dimanche 15 septembre 2013

L’« année terrible » des Turcos : le mythe et la réalité par Rémy VALAT

Le 19 juillet 1870, la France déclarait la guerre à la Prusse et ses alliés. En quelques mois, c’est la défaite. Cet épisode, pourtant illustré par des pages glorieuses, fait pale figure entre le « faste » des conquêtes napoléoniennes et la dureté de la Première Guerre mondiale. Oubliés, les combattants sans visages de cette guerre. Parmi eux les tirailleurs algériens qui comptent : mille neuf cent cinq tués et blessés sur les deux mille huit cent dix comptabilisés entre 1842 et 1882. La guerre de 1870 – 1871 sera l’occasion pour une minorité de tirailleurs de vouloir s’installer en France. C’est le début d’une immigration, de combattants – qui comme plus tard les harkis - étaient attachés à la France. Mais, cette héroïque contribution a fait l’objet d’instrumentalisations politiques… Le mythe n’est pas l’histoire : les archives en apportent la preuve…
La conquête coloniale et les premières formations de tirailleurs algériens  (1830 – 1870)
L’exotisme du recrutement et de l’uniforme des troupes coloniales suscita au XIXe siècle l’engouement de la fine fleur de la peinture et de la littérature française, qu’ils appartiennent ou non à la vague orientaliste (Alphonse Daudet, Delacroix, Henri Philippoteaux – qui accompagne Louis-Philippe, duc d’Orléans, lors de l’expédition dans la région de Médéa en avril-mai 1840 – Vincent Van Gogh, Horace Vernet, etc.). Cette mode traverse même l’Atlantique, puisque les armées américaines de la Guerre civile (1861 – 1865) mettent sur pieds des régiments de zouaves. En France, l’histoire des tirailleurs est consubstantielle à la conquête du sol algérien. Très tôt, le général Clauzel, commandant le corps expéditionnaire, recrute illégalement des hommes de la tribu des Zouaouas (à l’origine par altération du nom commun attribué aux soldats des régiments de « zouaves ») pour former deux bataillons (1er octobre 1830). Le gouvernement français mis devant le fait accompli, entérina cette initiative par la loi du 9 mars 1831 et autorisa la formation de corps – essentiellement d’infanterie – de recrutement local et d’étrangers (Légion étrangère) à l’extérieur du territoire national.
Malgré un faible attrait des indigènes pour ces formations, le commandement français en Algérie parvint à maintenir l’activité de deux, puis de trois bataillons, en y associant des recrues de souche européenne. Le 11 novembre 1837, ces trois formations sont officiellement amalgamées au sein d’un « corps des zouaves ». Cependant, la dureté du conflit – notamment les razzias des troupes d’Abdelkader – favorise les ralliements individuels ou collectifs d’autochtones, mais aussi de métis arabo-turcs et de Turcs. La présence de ces recrues expliquerait le nom de « Turcos » donné progressivement aux zouaves et aux tirailleurs algériens. Ces formations locales, dont les effectifs sont augmentés en 1840, seront officiellement intégrées l’année suivante dans trois bataillons (1841), puis trois régiments de tirailleurs algériens (1855). La préférence se porta rapidement sur une incorporation séparée des recrues locales et métropolitaines, mais le manque chronique de volontaires aptes obligea l’armée française à la mixité. Depuis lors, les bataillons de tirailleurs seront de recrutement indigène, et ceux de zouaves, mixte, voire métropolitain.
Au sein de ces unités, les chances de promotion des autochtones sont certes réduites, mais contrairement aux idées reçues (véhiculées notamment par le film Indigènes où un des personnages ne peut obtenir de l’avancement, sous-entendu parce qu’il est Algérien) – des hommes ont pu exercer des fonctions d’encadrement (l’article 3 de ordonnance du 7 décembre 1841 autorise les indigènes d’occuper les grades de sergents, caporaux, clairons et pour moitié, les grades de lieutenant et de sous-lieutenant). La promotion des officiers de recrutement local se fait au choix indépendamment des règles d’avancement de l’armée française (art. 9). Sur la recommandation de leurs chefs de bataillon, des Algériens ont pu s’élever dans la hiérarchie militaire, sans qu’il leur soit toutefois possible, au XIXe siècle, de dépasser le grade de capitaine (ordonnance du 31 octobre 1848). La maîtrise du français oral et écrit était un barrage, mais restait une nécessité : toutes les armées modernes s’appuient sur des cadres instruits pour la gestion quotidienne de leurs unités. C’est pourquoi, les « Français de souche » étaient affectés de préférence à l’encadrement (la majorité des officiers et des sous-officiers) ou à des fonctions annexes de logistique et de soutien (muletiers, infirmiers, armuriers).
