La dernière biographie de Maurras fut celle, fort estimable et utile, d’Yves Chiron. L’ouvrage magistral de Pierre Boutang, Maurras, la destinée et l’œuvre,
enfermait nombre d’éléments biographiques (la destinée), mais
relevait somme toute d’avantage d’un dialogue, pour l’essentiel
philosophique, et d’une grande profondeur, avec Boutang, lequel
n’était pas moins le sujet du livre, donc, que d'un livre sur le seul
Maurras. Il existait nombre de travaux très précieux mais ils pouvaient
dater (comme ceux de Henri Massis, de Léon S. Roudiez, de Jacques
Paugam, de Jean Madiran, de Victor Nguyen, etc.) ou n'être plus
disponibles ; le plus récent celui de Bruno Goyet se fondait sur une
thèse qui se voulait ingénieuse alors qu’elle n’était que sotte et
gratuite.
Manquait donc l’ouvrage fondamental, qui fût de référence. Il nous semble qu’avec celui de Stéphane Giocanti, nous le tenons enfin. Deux raisons l’expliquent : d’une part les qualités naturelles de l’auteur : intelligence, perspicacité, sensibilité de cœur, honnêteté le tout servi par un style sobre et sans préciosité ; de l’autre, celles que cette bonne nature lui ont permis d’acquérir : une grande culture, l’exactitude de l’information, l’art d’introduire les textes les plus significatifs (et qui, le plus souvent inédits ou inconnus, rendent le livre particulièrement précieux). Ajoutons, pour ce qui est des passages portant sur l’Histoire, l’existence d’une rare maîtrise et intelligence - encore ! - des époques qu’il sait fort bien mettre en perspective, comme il faut absolument quand on veut apprécier l’œuvre politique de Maurras. Il n’en demeura pas moins vrai, ainsi qu'il est inévitable sur un tel sujet, que certaines assertions de l’auteur se seront pas reçues de tous (cf. infra) et sont discutables en effet : mais ses jugements sont toujours bien argumentés, prudents, modérés et finalement iréniques ; surtout, par un scrupule très caractéristique de sa démarche, ils s’accompagnent de tous les attendus qui peuvent fonder des sentiments différents ou même contraires aux siens.
Une belle âme
Si je devais résumer d’un mot l’impression globale que suscite cet ouvrage, c’est celle d’une admiration profonde pour son héros, Charles Maurras : pour sa droiture, son désintéressement et son intelligence politique, pour son génie d’écrivain et de journaliste, pour ses qualités humaines au premier rang desquelles se trouve son sens de l’amitié, pour sa belle âme enfin - si peu tiède, au sens de l’Évangile. Je ne crois pas quil sera possible à un lecteur trempé au préjugé commun, lequel avilit sa mémoire depuis tant d’années, d’y demeurer, le livre achevé (et notamment après avoir lu le si beau sous-chapitre sur Maurras intime, pp. 334 et suiv.). Et tel sera sans doute la fonction providentielle de ce livre qui, découvrant un homme vrai, se trouvera aussi disponible pour entendre ses bonnes raisons quant à la pertinence du rétablissement de la monarchie pour la France. Quant aux disciples et amis - petite troupe fidèle - ils y trouveront de nouvelles raisons de reconnaissance, accompagnées, il est vrai, de quelques interrogations auxquelles ils auront à cœur de répondre après analyse.
L’Introduction met bien en exergue les problèmes particuliers qui se posent au biographe de Maurras, confronté à un « festival de contresens chez des commentateurs qui ne prennent pas le temps de le lire » (p. 15). Un des problèmes majeurs est celui de la « complexité » (autre nom de la richesse) d’un homme surdoué dans tant de domaines : « Existe-t-il plusieurs Maurras ? » (p. 13) : le poète, le journaliste, l'homme politique, etc. Au final, Giocanti montre bien l’évidente unité de son héros. Il souligne encore la volonté héroïque de Maurras de faire triompher la beauté de l'« ordre » salutaire et tutélaire sur le « chaos » qui, incessamment menace ou brûle le capital miraculeux de la Civilisation (cf. le sous-titre). Son « drame », s'interroge-t-il, n’aura-t-il pas été dès lors d’avoir été parfois un agent du désordre : « Le chantre de l’ordre a participé à des désordres théoriques (allusion de l’auteur à l’antisémitisme) et pratiques (le soutien au statut des Juifs et l’absence de « lucidité » - qu’explique largement un cruel défaut d’information - sur la réalité géopolitique et même la situation réelle de Vichy à partir de 1942) : à côté des réussites, on lit des catastrophes. Non loin des cadences qui plaisent, on découvre des polémiques bornées. Il est arrivé à cet amant de la lumière de chuter dans des obscurités et de nourrir le chaos auquel il voulait échapper » (ibid). Que le lecteur se rassure : se trouve ici exprimée la limite d’un soupçon cruel mais aussi nécessaire (pour soi-même comme pour la propagande) ; « Il est arrivé…. » écrit Giocanti : c’est donc que l’essentiel est sauf, ô combien, et salvateur !
