Tout
comme le génie français, l’écologie prend sa source dans une maison.
Elle n’a pas toujours été nommée en tant que telle, mais ses racines
embaumaient depuis longtemps l’air que nous respirons : oikos -
maison - et logos - discours. Elle est le fruit dun long dialogue,
qui n’exclut pas les lois pour que tout pousse, croisse, grandisse et
nourrisse les hommes en en bon ordre : pas d’angélisme !
En 1414, le Grand Traité des Pêches citait une lettre patente de Louis le Jeune, relative au hareng salé, qui remontait à 1170. En août 1681, dans le souci de veiller à la pérennité de cette pêche, ô combien nourricière, une ordonnance de Louis XIV fixa les mailles des filets (rets) à un pouce carré, et imposa aux bateaux de pêche d’avoir deux lumières... Sinon, gare ! Cinquante livres d’amende !
Notre histoire est riche d’enseignements. Pourtant, nous lui tournons le dos. Ces lois, qui sont le fruit d’un dialogue entre les chefs de maison, sont à l’opposé des pratiques du temps présent, où l’on a failli mettre l’ortie à l’index…
À maints égards, la royauté apparaît comme le meilleur des régimes politiques. Sa capacité à sauvegarder les conditions de survie de l’espèce humaine tient, notamment, à la longueur de pensée et au sentiment d’appartenance qu’elle encourage.
Longueur de pensée
Lors d’une conférence internationale sur les dérèglements atmosphériques (en mars 1989 à Paris), après avoir dénoncé la tendance technocratique qui pousse aux décisions « de courte vue formulées par des hommes du court terme », Michel Serre déclarait :
« Il existe une pollution matérielle, certes, technique et industrielle, qui met en danger le temps au sens climatique de la pluie et du vent, mais il en existe une deuxième, invisible, qui met en danger le temps qui passe et coule, pollution culturelle que nous avons fait subir aux pensées longues, ces gardiennes de la terre, des hommes et des choses elles-mêmes. Sans lutter contre la seconde, nous échouerons dans le combat contre la première ! »
L’absence de sens du long terme est évidemment surproducteur d’aberrations de toutes sortes, politiques comme écologiques.
Le sentiment d’appartenance à l’environnement détermine des attitudes respectueuses des éléments (terre, eau, air) et des autres espèces, ainsi que des pratiques économes des ressources naturelles. À l’opposé, le sentiment d’être au-dessus, à part, sans attache, absolument libre, tend à faire de l’homme un maître totalitaire de la planète, un propriétaire abusif, inconséquent et dispendieux.
Appliquons ces deux critères - repères - longueur de pensée et sentiment d’appartenance - à quelques systèmes idéologiques, religieux, politiques, afin d’évaluer leur compatibilité avec la préservation, non pas de la planète, qui n’est pas en péril, mais des équilibres compliqués et fragiles qui permirent l’apparition et la perpétuation des mammifères.
L’animisme intégré
Les civilisations animistes cultivent des traditions garantes de stabilité dans le temps, et un fort sentiment d’appartenance. En témoignent ces paroles d’un chef indien : « Le lakota était empli d’amour pour la nature... S’asseoir ou s’allonger à même le sol lui permettait de contempler avec une plus grande clarté les mystères de la vie, et de se sentir plus proche de toutes les forces vivantes qui l’entouraient. »
Il ne s’agit pas de tomber dans le mythe du bon sauvage. Simplement, l’animiste, ne s’abstrayant pas de la biosphère, la ménage. Intégré à l’immense ensemble qui le nourrit et le constitue, il prend soin de n’en pas déranger l’ordonnance et entretient avec lui des relations attentives, subtiles. Ne séparant guère création et créateur, matière et esprit, l’animiste sacralise les œuvres de la divinité, et vit dans le respect des esprits des arbres, des fontaines, des rochers, des monts, des vents. Sa finalité n’est pas le progrès mais l’harmonie. On comprend qu’il soit en voie de disparition...
La chrétienté réfrénée
Le christianisme distingue l’homme du reste de la création, d’une façon que certains ont pu juger radicale, voire imbue d’un sentiment d’extrême supériorité... Une telle distinction peut induire une domination illimitée, démesurée, sur toute chose. Toutefois des reliquats d’animisme dans les monothéismes, très visibles dans le catholicisme, modérèrent longtemps les abus humains. Et la soumission à un Dieu créateur de l’univers freinait l’ambition prométhéenne de transformer Sa Création à notre gré.