Après des débuts difficiles, le nombre des unités augmente significativement pour répondre aux besoins de l’armée française impliquée sur différents théâtres d’opérations. Elles participèrent à la conquête de l’Algérie aux côtés de l’armée régulière et seront déployées sur d’autres théâtres d’opérations (Crimée, Sénégal, Mexique). Les tirailleurs ont été engagés dans de fréquentes opérations de contre-guérilla en Kabylie et ont été associés aux colonnes mobiles partant des villes-dépôts et ravitaillant les postes isolés. Les « Turcos » ont aussi été mobilisés pour des travaux de génie civil ou militaire.
« L’Année Terrible »
La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Les unités de tirailleurs quittent leurs garnisons, s’embarquent pour Marseille ou Toulon, puis sont acheminés par trains jusqu’à leur point de ralliement : Starsbourg. À Lyon, l’accueil qui leur est réservé est enthousiaste : les hommes du 3e régiment reçoivent de la population en liesse de copieuses rations de nourritures et de vin. Les hommes sont affamés et tombent rapidement malades, tandis que d’autres – sous l’emprise de l’alcool – versent dans l’indiscipline.
Les tirailleurs participent à la bataille de Woerth, le premier engagement majeur avec l’armée prussienne (6 août 1870). Les Turcos – qui combattent aux côtés des zouaves du 1er régiment – luttent par le feu et la baïonnette avec un courage et un acharnement exemplaires. Dans ces circonstances, les pertes sont importantes, même parmi les officiers : le 2e régiment perd 815 tués (dont 15 officiers) et 821 blessés (dont 21 officiers), soit un total de 1 636 combattants mis hors de combat sur les 1 905 recensées sur toute la période du conflit (le régiment totalisera 910 hommes de troupe et 16 officiers tués). Après un regroupement à Saverne, les Turcos en déroute se replient avec le reste de l’armée impériale vers Lunéville, Neufchâteau, et Châlons (15 août). Les survivants des régiments de tirailleurs sont reconstitués en bataillons provisoires. L’un d’entre eux, complété par une centaine d’hommes et d’officiers venus d’Algérie, se reforme à Paris avant de rejoindre l’armée de la Loire. Un autre, improvisé après la bataille de Woerth, marche sur Metz, puis se replie sur Sedan.
Le 7 septembre, cinq jours après la capitulation de Napoléon III, les hommes de troupes sont séparés de leurs officiers et envoyés en détention en Allemagne. Les Algériens prisonniers ont mal vécu la captivité, en raison du froid, des maladies, de la brutalité et des vexations des gardiens. Seuls quelques tirailleurs parviennent à prendre la fuite en franchissant la Meuse à la nage. Ces évadés continuent le combat, certains défendent Phalsbourg assiégé. Les combattants qui n’ont pas marché sur Sedan rejoignent isolément ou par petits groupes des positions défensives de l’armée en déroute. Des Turcos se retrouvent à Strasbourg, à Bitche et Verdun. D’autres  s’agrègent à des régiments d’infanterie de ligne ou à des unités de circonstance. Bon nombre de tirailleurs vont de bataillon en bataillon, de ville en ville et la plupart décèdent des suites de leurs blessures.
