Le
19 juillet 1870, la France déclarait la guerre à la Prusse et ses
alliés. En quelques mois, c’est la défaite. Cet épisode, pourtant
illustré par des pages glorieuses, fait pale figure entre le « faste »
des conquêtes napoléoniennes et la dureté de la Première Guerre
mondiale. Oubliés, les combattants sans visages de cette guerre. Parmi
eux les tirailleurs algériens qui comptent : mille neuf cent cinq tués
et blessés sur les deux mille huit cent dix comptabilisés entre 1842 et
1882. La guerre de 1870 – 1871 sera l’occasion pour une minorité de
tirailleurs de vouloir s’installer en France. C’est le début d’une
immigration, de combattants – qui comme plus tard les harkis -
étaient attachés à la France. Mais, cette héroïque contribution a fait
l’objet d’instrumentalisations politiques… Le mythe n’est pas
l’histoire : les archives en apportent la preuve…
La conquête coloniale et les premières formations de tirailleurs algériens (1830 – 1870)
L’exotisme du recrutement et de l’uniforme des troupes coloniales suscita au XIXe
siècle l’engouement de la fine fleur de la peinture et de la
littérature française, qu’ils appartiennent ou non à la vague
orientaliste (Alphonse Daudet, Delacroix, Henri Philippoteaux – qui
accompagne Louis-Philippe, duc d’Orléans, lors de l’expédition dans la
région de Médéa en avril-mai 1840 – Vincent Van Gogh, Horace Vernet,
etc.). Cette mode traverse même l’Atlantique, puisque les armées
américaines de la Guerre civile (1861 – 1865) mettent sur pieds des
régiments de zouaves. En France, l’histoire des tirailleurs est
consubstantielle à la conquête du sol algérien. Très tôt, le général
Clauzel, commandant le corps expéditionnaire, recrute illégalement des
hommes de la tribu des Zouaouas (à l’origine par altération du nom
commun attribué aux soldats des régiments de « zouaves ») pour former
deux bataillons (1er octobre
1830). Le gouvernement français mis devant le fait accompli, entérina
cette initiative par la loi du 9 mars 1831 et autorisa la formation de
corps – essentiellement d’infanterie – de recrutement local et
d’étrangers (Légion étrangère) à l’extérieur du territoire national.
Malgré
un faible attrait des indigènes pour ces formations, le commandement
français en Algérie parvint à maintenir l’activité de deux, puis de
trois bataillons, en y associant des recrues de souche européenne. Le 11
novembre 1837, ces trois formations sont officiellement amalgamées au
sein d’un « corps des zouaves ». Cependant, la dureté du conflit –
notamment les razzias des troupes d’Abdelkader – favorise les
ralliements individuels ou collectifs d’autochtones, mais aussi de métis
arabo-turcs et de Turcs. La présence de ces recrues expliquerait le nom
de « Turcos » donné progressivement aux zouaves et aux
tirailleurs algériens. Ces formations locales, dont les effectifs sont
augmentés en 1840, seront officiellement intégrées l’année suivante dans
trois bataillons (1841), puis trois régiments de tirailleurs algériens
(1855). La préférence se porta rapidement sur une incorporation séparée
des recrues locales et métropolitaines, mais le manque chronique de
volontaires aptes obligea l’armée française à la mixité. Depuis lors,
les bataillons de tirailleurs seront de recrutement indigène, et ceux de
zouaves, mixte, voire métropolitain.
Au
sein de ces unités, les chances de promotion des autochtones sont
certes réduites, mais contrairement aux idées reçues (véhiculées
notamment par le film Indigènes où un des personnages ne peut
obtenir de l’avancement, sous-entendu parce qu’il est Algérien) – des
hommes ont pu exercer des fonctions d’encadrement (l’article 3 de
ordonnance du 7 décembre 1841 autorise les indigènes d’occuper les
grades de sergents, caporaux, clairons et pour moitié, les grades de
lieutenant et de sous-lieutenant). La promotion des officiers de
recrutement local se fait au choix indépendamment des règles
d’avancement de l’armée française (art. 9). Sur la recommandation de
leurs chefs de bataillon, des Algériens ont pu s’élever dans la
hiérarchie militaire, sans qu’il leur soit toutefois possible, au XIXe
siècle, de dépasser le grade de capitaine (ordonnance du 31 octobre
1848). La maîtrise du français oral et écrit était un barrage, mais
restait une nécessité : toutes les armées modernes s’appuient sur des
cadres instruits pour la gestion quotidienne de leurs unités. C’est
pourquoi, les « Français de souche » étaient affectés de préférence à
l’encadrement (la majorité des officiers et des sous-officiers) ou à des
fonctions annexes de logistique et de soutien (muletiers, infirmiers,
armuriers).