La Révolution effrénée
La Révolution jeta cette ultime limitation obscurantiste par-dessus les étoiles. Vive Prométhée ! Un certain respect pour un ordre divin a disparu au nom du dieu Progrès et, sans rire, dans le dessein d’une régénération de l’humanité elle-même.
Dans les colonnes du Monde, André Fontaine a défini la Révolution française comme l’issue d’une logique de rupture de la Raison avec l’expérience, du Progrès avec l’ordre existant, du Bonheur terrestre avec le Paradis. L’équation Raison-Progrès-Bonheur devait conduire à l’émergence d’une société parfaite en faisant table rase de l’Ancien Régime.
Hélas, la rigueur scientifique escomptée ne sest pas appliquée à la régulation des délires industrialistes. Chercheurs, savants et ingénieurs ont cédé à la techno-frénésie sans se soucier des conséquences à moyen et long terme.
Révolution et écologie incompatibles ?
On nous serine assez que le monde actuel et ses progrès sont enfants de la Révolution française. Soit, mais alors il faut admettre que les pollutions gigantesques, la croissance des probabilités de catastrophes, l’atteinte à l’espérance de vie de la biosphère, sont aussi au nombre de ses descendants.
Avec elle on quitte pensée longue et sentiment d’appartenance, au profit d’une logique de rupture, coûte que coûte, vis-à-vis du temps et de la nature. Avec pour conséquences la mode écervelée de la modernité, l’obsession du changement pour le changement et le bougisme, qui sont contraires au développement durable.
Capitalisme , communisme, mêmes dégâts !
Tous les capitalistes n’ont pas une courte vue, et toutes leurs réalisations ne sont pas de courte vie, mais l’inclination avérée du système est la suivante : le plus de profits possibles, le plus vite possible.
Le capitalisme n’a cure des traditions et des cultures enracinées dans l’histoire qu’elles véhiculent ; la société de consommation qu’il promeut les détruit plus sûrement qu’une révolution culturelle à la Mao. Quant au sentiment d’appartenance, la frénésie de l’appropriation le remplace totalement. En principe a-écologiste, mais anti en pratique, le capitalisme ne s’occupe de l’avenir qu’à la Bourse.
Le communisme, lui, ne manque pas de longueur de pensée, mais il est si univoque et rigide qu’il ne supporte pas la complexité de ce qui vit. Et son révolutionnarisme l’entraîne à tout bouleverser « knout que knout ». Son productivisme mégalomaniaque a engendré des records de pollution, de la Caspienne à Tchernobyl. En Chine, au Vietnam, au Cambodge surtout, la politique de la désappartenance, de l’arrachage des racines culturelles jusque dans les têtes, a conduit aux pires massacres et à la destruction du patrimoine.
La démocratie polluée
En théorie, rien n’empêche les dirigeants d’une démocratie d’entretenir des pensées longues et un vif sentiment d’appartenance à la biosphère. Hélas, leur soumission aux jeux électoraux réduit leur horizon au prochain scrutin. De plus la précarité de leur position les rend, pour être élus et réélus, particulièrement dépendants des oligarchies financières, donc de capitalistes.
Ce n’est pas un hasard si les quelques démocraties tout de même un peu écologistes sont (Suisse exceptée) des démocraties couronnées.
Un régime bio
La monarchie dynastique est championne en développement durable. Son mode de transmission du pouvoir lui assure une maîtrise relative du temps. En tout cas, aucun régime n’a, au cours de notre histoire, démontré un tel sens du long terme. Seule une patience, une persévérance et un soin d’alchimiste pouvaient aboutir à ce grand chef d’œuvre, la France. Quant au sentiment d’appartenance, la royauté en est l’expression politique par essence.
Régime analogique plutôt qu’idéologique, biologique d’avantage que logique, il reproduit au sommet de l’État les grands moments communs à chaque existence, de la naissance à la mort, dépassée aussitôt par le cri magique : le roi est mort, vive le roi !
Enraciné par sa lignée dans le passé et promis par elle au futur, évoluant donc, sans table rase, d’avenir en avenir, le Souverain épouse et le temps, et le territoire.
Aucun régime ne s’inspire autant de faits de nature. Sa légitimité, il ne la tient pas de l’isoloir, mais de l’alcôve. Quel régime est plus incarné, plus sexué que le royal ? Il n’en est pas de plus habile dans l’art d’entrelacer le spirituel et le charnel. D’où son charme, d’où sa poésie. La royauté est une artiste !