On retrouve des tirailleurs algériens au siège de Paris. Les quelques Turcos qui ont réussi péniblement à atteindre la ville s’y trouvent par le fruit du hasard. Une compagnie improvisée de tirailleurs est amalgamée à deux compagnies de zouaves et à deux compagnies de chasseurs à pied et forment le 4e bataillon du 28e régiment de marche (28e R.M.), commandé par le lieutenant-colonel Le Mains (8 septembre 1870). Ces compagnies sont rassemblées au Louvre puis de se rendent à Saint-Denis sous l’autorité du général de brigade de Bellemare (la brigade passera au 14e corps d’armée). Le 28e R.M. remplit des fonctions défensives statiques : il tient des postes à Épinay, au château de Villetaneuse, à Pierrefitte, au moulin de Stains, sur la butte Pinçon et à Stains. Par décret du 20 novembre 1870, le 4e bataillon est supprimé; les deux compagnies de chasseurs passent au 21e et au 22e bataillon de nouvelle formation; les deux compagnies de zouaves et la compagnie de tirailleurs algériens passent au 4e zouaves. Ce régiment rassemble des zouaves en fuite arrivés à Paris, puis à Saint-Cloud, le 5 septembre. Les officiers, venus pour la plupart d’unités éparses, peinent alors à organiser l’unité et à y maintenir la discipline. L’unité est envoyée momentanément à la caserne de la Pépinière (15 septembre) avant d’être positionnée sur les lignes avancées de défense (notamment à Nanterre) où il participe à des combats d’avant-postes et à la bataille de La Malmaison (21 octobre 1870). Le 10 novembre, le régiment, qui compte environ cent Algériens,  est affecté à la 2e armée, 3e corps, 1re division, 1re brigade. Le lendemain, le lieutenant-colonel Méric remplace le colonel Fournis à sa tête.
Le 28 novembre, le régiment reçoit l’ordre de départ pour une offensive – que l’on espère décisive – pour dégager la ville frappée de pénurie alimentaire, et rejoindre l’armée de la Loire que l’on croit victorieuse et en marche sur Paris. L’attaque se porte vers l’Est, à Champigny : le plan prévoyait de rejoindre l’armée de la Loire par Fontainebleau, via Meaux et la Brie. Les soldats font une série de marches et de contre-marches en raison de la crue soudaine de la Marne (29 novembre). Le lendemain et pendant quatre jours, c’est la bataille de Villiers-Champigny. Fidèles à la tradition de l’armée d’Afrique, les zouaves se battent comme des lions, malgré un froid très vif, et chargent à la baïonnette. Ils  contribuent à la prise du plateau d’Avron, le 30 novembre. Un groupe d’irréductibles reprend à l’ennemi des pièces de huit livres abandonnées par des artilleurs du 2e corps et font une trentaine de prisonniers. Le lendemain, les combats cessent : les belligérants instaurent une trêve tacite pour relever leurs blessés et leurs morts. Après deux jours de combats, le froid — qui atteint – 14° — sonne le glas de l’offensive : l’armée de Paris se retire. Le 4e R.Z. a perdu vingt-deux officiers et cinq cent trente-quatre hommes de troupe. La 1re brigade compte à elle seule neuf cents hommes mis hors de combat dont deux cents morts. Affaibli, le régiment rejoint Nogent. Les zouaves souffrent du froid et de la pénurie alimentaire et participent à des missions de reconnaissance autour du plateau d’Avron, Rosny, Montreuil (20 décembre 1870 – 18 janvier 1871).
Le 19 janvier, tout espoir d’aide extérieure s’évanouit. L’armée française du Nord, en marche vers Paris, est battue à Saint-Quentin. Quant à l’armée de l’Est, qui marche sur Belfort avec l’intention de couper ensuite les communications des Allemands, elle est arrêtée le 17 à Héricourt. L’armée de Paris tente une ultime sortie, celle de la dernière chance, pour ouvrir une voie vers Versailles. L’attaque, menée sur trois fronts, est mal concertée. Après l’éphémère prise de la redoute de Montretout et du château de Buzenval, l’armée française commence à ployer vers 16 heures sous le poids de la contre-attaque prussienne. Les zouaves  sont intégrés à la colonne centrale, forte de cinq régiments de ligne, dix-sept bataillons de mobile et huit régiments de la Garde nationale, qui monte sur les positions prussiennes à l’Est du château de la Bergerie. Une demi-heure après le début de l’offensive (19 heures 30), la brigade Fournès du général de Bellemare parvient sur la crête de la Bergerie, s’empare de la maison dite du Curé et pénètre par une brèche dans le parc prêtes à attaquer la maison Craon, le 109e régiment d’infanterie s’empare du château (Montretout). La nuit tombant et la confusion régnant après l’échec de la riposte française, le général Trochu ordonne la retraite. Les troupes françaises comptent quatre mille soixante-dix hommes hors de combat. Le 4e régiment de zouaves perd seize officiers (six tués, dix blessés), deux cent trente hommes de troupes (seize tués, quatre-vingt-douze blessés, cent vingt-deux disparus), soit un total des pertes de deux cent quarante-six combattants. Le corps de Bellemare a perdu deux mille deux cent un hommes. Après la bataille, le régiment stationne autour de Rosny et de Montreuil (5 – 18 janvier), à Courbevoie (20 – 21 janvier), puis à Montreuil (25 janvier). L’armistice surprend le 4e régiment de zouaves à Paris. Son tribut est estimé à quatre-vingt-quatorze tués, quatre cent soixante-un blessés et deux cent soixante-huit disparus (autant dire tués). Le conflit franco-allemand est quasiment effacé de la conscience collective nationale.
