Normalien
de la rue d'Ulm et agrégé d'histoire, Laurent Wetzel a enseigné
l'histoire, la géographie et l'éducation civique avant de devenir
inspecteur d'académie - inspecteur pédagogique régional
d'histoire-géographie. Il a par ailleurs été maire de Sartrouville de
1989 à 1995 et conseiller général des Yvelines de 1985 à 1998. Il a
publié en 2012 Ils ont tué l'histoire-géo aux éditions François Bourin.
Monde et Vie : Laurent Wetzel, qu'est-ce qui différencie la droite et la gauche en France ? Ces notions sont-elles encore d'actualité ?
Laurent Wetzel : Dans la vie politique française, la distinction entre la droite et la gauche remonte au 28 août 1789, lorsqu'au sein de l'Assemblée Nationale Constituante les partisans et les adversaires d'un veto royal absolu se regroupèrent respectivement à la droite et à la gauche du président de séance. Il y a bien longtemps que ce critère a perdu tout intérêt.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la distinction droite-gauche a moins de sens que jamais.
Il y eut beaucoup d'hommes dits de « gauche » dans la collaboration : Marcel Déat, Jacques Doriot, René Belin, Gaston Bergery, Claude Jamet, Robert Jospin (le père de Lionel), et tant d'autres passés par la SFIO, le PCF, la CGT et le parti radical-socialiste - le parti nazi n'était-il pas le Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands ? Il y eut beaucoup d'hommes et de femmes dits de « droite » dans la Résistance : Honoré d'Estienne d'Orves, le colonel Rémy, Pierre de Bénouville, Marie-Madeleine Four-cade, le colonel de La Rocque, Henri Frenay, et tant d'autres, souvent de sympathie royaliste.
Il y eut beaucoup d'hommes dits de « gauche » favorables jusqu'au bout à l'Algérie française : Robert Lacoste, Albert Bayet, Jacques Soustelle, Max Lejeune, Pascal Arrighi, etc. Il y eut beaucoup d'hommes dits de « droite » favorables à l'Algérie indépendante lorsqu'elle fut livrée au FLN : Georges Pompidou, Raymond Aron, Paul Reynaud, Roger Frey, Alain Peyrefitte, etc.
Le parti communiste était-il à gauche ou à l'Est ?
Il approuva le pacte germano-soviétique d'août 1939 qui favorisa l'agression hitlérienne contre la Pologne et la France. Il n'entra dans la Résistance qu'après l'invasion de l'URSS par l'Allemagne en juin 1941.
Aujourd'hui, comme naguère, le politicien de « gauche » bâtit sa carrière en sollicitant les électeurs jaloux de ceux qui gagnent ou possèdent plus qu'eux, et le politicien de « droite » exerce le pouvoir avec pour seul souci de trahir les promesses qu'il a faites afin de le conquérir.
En rappelant le rôle de Marcel Paul à Buchenwald, vous avez mis en cause l'attitude des communistes dans certains camps de concentration. D'où vient la faculté de la gauche de créer des mythes et d'utiliser l'histoire à des fins de propagande ?
En 1985, le TGI de Versailles m'a en effet relaxé du grief de diffamation envers la mémoire de Marcel Paul, lui qui, selon un autre déporté communiste à Buchenwald, Paul Noirot, avait « à la veille de l'insurrection, laissé partir et massacrer les vieux, les juifs, les hommes jugés les moins précieux » (La mémoire ouverte, 1976, p. 53). J'avais aussi rapporté le témoignage de Margarete Buber-Neumann, déportée à Ravensbrück : « Les communistes travaillant à l'infirmerie ne demandaient pas aux malades : Souffres-tu ? ou bien : As-tu de la fièvre ? mais : Es-tu membre du parti communiste ? C'est ainsi qu'elles faisaient le tri entre individus précieux, c'est-à-dire camarades qu 'il fallait sauver, et les autres la grande masse de celles qui ne valaient rien et dont on ne se souciait pas. » (Milena, 1986, p. 229 et 230).