Bernard L’hôte et Marc Van de Sande L’Action Française 2000 du 1er au 14 février 2007
En 1414, le Grand Traité des Pêches citait une lettre patente de Louis le Jeune, relative au hareng salé, qui remontait à 1170. En août 1681, dans le souci de veiller à la pérennité de cette pêche, ô combien nourricière, une ordonnance de Louis XIV fixa les mailles des filets (rets) à un pouce carré, et imposa aux bateaux de pêche d’avoir deux lumières... Sinon, gare ! Cinquante livres d’amende !
Notre histoire est riche d’enseignements. Pourtant, nous lui tournons le dos. Ces lois, qui sont le fruit d’un dialogue entre les chefs de maison, sont à l’opposé des pratiques du temps présent, où l’on a failli mettre l’ortie à l’index…
À maints égards, la royauté apparaît comme le meilleur des régimes politiques. Sa capacité à sauvegarder les conditions de survie de l’espèce humaine tient, notamment, à la longueur de pensée et au sentiment d’appartenance qu’elle encourage.
Longueur de pensée
Lors d’une conférence internationale sur les dérèglements atmosphériques (en mars 1989 à Paris), après avoir dénoncé la tendance technocratique qui pousse aux décisions « de courte vue formulées par des hommes du court terme », Michel Serre déclarait :
« Il existe une pollution matérielle, certes, technique et industrielle, qui met en danger le temps au sens climatique de la pluie et du vent, mais il en existe une deuxième, invisible, qui met en danger le temps qui passe et coule, pollution culturelle que nous avons fait subir aux pensées longues, ces gardiennes de la terre, des hommes et des choses elles-mêmes. Sans lutter contre la seconde, nous échouerons dans le combat contre la première ! »
L’absence de sens du long terme est évidemment surproducteur d’aberrations de toutes sortes, politiques comme écologiques.
Le sentiment d’appartenance à l’environnement détermine des attitudes respectueuses des éléments (terre, eau, air) et des autres espèces, ainsi que des pratiques économes des ressources naturelles. À l’opposé, le sentiment d’être au-dessus, à part, sans attache, absolument libre, tend à faire de l’homme un maître totalitaire de la planète, un propriétaire abusif, inconséquent et dispendieux.
Appliquons ces deux critères - repères - longueur de pensée et sentiment d’appartenance - à quelques systèmes idéologiques, religieux, politiques, afin d’évaluer leur compatibilité avec la préservation, non pas de la planète, qui n’est pas en péril, mais des équilibres compliqués et fragiles qui permirent l’apparition et la perpétuation des mammifères.
L’animisme intégré
Les civilisations animistes cultivent des traditions garantes de stabilité dans le temps, et un fort sentiment d’appartenance. En témoignent ces paroles d’un chef indien : « Le lakota était empli d’amour pour la nature... S’asseoir ou s’allonger à même le sol lui permettait de contempler avec une plus grande clarté les mystères de la vie, et de se sentir plus proche de toutes les forces vivantes qui l’entouraient. »
Il ne s’agit pas de tomber dans le mythe du bon sauvage. Simplement, l’animiste, ne s’abstrayant pas de la biosphère, la ménage. Intégré à l’immense ensemble qui le nourrit et le constitue, il prend soin de n’en pas déranger l’ordonnance et entretient avec lui des relations attentives, subtiles. Ne séparant guère création et créateur, matière et esprit, l’animiste sacralise les œuvres de la divinité, et vit dans le respect des esprits des arbres, des fontaines, des rochers, des monts, des vents. Sa finalité n’est pas le progrès mais l’harmonie. On comprend qu’il soit en voie de disparition...
La chrétienté réfrénée
Le christianisme distingue l’homme du reste de la création, d’une façon que certains ont pu juger radicale, voire imbue d’un sentiment d’extrême supériorité... Une telle distinction peut induire une domination illimitée, démesurée, sur toute chose. Toutefois des reliquats d’animisme dans les monothéismes, très visibles dans le catholicisme, modérèrent longtemps les abus humains. Et la soumission à un Dieu créateur de l’univers freinait l’ambition prométhéenne de transformer Sa Création à notre gré.
La Révolution effrénée
La Révolution jeta cette ultime limitation obscurantiste par-dessus les étoiles. Vive Prométhée ! Un certain respect pour un ordre divin a disparu au nom du dieu Progrès et, sans rire, dans le dessein d’une régénération de l’humanité elle-même.