Le mythe du Turco communard : une délinquance de droit commun plutôt que politique
Alphonse Daudet, également séduit par l’exotisme des troupes coloniales, a véhiculé le mythe du « Turco de la Commune » dans son recueil de nouvelles, fortement patriotique mais hostile à la révolution parisienne, les Contes du lundi (1). Extrait du « Turco de la Commune » : « Tout à coup, la barricade se tut. […] C’est la ligne qui arriva ! Dans le bruit sourd du pas de charge, les officiers criaient : “ Rendez-vous ! ” […] On l’entoure, on le bouscule. “ Fais voir ton fusil. ”  Son fusil était encore chaud. “ Fais voir tes mains. ” Ses mains étaient encore noires de poudre. Et le Turco les montrait fièrement, toujours avec son bon rire. Alors on le pousse contre un mur, et vlan ! Il est mort sans avoir rien compris. » L’auteur soulignant ici la « naïveté » de ce soldat qui paraît s’être engagé dans une aventure politique sans lendemain, dont il ne comprenait pas les motivations. La thématique du patriotisme et du Turco empreint les Contes. Une autre nouvelle intitulée « Le mauvais zouave » relate l’histoire d’un engagé alsacien qui rejoint la forge paternelle après la guerre de 1870 – 1871, acceptant délibérément de se placer sous la tutelle allemande. Par dépit son père, fervent patriote,  s’engage en lieu et place de son enfant au 3e régiment de zouaves.
Cet écrit soulève la question de la présence des Algériens du côté des fédérés ? D’autant que plus récemment, dans un roman intitulé Pacifique, Éric Michel reprend l’histoire à son compte : « Sid Ahmed est grand, taiseux comme un ossuaire et sec comme un cotret. De ses gestes harmonieux et lents se dégage une grâce, pourtant quand il marche, il claudique. Ancien berger il était du 1er Tirailleurs algériens. Il a combattu à un contre vingt sous le général Douai pour conserver Wissembourg, c’est là qu’il a été blessé. Présent encore en première ligne pour la défense de Paris, ce coriace a rallié la Commune avec une poignée d’Algériens réfractaires (2) ». De même,  Peter Watkins met en scène un Turco dans son film militant La Commune pour faire le lien entre la lutte des classes et anticolonialisme…
Mais tout ceci est et restera une légende, de la littérature et du cinéma…
Faisons place aux archives (3). Certes, il exista une formation de francs-tireurs, les « Turcos de la Commune », mais celle-ci, comme toutes les autres unités, était de recrutement français et européen. Les rôles des compagnies de francs-tireurs (4), lorsqu’ils n’ont pas disparus, ne contiennent aucun nom d’origine arabo-kabyle, et surtout, tous les citoyens enregistrés sont domiciliés à Paris (5). De même, aucun Algérien ne figure sur les listes des volontaires de l’armée de Versailles. Des Turcos auraient-ils pu participer individuellement à l’insurrection, s’échapper de Paris ou bien mourir sur les barricades ? L’hypothèse de la fuite est difficilement envisageable, car les tirailleurs algériens ne sont pas intégrés à la société française, ne disposent pas d’un réseau de soutien suffisant pour assurer leur évasion et sont sévèrement encadrés. Si cela avait été le cas, comme dans la nouvelle de Daudet, ces hommes auraient été tôt ou tard capturés, jugés et passés par les armes. Celle de la mort au combat serait la plus probable, puisque les tirailleurs portent un uniforme de l’armée régulière les distinguant des gardes nationaux fédérés. Pris en flagrant délit, les armes à la main, ils auraient été pour ce motif tués sur place par les troupes gouvernementales, comme Kadour ou les anciens « lignards » abattus pendant la « Semaine sanglante ». De plus, un combattant des troupes coloniales serait difficilement passé