Après
des débuts difficiles, le nombre des unités augmente significativement
pour répondre aux besoins de l’armée française impliquée sur différents
théâtres d’opérations. Elles participèrent à la conquête de l’Algérie
aux côtés de l’armée régulière et seront déployées sur d’autres théâtres
d’opérations (Crimée, Sénégal, Mexique). Les tirailleurs ont été
engagés dans de fréquentes opérations de contre-guérilla en Kabylie et
ont été associés aux colonnes mobiles partant des villes-dépôts et
ravitaillant les postes isolés. Les « Turcos » ont aussi été mobilisés pour des travaux de génie civil ou militaire.
« L’Année Terrible »
La
France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Les unités de
tirailleurs quittent leurs garnisons, s’embarquent pour Marseille ou
Toulon, puis sont acheminés par trains jusqu’à leur point de ralliement :
Starsbourg. À Lyon, l’accueil qui leur est réservé est enthousiaste :
les hommes du 3e régiment
reçoivent de la population en liesse de copieuses rations de nourritures
et de vin. Les hommes sont affamés et tombent rapidement malades,
tandis que d’autres – sous l’emprise de l’alcool – versent dans
l’indiscipline.
Les tirailleurs participent à la bataille de Woerth, le premier engagement majeur avec l’armée prussienne (6 août 1870). Les Turcos – qui combattent aux côtés des zouaves du 1er
régiment – luttent par le feu et la baïonnette avec un courage et un
acharnement exemplaires. Dans ces circonstances, les pertes sont
importantes, même parmi les officiers : le 2e
régiment perd 815 tués (dont 15 officiers) et 821 blessés (dont 21
officiers), soit un total de 1 636 combattants mis hors de combat sur
les 1 905 recensées sur toute la période du conflit (le régiment
totalisera 910 hommes de troupe et 16 officiers tués). Après un
regroupement à Saverne, les Turcos en déroute se replient avec
le reste de l’armée impériale vers Lunéville, Neufchâteau, et Châlons
(15 août). Les survivants des régiments de tirailleurs sont reconstitués
en bataillons provisoires. L’un d’entre eux, complété par une centaine
d’hommes et d’officiers venus d’Algérie, se reforme à Paris avant de
rejoindre l’armée de la Loire. Un autre, improvisé après la bataille de
Woerth, marche sur Metz, puis se replie sur Sedan.
Le
7 septembre, cinq jours après la capitulation de Napoléon III, les
hommes de troupes sont séparés de leurs officiers et envoyés en
détention en Allemagne. Les Algériens prisonniers ont mal vécu la
captivité, en raison du froid, des maladies, de la brutalité et des
vexations des gardiens. Seuls quelques tirailleurs parviennent à prendre
la fuite en franchissant la Meuse à la nage. Ces évadés continuent le
combat, certains défendent Phalsbourg assiégé. Les combattants qui n’ont
pas marché sur Sedan rejoignent isolément ou par petits groupes des
positions défensives de l’armée en déroute. Des Turcos se
retrouvent à Strasbourg, à Bitche et Verdun. D’autres s’agrègent à des
régiments d’infanterie de ligne ou à des unités de circonstance. Bon
nombre de tirailleurs vont de bataillon en bataillon, de ville en ville
et la plupart décèdent des suites de leurs blessures.
On retrouve des tirailleurs algériens au siège de Paris. Les quelques Turcos
qui ont réussi péniblement à atteindre la ville s’y trouvent par le
fruit du hasard. Une compagnie improvisée de tirailleurs est amalgamée à
deux compagnies de zouaves et à deux compagnies de chasseurs à pied et
forment le 4e bataillon du 28e régiment de marche (28e
R.M.), commandé par le lieutenant-colonel Le Mains (8 septembre 1870).