Le philosophe
Il ne nous est pas loisible de rendre compte de l’ouvrage en détail. Notons-en quelques aspects à notre avis essentiels. La première partie, « Les secrets du soleil », évoque l’enfance et l’adolescence de Maurras à commencer par la trace laissée par la défaite de 1870, la perte dramatique du sens de louïe que suit, en conséquence directe, celui de la foi - sensus fidei - ; il se conclut très intelligemment par une réflexion sur la qualité de philosophe de Maurras : on peut en effet s’interroger si, le roi régnant, la philosophie n’aurait pas été sa vocation profonde, tant son influence sur lui fut grande.
La seconde partie, « Une année d’arcs de triomphe », relate et analyse les débuts littéraires de Maurras, vite reconnu et admiré pour son génie éclatant. Elle est l’occasion pour Giocanti d’introduire ce sujet qu’il connaît si bien, auquel il a d’ailleurs déjà consacré thèse et livre : « Maurras félibre ». Cet aspect est dautant plus important que, dans une très large mesure, le royalisme de Maurras en procède à travers lidée fédéraliste ; or ce royalisme n’est pas (contrairement à la légende) un étatisme à tout crin. Comme l’écrira Louis-Xavier de Ricard, socialiste félibre « inspiré de Proudhon et d’Edgar Quinet » dans La Dépêche de Toulouse du 4 juillet 1892 : « Maurras abhorre la conception d’un État universel, absolu, inquisitorial, maître de tous et de tout » (p. 109).
La troisième partie, « Le temps des définitions » débute ainsi : « Les années 1894-95 correspondent à un tournant majeur dans la destinée de Maurras. Poursuivant son activité de félibre, il constate peu à peu l’insuffisance du fédéralisme au sein du Félibrige, et traite de plus en plus ce thème sur le plan national » (p. 127). S’opère ici le passage vers la grande politique maurrassienne, laquelle s’imposera d’autant plus nécessaire que le pays se trouvera confronté à la « fracture » calamiteuse occasionnée par l’Affaire Dreyfus.
La quatrième partie aborde notamment l’Enquête sur la monarchie et Anthinéa dont le retentissement fut, dans les deux cas, immense. L’un des grands mérites du livre de Giocanti est de mesurer l'écho remarquable de l’œuvre et, bientôt, de l’action politique de Maurras (c'est-à-dire de l’Action française). Ce dernier était véritablement une des plus grandes figures de son époque : reconnu tant pour sa pensée que pour son œuvre proprement littéraire. Connaissant tout ce qui se faisait ou se publiait, en relation avec ceux qui pouvaient compter, on pourrait dire, à la moderne, que Maurras était en dialogue (et saine confrontation) avec son temps et, par là même, un extraordinaire témoin de ce dernier.
Quelques problèmes lancinants
Les quatre dernières parties recouvrent la partie de la vie de Maurras la mieux connue. Aussi ne les considérerons-nous pas. Selon lopinion de Giocanti, ce n’est pas la plus féconde sur le plan de la pensée (théorie), ni la plus heureuse politiquement parfois (mais que de services rendus à la France à commencer par ses mises en garde contre le danger hitlérien !). Nous les laisserons donc de côté pour conclure sur deux problèmes qui, de façon lancinante, font difficulté et où les analyses de Giocanti seront les plus discutées.
La première concerne la condamnation ecclésiastique de 1926. Giocanti dit l’essentiel, et montre bien la crise morale insupportable que l’« Église de l’ordre » qui provoqua en l’occurrence un beau et bien triste désordre fit cruellement subir à nombre de catholiques français : ceux « qui liront L’Action française seront en effet privés d’eucharistie, d’absolution et d’extrême-onction » (p. 327). Giocanti juge « catastrophique » et une « formidable erreur tactique » (ibid) le Non possumus, des catholiques de l’Action française, quoique Maurras ne l’ait pas signé lui-même. On pourrait penser tout au contraire qu’il était tout à l’honneur de ces derniers, et nécessaire !