inaperçu, son arrestation aurait fait l’objet d’un rapport… Précisément, des Algériens ont-ils été arrêtés, jugés par les conseils de guerre et condamnés à un non lieu ? La destruction d’une grande partie des dossiers de non-lieux ne permet pas de répondre fermement à cette interrogation, mais il a fort à parier qu’un ancien militaire ayant rejoint les rangs de la Commune n’aurait certainement pas bénéficier d’un non-lieu… La consultation des fonds, complets, des dossiers de conseils de guerre à charge contre les Communards (série 8J) ne comporte aucun nom d’Afrique du Nord (6). Les seuls dossiers impliquant des tirailleurs algériens recouvre la période du premier siège  concernent des actes d’indiscipline (absences illégales, insultes à gradés, alcoolisme, refus de service). Les Algériens, peu nombreux à Paris, sont rarement mis en cause, bien que trois d’entre-eux soient passés devant un conseil de guerre pour le vol d’une montre en or (dossier Kouider Ben Mohamed, Scherif Kadder et Adda Ben Sadhoun, 3e conseil n° 25). Les Turcos fréquentent cependant les lieux de sociabilité de la capitale et prennent probablement, comme les autres combattants, leurs habitudes dans les cafés.
En définitive, il semblerait plutôt que ces hommes – sans attaches en France – aient été obligés de suivre leur régiment. D’ailleurs, l’unité quitte Paris au complet (Il compte cinquante-deux officiers et mille six cent soixante-huit hommes) et après avoir été désarmée (15 mars 1871) et arrive rapidement en Algérie (à Bône le 23 mars et Alger le 24 mars, soit la première semaine de la Commune). Enfin et surtout, aucune désertion – en cette période de contrôle étroit des troupes -  n’est signalée dans les archives du régiment. Ce qui explique l’absence totale de trace de leur présence à Paris entre le 18 mars et le 28 mai 1871.
Ces hommes n’ayant pas connu l’éveil politique et n’ayant pas de  réelle conscience de classe, n’ont pu participer à la Commune. La barrière de la langue, comme le contrôle militaire, expliquerait cette absence d’engagement. Si des Algériens n’ont pu être retrouvés dans les rangs de la Commune, des zouaves d’origine française ont été incorporés dans les corps de francs-tireurs, réputés pour être des unités fortement politisées (LY 94). Au contraire, à l’instar des gardes nationaux mobiles en juin 1848, les Turcos combattront leurs « frères » en Algérie, lors de l’insurrection kabyle au printemps 1871.
Il faut bien distinguer histoire et mythes politiques. Les Communards non français étaient principalement de souche européenne. Enfin, rappelons que des Communards parisiens et narbonnais, avec notamment Charles Amouroux, s’organiseront en une « compagnie franche » et prendront les armes contre les Canaques insurgés pour la défense, selon ses dires, la « race blanche ». La lutte anticoloniale, telle que la conçoive les artistes contemporains au regard des phénomènes du XXe siècle, ne peut être idéologiquement associée à la Commune de 1871. C’est un anachronisme et un mensonge.
Notes
1 : Alphonse Daudet, Les Contes du lundi, en ligne à l’adresse :
2 : Cf. le compte rendu sur le site de Médiapart, http://blogs.mediapart.fr/blog/eric-pierre-michel/170611/commune-de-paris-1871
3 : Une intéressante documentation est disponible au Service historique de la Défense, S.H.D., séries 4M, Li, Ly, 1H, 34 Yc, 5Ye, succession du général Carrey de Bellemare, monographies des régiments de tirailleurs algériens, etc. et aux Archives de Paris, A.D.P., série D.R.
4 : consultables aux archives du service historique de la Défense et aux Archives de Paris.
5 : Cf. A.D.P. D2R4 49-52 et S.H.D. Ly 94-96.

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