Ces compagnies sont rassemblées au Louvre puis de se rendent à
Saint-Denis sous l’autorité du général de brigade de Bellemare (la
brigade passera au 14e corps d’armée). Le 28e
R.M. remplit des fonctions défensives statiques : il tient des postes à
Épinay, au château de Villetaneuse, à Pierrefitte, au moulin de Stains,
sur la butte Pinçon et à Stains. Par décret du 20 novembre 1870, le 4e bataillon est supprimé; les deux compagnies de chasseurs passent au 21e et au 22e bataillon de nouvelle formation; les deux compagnies de zouaves et la compagnie de tirailleurs algériens passent au 4e
zouaves. Ce régiment rassemble des zouaves en fuite arrivés à Paris,
puis à Saint-Cloud, le 5 septembre. Les officiers, venus pour la plupart
d’unités éparses, peinent alors à organiser l’unité et à y maintenir la
discipline. L’unité est envoyée momentanément à la caserne de la
Pépinière (15 septembre) avant d’être positionnée sur les lignes
avancées de défense (notamment à Nanterre) où il participe à des combats
d’avant-postes et à la bataille de La Malmaison (21 octobre 1870). Le
10 novembre, le régiment, qui compte environ cent Algériens, est
affecté à la 2e armée, 3e corps, 1re division, 1re brigade. Le lendemain, le lieutenant-colonel Méric remplace le colonel Fournis à sa tête.
Le
28 novembre, le régiment reçoit l’ordre de départ pour une offensive –
que l’on espère décisive – pour dégager la ville frappée de pénurie
alimentaire, et rejoindre l’armée de la Loire que l’on croit victorieuse
et en marche sur Paris. L’attaque se porte vers l’Est, à Champigny : le
plan prévoyait de rejoindre l’armée de la Loire par Fontainebleau, via
Meaux et la Brie. Les soldats font une série de marches et de
contre-marches en raison de la crue soudaine de la Marne (29 novembre).
Le lendemain et pendant quatre jours, c’est la bataille de
Villiers-Champigny. Fidèles à la tradition de l’armée d’Afrique, les
zouaves se battent comme des lions, malgré un froid très vif, et
chargent à la baïonnette. Ils contribuent à la prise du plateau
d’Avron, le 30 novembre. Un groupe d’irréductibles reprend à l’ennemi
des pièces de huit livres abandonnées par des artilleurs du 2e
corps et font une trentaine de prisonniers. Le lendemain, les combats
cessent : les belligérants instaurent une trêve tacite pour relever
leurs blessés et leurs morts. Après deux jours de combats, le froid —
qui atteint – 14° — sonne le glas de l’offensive : l’armée de Paris se
retire. Le 4e R.Z. a perdu vingt-deux officiers et cinq cent trente-quatre hommes de troupe. La 1re
brigade compte à elle seule neuf cents hommes mis hors de combat dont
deux cents morts. Affaibli, le régiment rejoint Nogent. Les zouaves
souffrent du froid et de la pénurie alimentaire et participent à des
missions de reconnaissance autour du plateau d’Avron, Rosny, Montreuil
(20 décembre 1870 – 18 janvier 1871).
Le
19 janvier, tout espoir d’aide extérieure s’évanouit. L’armée française
du Nord, en marche vers Paris, est battue à Saint-Quentin. Quant à
l’armée de l’Est, qui marche sur Belfort avec l’intention de couper
ensuite les communications des Allemands, elle est arrêtée le 17 à
Héricourt. L’armée de Paris tente une ultime sortie, celle de la
dernière chance, pour ouvrir une voie vers Versailles. L’attaque, menée
sur trois fronts, est mal concertée. Après l’éphémère prise de la
redoute de Montretout et du château de Buzenval, l’armée française
commence à ployer vers 16 heures sous le poids de la contre-attaque
prussienne. Les zouaves sont intégrés à la colonne centrale, forte de
cinq régiments de ligne, dix-sept bataillons de mobile et huit régiments
de la Garde nationale, qui monte sur les positions prussiennes à l’Est
du château de la Bergerie. Une demi-heure après le début de l’offensive
(19 heures 30), la brigade Fournès du général de Bellemare parvient sur
la crête de la Bergerie, s’empare de la maison dite du Curé et pénètre
par une brèche dans le parc prêtes à attaquer la maison Craon, le 109e
régiment d’infanterie s’empare du château (Montretout). La nuit tombant
et la confusion régnant après l’échec de la riposte française, le
général Trochu ordonne la retraite. Les troupes françaises comptent
quatre mille soixante-dix hommes hors de combat. Le 4e
régiment de zouaves perd seize officiers (six tués, dix blessés), deux
cent trente hommes de troupes (seize tués, quatre-vingt-douze blessés,
cent vingt-deux disparus), soit un total des pertes de deux cent
quarante-six combattants. Le corps de Bellemare a perdu deux mille deux
cent un hommes. Après la bataille, le régiment stationne autour de Rosny
et de Montreuil (5 – 18 janvier), à Courbevoie (20 – 21 janvier), puis à
Montreuil (25 janvier). L’armistice surprend le 4e
régiment de zouaves à Paris. Son tribut est estimé à
quatre-vingt-quatorze tués, quatre cent soixante-un blessés et deux cent
soixante-huit disparus (autant dire tués). Le conflit franco-allemand
est quasiment effacé de la conscience collective nationale.
