralégitimistes dans la lignée des Bonald, Burke ou Maistre... C’est ignorer sa méthode qui doit l’essentiel au positivisme d’Auguste Comte, à Taine ou à Renan. En faire un théoricien du fascisme, le pendant français de Gentile ou de Mussolini (leur source, selon l’historien Ernest Nolte). Alors que tout les oppose, à commencer par une conception de l’État, du “chef” ou de la nation. »
L’ouvrage comprend deux grands textes politiques de Charles Maurras. D’abord L’avenir du nationalisme français, qui est repris des OEuvres capitales (II, Essais politiques) où Charles Maurras avait condensé le chapitre X de son ouvrage Pour un jeune Français (Amiot-Dumont, 1949). On regrette la version première où Maurras reproduisait la lettre que lui avait adressée, avant de tomber au Champ d’Honneur, Pierre David, chasseur au 4e Bataillon durant la Grande Guerre. Maurras reconnaissait dans son commentaire la place des « juifs bien nés » au sein de l’Action française.
Une grande leçon d’espérance
L’autre texte publié (dans le même volume) par les Cahiers de l’Herne est L’ordre et le désordre paru en 1948 aux éditions Self (Les Îles d’or), Maurras y expose les principes de sa pensée et sa critique des idées qui ont guidé la Révolution française. Il y démontre notamment comment 1793 est sorti logiquement de 1789.
Nous nous en tiendrons ici aux propos de Maurras sur le nationalisme français. Son texte est étonnant d’actualité. Il affirme d’abord que « rien ne vit comme le sens de la nation dans le monde présent. Ceux qui voudront en abandonner une part ne feront rien gagner à Cosmopolis : ils engraisseront de notre héritage des nationalités déjà monstrueuses ». Le nationalisme, prévoit Maurras, va s’imposer de plus en plus, même au pays légal. Il annonce que parmi les Français du pays légal, « on est déjà et l’on sera de plus en plus acculé au nationalisme comme au plus indispensable des compromis. Plus leurs divisions intéressées se multiplient et s’approfondissent, plus il faut de temps à autre, subir le rappel et l’ascendant plus qu’impérieux du seul moyen qu’ils ont de prolonger leur propre pouvoir. Ce moyen s’appelle la France. »
Quand on entend Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal se réclamer de la nation française, on se dit qu’ils n’échappent pas à ce penchant nationaliste, au moins comme façade dans leur désir de rassembler les Français autour d’eux, le temps d’une élection, même s’ils récusent le mot de “nationalisme”. Maurras prédit « ... tous les partis alimentaires, également ruineux, ou périront de leur excès, ou comme partis, il devront, dans une certaine mesure, céder à l’impératif ou tout au moins au constat du nationalisme ».
À partir de la reconnaissance de la nation comme seul facteur de rassemblement de tous les Français il sera possible, écrit Maurras, de « déclasser et fusionner » les partis. Le “compromis” conduira nos compatriotes à reconnaître que par delà leurs divisions idéologiques, religieuses, politiques, ils peuvent se mettre d’accord sur l’intérêt national, celui-ci étant défini comme « l’humble Bien positif. Car ce Bien ne sera point l’absolu, mais celui du peuple français, sur ce degré de politique où se traite ce que Platon appelle l’Art royal, abstraction faite de toute école, église ou secte... »
Malgré les apparences contraires, Maurras demeure confiant dans l’avenir : « Le nationalisme français se reverra par la force des choses. Rien n’est fini. Et, si tout passe, tout revient ». Une grande leçon d’espérance pour la France.
Pierre Pujo L’Action Française 2000 du 3 au 16 mai 2007
* Charles Maurras : L’ordre et le désordre. Les Cahiers de l’Herne. Éditions de l’Herne. 127 pages. 9,5 euros.
Maurras toujours actuel
Il y a bien des réserves à faire sur la courte et dense préface de François L’Ivonnet, l’un des directeurs des Cahiers de l’Herne. Parler de la « traversée du désert » de Maurras depuis la fin de la guerre est excessif. Maurras n’a pas cessé d’attirer à lui les nouvelles générations, à l’encontre de beaucoup de dirigeants de l’opinion avant la Seconde Guerre mondiale. En mars 1952 il adressait une lettre ouverte au président de la République, alors Vincent Auriol, dans Aspects de la France, pour lui demander la tête de François de Menthon, ancien garde des Sceaux et, à ses yeux, le principal responsable et coupable de l’Épuration. Le gouvernement était interpellé à l’Assemblée nationale sur les conditions dans lesquelles il était sorti de la Maison centrale de Clairvaux en bénéficiant d’une grâce médicale. Tout récemment, en avril 2007, François Hollande, au cours d’un meeting de Ségolène Royal, reprochait à Nicolas Sarkozy ses références aux grands hommes du passé, et s’écriait « Maurras n’est pas loin ! »
En fait, Maurras n’a jamais cessé depuis 1945 de hanter l’esprit de tous les adeptes des Lumières et du cosmopolitisme comme de servir de maître à penser à tous ceux qui sont à la recherche d’une doctrine de la nation.