Dans les colonnes du Monde, André Fontaine a défini la Révolution française comme l’issue d’une logique de rupture de la Raison avec l’expérience, du Progrès avec l’ordre existant, du Bonheur terrestre avec le Paradis. L’équation Raison-Progrès-Bonheur devait conduire à l’émergence d’une société parfaite en faisant table rase de l’Ancien Régime.
Hélas, la rigueur scientifique escomptée ne sest pas appliquée à la régulation des délires industrialistes. Chercheurs, savants et ingénieurs ont cédé à la techno-frénésie sans se soucier des conséquences à moyen et long terme.
Révolution et écologie incompatibles ?
On nous serine assez que le monde actuel et ses progrès sont enfants de la Révolution française. Soit, mais alors il faut admettre que les pollutions gigantesques, la croissance des probabilités de catastrophes, l’atteinte à l’espérance de vie de la biosphère, sont aussi au nombre de ses descendants.
Avec elle on quitte pensée longue et sentiment d’appartenance, au profit d’une logique de rupture, coûte que coûte, vis-à-vis du temps et de la nature. Avec pour conséquences la mode écervelée de la modernité, l’obsession du changement pour le changement et le bougisme, qui sont contraires au développement durable.
Capitalisme , communisme, mêmes dégâts !
Tous les capitalistes n’ont pas une courte vue, et toutes leurs réalisations ne sont pas de courte vie, mais l’inclination avérée du système est la suivante : le plus de profits possibles, le plus vite possible.
Le capitalisme n’a cure des traditions et des cultures enracinées dans l’histoire qu’elles véhiculent ; la société de consommation qu’il promeut les détruit plus sûrement qu’une révolution culturelle à la Mao. Quant au sentiment d’appartenance, la frénésie de l’appropriation le remplace totalement. En principe a-écologiste, mais anti en pratique, le capitalisme ne s’occupe de l’avenir qu’à la Bourse.
Le communisme, lui, ne manque pas de longueur de pensée, mais il est si univoque et rigide qu’il ne supporte pas la complexité de ce qui vit. Et son révolutionnarisme l’entraîne à tout bouleverser « knout que knout ». Son productivisme mégalomaniaque a engendré des records de pollution, de la Caspienne à Tchernobyl. En Chine, au Vietnam, au Cambodge surtout, la politique de la désappartenance, de l’arrachage des racines culturelles jusque dans les têtes, a conduit aux pires massacres et à la destruction du patrimoine.
La démocratie polluée
En théorie, rien n’empêche les dirigeants d’une démocratie d’entretenir des pensées longues et un vif sentiment d’appartenance à la biosphère. Hélas, leur soumission aux jeux électoraux réduit leur horizon au prochain scrutin. De plus la précarité de leur position les rend, pour être élus et réélus, particulièrement dépendants des oligarchies financières, donc de capitalistes.
Ce n’est pas un hasard si les quelques démocraties tout de même un peu écologistes sont (Suisse exceptée) des démocraties couronnées.
Un régime bio
La monarchie dynastique est championne en développement durable. Son mode de transmission du pouvoir lui assure une maîtrise relative du temps. En tout cas, aucun régime n’a, au cours de notre histoire, démontré un tel sens du long terme. Seule une patience, une persévérance et un soin d’alchimiste pouvaient aboutir à ce grand chef d’œuvre, la France. Quant au sentiment d’appartenance, la royauté en est l’expression politique par essence.
Régime analogique plutôt qu’idéologique, biologique d’avantage que logique, il reproduit au sommet de l’État les grands moments communs à chaque existence, de la naissance à la mort, dépassée aussitôt par le cri magique : le roi est mort, vive le roi !
Enraciné par sa lignée dans le passé et promis par elle au futur, évoluant donc, sans table rase, d’avenir en avenir, le Souverain épouse et le temps, et le territoire.
Aucun régime ne s’inspire autant de faits de nature. Sa légitimité, il ne la tient pas de l’isoloir, mais de l’alcôve. Quel régime est plus incarné, plus sexué que le royal ? Il n’en est pas de plus habile dans l’art d’entrelacer le spirituel et le charnel. D’où son charme, d’où sa poésie. La royauté est une artiste !
Bernard L’hôte et Marc Van de Sande L’Action Française 2000 du 1er au 14 février 2007
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