Le mythe du Turco communard : une délinquance de droit commun plutôt que politique
Alphonse Daudet, également séduit par l’exotisme des troupes coloniales, a véhiculé le mythe du « Turco de la Commune » dans son recueil de nouvelles, fortement patriotique mais hostile à la révolution parisienne, les Contes du lundi (1). Extrait du « Turco
de la Commune » : « Tout à coup, la barricade se tut. […] C’est la
ligne qui arriva ! Dans le bruit sourd du pas de charge, les officiers
criaient : “ Rendez-vous ! ” […] On l’entoure, on le bouscule. “ Fais
voir ton fusil. ” Son fusil était encore chaud. “ Fais voir tes
mains. ” Ses mains étaient encore noires de poudre. Et le Turco
les montrait fièrement, toujours avec son bon rire. Alors on le pousse
contre un mur, et vlan ! Il est mort sans avoir rien compris. » L’auteur
soulignant ici la « naïveté » de ce soldat qui paraît s’être engagé
dans une aventure politique sans lendemain, dont il ne comprenait pas
les motivations. La thématique du patriotisme et du Turco empreint les Contes.
Une autre nouvelle intitulée « Le mauvais zouave » relate l’histoire
d’un engagé alsacien qui rejoint la forge paternelle après la guerre de
1870 – 1871, acceptant délibérément de se placer sous la tutelle
allemande. Par dépit son père, fervent patriote, s’engage en lieu et
place de son enfant au 3e régiment de zouaves.
Cet
écrit soulève la question de la présence des Algériens du côté des
fédérés ? D’autant que plus récemment, dans un roman intitulé Pacifique,
Éric Michel reprend l’histoire à son compte : « Sid Ahmed est grand,
taiseux comme un ossuaire et sec comme un cotret. De ses gestes
harmonieux et lents se dégage une grâce, pourtant quand il marche, il
claudique. Ancien berger il était du 1er Tirailleurs algériens. Il a
combattu à un contre vingt sous le général Douai pour conserver
Wissembourg, c’est là qu’il a été blessé. Présent encore en première
ligne pour la défense de Paris, ce coriace a rallié la Commune avec une
poignée d’Algériens réfractaires (2) ». De même, Peter Watkins met en
scène un Turco dans son film militant La Commune pour faire le lien entre la lutte des classes et anticolonialisme…
Mais tout ceci est et restera une légende, de la littérature et du cinéma…
Faisons place aux archives (3). Certes, il exista une formation de francs-tireurs, les « Turcos
de la Commune », mais celle-ci, comme toutes les autres unités, était
de recrutement français et européen. Les rôles des compagnies de
francs-tireurs (4), lorsqu’ils n’ont pas disparus, ne contiennent aucun
nom d’origine arabo-kabyle, et surtout, tous les citoyens enregistrés
sont domiciliés à Paris (5). De même, aucun Algérien ne figure sur les
listes des volontaires de l’armée de Versailles. Des Turcos
auraient-ils pu participer individuellement à l’insurrection, s’échapper
de Paris ou bien mourir sur les barricades ? L’hypothèse de la fuite
est difficilement envisageable, car les tirailleurs algériens ne sont
pas intégrés à la société française, ne disposent pas d’un réseau de
soutien suffisant pour assurer leur évasion et sont sévèrement encadrés.