Selon François L’Ivonnet, Maurras serait coupable d’avoir soutenu “Vichy” et aurait été condamné en 1945 à la réclusion perpétuelle à perpétuité pour s’y être rallié en 1940 et pour ses prises de position antisémites. Le préfacier est bien mal informé. Maurras a été condamné pour “intelligence avec l’ennemi”, c’est-à-dire avec l’occupant allemand, une accusation sans consistance, mais en janvier 1945, la France était en révolution et la justice subissait une éclipse. L’antisémitisme de Maurras (un “antisémitisme d’État” et non un “antisémitisme de peau” comme celui des nazis que Maurras a toujours condamné) a à peine été évoqué au cours du procès. François L’Ivonnet a encore beaucoup à faire pour se dégager des préjugés courant sur Maurras.
Un certain style de pensée
Cela dit, malgré ses réserves concernant le passé, le co-directeur des Cahiers de l’Herne rend un bel hommage à Maurras dont il écrit qu’il « incarne exemplairement un certain style de pensée qui mêle rigueur, élégance et concision. Une manière très française de ne pas se payer de mots. Le concernant, on commet d’ordinaire deux contresens majeurs : en faire simplement un épigone des ultralégitimistes dans la lignée des Bonald, Burke ou Maistre... C’est ignorer sa méthode qui doit l’essentiel au positivisme d’Auguste Comte, à Taine ou à Renan. En faire un théoricien du fascisme, le pendant français de Gentile ou de Mussolini (leur source, selon l’historien Ernest Nolte). Alors que tout les oppose, à commencer par une conception de l’État, du “chef” ou de la nation. »
L’ouvrage comprend deux grands textes politiques de Charles Maurras. D’abord L’avenir du nationalisme français, qui est repris des OEuvres capitales (II, Essais politiques) où Charles Maurras avait condensé le chapitre X de son ouvrage Pour un jeune Français (Amiot-Dumont, 1949). On regrette la version première où Maurras reproduisait la lettre que lui avait adressée, avant de tomber au Champ d’Honneur, Pierre David, chasseur au 4e Bataillon durant la Grande Guerre. Maurras reconnaissait dans son commentaire la place des « juifs bien nés » au sein de l’Action française.
Une grande leçon d’espérance
L’autre texte publié (dans le même volume) par les Cahiers de l’Herne est L’ordre et le désordre paru en 1948 aux éditions Self (Les Îles d’or), Maurras y expose les principes de sa pensée et sa critique des idées qui ont guidé la Révolution française. Il y démontre notamment comment 1793 est sorti logiquement de 1789.
Nous nous en tiendrons ici aux propos de Maurras sur le nationalisme français. Son texte est étonnant d’actualité. Il affirme d’abord que « rien ne vit comme le sens de la nation dans le monde présent. Ceux qui voudront en abandonner une part ne feront rien gagner à Cosmopolis : ils engraisseront de notre héritage des nationalités déjà monstrueuses ». Le nationalisme, prévoit Maurras, va s’imposer de plus en plus, même au pays légal. Il annonce que parmi les Français du pays légal, « on est déjà et l’on sera de plus en plus acculé au nationalisme comme au plus indispensable des compromis. Plus leurs divisions intéressées se multiplient et s’approfondissent, plus il faut de temps à autre, subir le rappel et l’ascendant plus qu’impérieux du seul moyen qu’ils ont de prolonger leur propre pouvoir. Ce moyen s’appelle la France. »
Quand on entend Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal se réclamer de la nation française, on se dit qu’ils n’échappent pas à ce penchant nationaliste, au moins comme façade dans leur désir de rassembler les Français autour d’eux, le temps d’une élection, même s’ils récusent le mot de “nationalisme”. Maurras prédit « ... tous les partis alimentaires, également ruineux, ou périront de leur excès, ou comme partis, il devront, dans une certaine mesure, céder à l’impératif ou tout au moins au constat du nationalisme ».
À partir de la reconnaissance de la nation comme seul facteur de rassemblement de tous les Français il sera possible, écrit Maurras, de « déclasser et fusionner » les partis. Le “compromis” conduira nos compatriotes à reconnaître que par delà leurs divisions idéologiques, religieuses, politiques, ils peuvent se mettre d’accord sur l’intérêt national, celui-ci étant défini comme « l’humble Bien positif. Car ce Bien ne sera point l’absolu, mais celui du peuple français, sur ce degré de politique où se traite ce que Platon appelle l’Art royal, abstraction faite de toute école, église ou secte... »
Malgré les apparences contraires, Maurras demeure confiant dans l’avenir : « Le nationalisme français se reverra par la force des choses. Rien n’est fini. Et, si tout passe, tout revient ». Une grande leçon d’espérance pour la France.
Pierre Pujo L’Action Française 2000 du 3 au 16 mai 2007
* Charles Maurras : L’ordre et le désordre. Les Cahiers de l’Herne. Éditions de l’Herne. 127 pages. 9,5 euros.
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