La mauvaise foi le dispute à l'ignorance lorsque les politiciens de « gauche » comme de « droite » réécrivent l'histoire au gré des circonstances, de leurs intérêts et de leurs préjugés. C'est par exemple l'invention colportée par les gaullistes selon laquelle le général De Gaulle aurait préfiguré la décolonisation de l'Afrique noire d'après 1958 dans le discours qu'il a prononcé à Brazzaville le 30 janvier 1944, alors qu'il a, ce jour-là, demandé d'« étudier les conditions de l'intégration de nos colonies africaines dans la communauté française ».
Vous avez publié en 2 012 Ils ont tué l'histoire-géo. Faut-il voir une victoire de la gauche dans cette fin de l'histoire, qui signe à terme la fin de l'identité nationale ? La droite en partage-t-elle la responsabilité ?
J'étudie dans ce livre l'enseignement de l'histoire-géo ainsi qu'il a été conçu par Nicolas Sarkozy à l’Élysée, François Fillon à Matignon, et Xavier Darcos puis Luc Chatel au ministère de l'Education nationale, c'est-à-dire par des politiciens de « droite ».
Ce sont eux qui ont décidé de supprimer l'histoire et la géographie comme disciplines obligatoires en terminale scientifique, si bien que les élèves de la série scientifique n'étudient plus au lycée ni l'histoire de la France depuis 1962, ni celle de la montée de l'islamisme depuis la fin des années 1970, ni la géographie des États-Unis, de la Chine et du Japon. Ce sont eux qui ont imaginé pour la classe de cinquième un programme d'histoire démesuré allant de Mahomet à Louis XIV en passant par le Monomotapa, si bien que le Roi Soleil n'est plus étudié que fin juin, c'est-à-dire jamais. Ce sont eux qui ont validé l'épreuve d'histoire médiévale de l'agrégation d'histoire en 2011, alors qu'elle consistait à commenter un texte de 1964 comme s'il était de 1415.
Mais il n'y a guère mieux à attendre des politiciens de « gauche », même si Vincent Peillon a rétabli l'histoire-géo en terminale scientifique.
Anne Hidalgo, qui fut Secrétaire général à la culture du parti socialiste, a affirmé sur i-Télé, le 24 septembre 2012, que « le Front National avait soutenu pendant la guerre la collaboration avec les nazis ». Précisons qu'il existait bien un Front National durant la Seconde Guerre mondiale, mais qu'il s'agissait d'une organisation cryptocommuniste qui rêvait de transformer la France en une démocratie populaire...
Propos recueillis par Eric Letty monde&vie novembre 2013
Monde et Vie : Laurent Wetzel, qu'est-ce qui différencie la droite et la gauche en France ? Ces notions sont-elles encore d'actualité ?
Laurent Wetzel : Dans la vie politique française, la distinction entre la droite et la gauche remonte au 28 août 1789, lorsqu'au sein de l'Assemblée Nationale Constituante les partisans et les adversaires d'un veto royal absolu se regroupèrent respectivement à la droite et à la gauche du président de séance. Il y a bien longtemps que ce critère a perdu tout intérêt.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la distinction droite-gauche a moins de sens que jamais.
Il y eut beaucoup d'hommes dits de « gauche » dans la collaboration : Marcel Déat, Jacques Doriot, René Belin, Gaston Bergery, Claude Jamet, Robert Jospin (le père de Lionel), et tant d'autres passés par la SFIO, le PCF, la CGT et le parti radical-socialiste - le parti nazi n'était-il pas le Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands ? Il y eut beaucoup d'hommes et de femmes dits de « droite » dans la Résistance : Honoré d'Estienne d'Orves, le colonel Rémy, Pierre de Bénouville, Marie-Madeleine Four-cade, le colonel de La Rocque, Henri Frenay, et tant d'autres, souvent de sympathie royaliste.
Il y eut beaucoup d'hommes dits de « gauche » favorables jusqu'au bout à l'Algérie française : Robert Lacoste, Albert Bayet, Jacques Soustelle, Max Lejeune, Pascal Arrighi, etc. Il y eut beaucoup d'hommes dits de « droite » favorables à l'Algérie indépendante lorsqu'elle fut livrée au FLN : Georges Pompidou, Raymond Aron, Paul Reynaud, Roger Frey, Alain Peyrefitte, etc.
Le parti communiste était-il à gauche ou à l'Est ?