Si cela avait été le cas, comme dans la nouvelle de Daudet, ces hommes
auraient été tôt ou tard capturés, jugés et passés par les armes. Celle
de la mort au combat serait la plus probable, puisque les tirailleurs
portent un uniforme de l’armée régulière les distinguant des gardes
nationaux fédérés. Pris en flagrant délit, les armes à la main, ils
auraient été pour ce motif tués sur place par les troupes
gouvernementales, comme Kadour ou les anciens « lignards » abattus
pendant la « Semaine sanglante ». De plus, un combattant des troupes
coloniales serait difficilement passé inaperçu, son arrestation aurait
fait l’objet d’un rapport… Précisément, des Algériens ont-ils été
arrêtés, jugés par les conseils de guerre et condamnés à un non lieu ?
La destruction d’une grande partie des dossiers de non-lieux ne permet
pas de répondre fermement à cette interrogation, mais il a fort à parier
qu’un ancien militaire ayant rejoint les rangs de la Commune n’aurait
certainement pas bénéficier d’un non-lieu… La consultation des fonds,
complets, des dossiers de conseils de guerre à charge contre les
Communards (série 8J) ne comporte aucun nom d’Afrique du Nord (6). Les
seuls dossiers impliquant des tirailleurs algériens recouvre la période
du premier siège concernent des actes d’indiscipline (absences
illégales, insultes à gradés, alcoolisme, refus de service). Les
Algériens, peu nombreux à Paris, sont rarement mis en cause, bien que
trois d’entre-eux soient passés devant un conseil de guerre pour le vol
d’une montre en or (dossier Kouider Ben Mohamed, Scherif Kadder et Adda
Ben Sadhoun, 3e conseil n° 25). Les Turcos
fréquentent cependant les lieux de sociabilité de la capitale et
prennent probablement, comme les autres combattants, leurs habitudes
dans les cafés.
En
définitive, il semblerait plutôt que ces hommes – sans attaches en
France – aient été obligés de suivre leur régiment. D’ailleurs, l’unité
quitte Paris au complet (Il compte cinquante-deux officiers et mille six
cent soixante-huit hommes) et après avoir été désarmée (15 mars 1871)
et arrive rapidement en Algérie (à Bône le 23 mars et Alger le 24 mars,
soit la première semaine de la Commune). Enfin et surtout, aucune
désertion – en cette période de contrôle étroit des troupes - n’est
signalée dans les archives du régiment. Ce qui explique l’absence totale
de trace de leur présence à Paris entre le 18 mars et le 28 mai 1871.
Ces
hommes n’ayant pas connu l’éveil politique et n’ayant pas de réelle
conscience de classe, n’ont pu participer à la Commune. La barrière de
la langue, comme le contrôle militaire, expliquerait cette absence
d’engagement. Si des Algériens n’ont pu être retrouvés dans les rangs de
la Commune, des zouaves d’origine française ont été incorporés dans les
corps de francs-tireurs, réputés pour être des unités fortement
politisées (LY 94). Au contraire, à l’instar des gardes nationaux
mobiles en juin 1848, les Turcos combattront leurs « frères » en Algérie, lors de l’insurrection kabyle au printemps 1871.
Il
faut bien distinguer histoire et mythes politiques. Les Communards non
français étaient principalement de souche européenne. Enfin, rappelons
que des Communards parisiens et narbonnais, avec notamment Charles
Amouroux, s’organiseront en une « compagnie franche » et prendront les
armes contre les Canaques insurgés pour la défense, selon ses dires, la
« race blanche ». La lutte anticoloniale, telle que la conçoive les
artistes contemporains au regard des phénomènes du XXe siècle, ne peut être idéologiquement associée à la Commune de 1871. C’est un anachronisme et un mensonge.
Rémy Valat http://www.europemaxima.com/
Notes
1 : Alphonse Daudet, Les Contes du lundi, en
ligne à l’adresse :
2 : Cf. le compte rendu sur le site de Médiapart, http://blogs.mediapart.fr/blog/eric-pierre-michel/170611/commune-de-paris-1871
3
: Une intéressante documentation est disponible au Service historique
de la Défense, S.H.D., séries 4M, Li, Ly, 1H, 34 Yc, 5Ye, succession du
général Carrey de Bellemare, monographies des régiments de tirailleurs
algériens, etc. et aux Archives de Paris, A.D.P., série D.R.
4 : consultables aux archives du service historique de la Défense et aux Archives de Paris.
5 : Cf. A.D.P. D2R4 49-52 et S.H.D. Ly 94-96.
6 : Cf. en ligne à cette adresse : http://www.commune1871.org/?-Service-Historique-de-la-Defense
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