Il approuva le pacte germano-soviétique d'août 1939 qui favorisa l'agression hitlérienne contre la Pologne et la France. Il n'entra dans la Résistance qu'après l'invasion de l'URSS par l'Allemagne en juin 1941.
Aujourd'hui, comme naguère, le politicien de « gauche » bâtit sa carrière en sollicitant les électeurs jaloux de ceux qui gagnent ou possèdent plus qu'eux, et le politicien de « droite » exerce le pouvoir avec pour seul souci de trahir les promesses qu'il a faites afin de le conquérir.
En rappelant le rôle de Marcel Paul à Buchenwald, vous avez mis en cause l'attitude des communistes dans certains camps de concentration. D'où vient la faculté de la gauche de créer des mythes et d'utiliser l'histoire à des fins de propagande ?
En 1985, le TGI de Versailles m'a en effet relaxé du grief de diffamation envers la mémoire de Marcel Paul, lui qui, selon un autre déporté communiste à Buchenwald, Paul Noirot, avait « à la veille de l'insurrection, laissé partir et massacrer les vieux, les juifs, les hommes jugés les moins précieux » (La mémoire ouverte, 1976, p. 53). J'avais aussi rapporté le témoignage de Margarete Buber-Neumann, déportée à Ravensbrück : « Les communistes travaillant à l'infirmerie ne demandaient pas aux malades : Souffres-tu ? ou bien : As-tu de la fièvre ? mais : Es-tu membre du parti communiste ? C'est ainsi qu'elles faisaient le tri entre individus précieux, c'est-à-dire camarades qu 'il fallait sauver, et les autres la grande masse de celles qui ne valaient rien et dont on ne se souciait pas. » (Milena, 1986, p. 229 et 230).
La mauvaise foi le dispute à l'ignorance lorsque les politiciens de « gauche » comme de « droite » réécrivent l'histoire au gré des circonstances, de leurs intérêts et de leurs préjugés. C'est par exemple l'invention colportée par les gaullistes selon laquelle le général De Gaulle aurait préfiguré la décolonisation de l'Afrique noire d'après 1958 dans le discours qu'il a prononcé à Brazzaville le 30 janvier 1944, alors qu'il a, ce jour-là, demandé d'« étudier les conditions de l'intégration de nos colonies africaines dans la communauté française ».
Vous avez publié en 2 012 Ils ont tué l'histoire-géo. Faut-il voir une victoire de la gauche dans cette fin de l'histoire, qui signe à terme la fin de l'identité nationale ? La droite en partage-t-elle la responsabilité ?
J'étudie dans ce livre l'enseignement de l'histoire-géo ainsi qu'il a été conçu par Nicolas Sarkozy à l’Élysée, François Fillon à Matignon, et Xavier Darcos puis Luc Chatel au ministère de l'Education nationale, c'est-à-dire par des politiciens de « droite ».
Ce sont eux qui ont décidé de supprimer l'histoire et la géographie comme disciplines obligatoires en terminale scientifique, si bien que les élèves de la série scientifique n'étudient plus au lycée ni l'histoire de la France depuis 1962, ni celle de la montée de l'islamisme depuis la fin des années 1970, ni la géographie des États-Unis, de la Chine et du Japon. Ce sont eux qui ont imaginé pour la classe de cinquième un programme d'histoire démesuré allant de Mahomet à Louis XIV en passant par le Monomotapa, si bien que le Roi Soleil n'est plus étudié que fin juin, c'est-à-dire jamais. Ce sont eux qui ont validé l'épreuve d'histoire médiévale de l'agrégation d'histoire en 2011, alors qu'elle consistait à commenter un texte de 1964 comme s'il était de 1415.
Mais il n'y a guère mieux à attendre des politiciens de « gauche », même si Vincent Peillon a rétabli l'histoire-géo en terminale scientifique.
Anne Hidalgo, qui fut Secrétaire général à la culture du parti socialiste, a affirmé sur i-Télé, le 24 septembre 2012, que « le Front National avait soutenu pendant la guerre la collaboration avec les nazis ». Précisons qu'il existait bien un Front National durant la Seconde Guerre mondiale, mais qu'il s'agissait d'une organisation cryptocommuniste qui rêvait de transformer la France en une démocratie populaire...
Propos recueillis par Eric Letty monde&vie novembre 2013
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