La seconde porte sur l’antisémitisme sur lequel Giocanti revient souvent, bien obligé. C’est lui qui fut assurément une « catastrophe » ; car si Rome est revenue sur sa condamnation, il y a guère de chance que l’antisémitisme « d’État » de Maurras, même non raciste, soit jamais accepté. Giocanti ne croit guère aux raisons de la théorie, qui se justifie notamment dans la lecture attentive (mais non critique et trop exclusive) de Bernard Lazare. Il décèle dans une « xénophobie » son vrai principe. Pour y avoir travaillé, je pense que cette hypothèse est en effet sérieuse : trop de textes l’attestent. Maurras n’aimait pas les Juifs avant de sen méfier pour leur influence réputée mauvaise. C’est ainsi. Hélas, ce ne fut pas sans conséquence - pour eux comme pour nous… Il est fort regrettable que ce grand livre qui, encore une fois, fait tant aimer Maurras et ressortir son immense importance pour que la France ait un avenir, s’achève sur une phrase hostile à l’Action française : « À l’orée du XXIe siècle, ce n’est pas par l’Action française que Maurras manifeste sa présence, rangée qu’elle est parmi les objets de l’Histoire : c’est son œuvre, littéraire et politique, qui constitue son legs positif, offert à la liberté des lecteurs » (p. 506). Mais qui diffuse la pensée de Maurras et la fait connaître ? Qui forme des jeunes - en toute liberté, y compris celle de la quitter - à son intelligence, si ce n’est l’Action française d’aujourdhui, avec son journal et ses cercles d’études ? Giocanti même ne lui devrait-il pas quelque chose ? Il est douteux que son seul livre, aussi remarquable et utile soit-il pour renouveler la connaissance de Maurras suffise à le rendre présent. Il est improbable en tout cas que ce dernier eût goûté qu’on attaquât inutilement ses amis fidèles et loyaux.
Francis Venant L’Action Française 2000 du 5 au 18 octobre 2006
* Stéphane Giocanti : Maurras. Le chaos et lordre, Éd Flammarion, 2006, 27 euros.
Manquait donc l’ouvrage fondamental, qui fût de référence. Il nous semble qu’avec celui de Stéphane Giocanti, nous le tenons enfin. Deux raisons l’expliquent : d’une part les qualités naturelles de l’auteur : intelligence, perspicacité, sensibilité de cœur, honnêteté le tout servi par un style sobre et sans préciosité ; de l’autre, celles que cette bonne nature lui ont permis d’acquérir : une grande culture, l’exactitude de l’information, l’art d’introduire les textes les plus significatifs (et qui, le plus souvent inédits ou inconnus, rendent le livre particulièrement précieux). Ajoutons, pour ce qui est des passages portant sur l’Histoire, l’existence d’une rare maîtrise et intelligence - encore ! - des époques qu’il sait fort bien mettre en perspective, comme il faut absolument quand on veut apprécier l’œuvre politique de Maurras. Il n’en demeura pas moins vrai, ainsi qu'il est inévitable sur un tel sujet, que certaines assertions de l’auteur se seront pas reçues de tous (cf. infra) et sont discutables en effet : mais ses jugements sont toujours bien argumentés, prudents, modérés et finalement iréniques ; surtout, par un scrupule très caractéristique de sa démarche, ils s’accompagnent de tous les attendus qui peuvent fonder des sentiments différents ou même contraires aux siens.
Une belle âme
Si je devais résumer d’un mot l’impression globale que suscite cet ouvrage, c’est celle d’une admiration profonde pour son héros, Charles Maurras : pour sa droiture, son désintéressement et son intelligence politique, pour son génie d’écrivain et de journaliste, pour ses qualités humaines au premier rang desquelles se trouve son sens de l’amitié, pour sa belle âme enfin - si peu tiède, au sens de l’Évangile. Je ne crois pas quil sera possible à un lecteur trempé au préjugé commun, lequel avilit sa mémoire depuis tant d’années, d’y demeurer, le livre achevé (et notamment après avoir lu le si beau sous-chapitre sur Maurras intime, pp. 334 et suiv.). Et tel sera sans doute la fonction providentielle de ce livre qui, découvrant un homme vrai, se trouvera aussi disponible pour entendre ses bonnes raisons quant à la pertinence du rétablissement de la monarchie pour la France. Quant aux disciples et amis - petite troupe fidèle - ils y trouveront de nouvelles raisons de reconnaissance, accompagnées, il est vrai, de quelques interrogations auxquelles ils auront à cœur de répondre après analyse.
L’Introduction met bien en exergue les problèmes particuliers qui se posent au biographe de Maurras, confronté à un « festival de contresens chez des commentateurs qui ne prennent pas le temps de le lire » (p. 15). Un des problèmes majeurs est celui de la « complexité » (autre nom de la richesse) d’un homme surdoué dans tant de domaines : « Existe-t-il plusieurs Maurras ? » (p. 13) : le poète, le journaliste, l'homme politique, etc. Au final, Giocanti montre bien l’évidente unité de son héros. Il souligne encore la volonté héroïque de Maurras de faire triompher la beauté de l'« ordre » salutaire et tutélaire sur le « chaos » qui, incessamment menace ou brûle le capital miraculeux de la Civilisation (cf. le sous-titre). Son « drame », s'interroge-t-il, n’aura-t-il pas été dès lors d’avoir été parfois un agent du désordre : « Le chantre de l’ordre a participé à des désordres théoriques (allusion de l’auteur à l’antisémitisme) et pratiques (le soutien au statut des Juifs et l’absence de « lucidité » - qu’explique largement un cruel défaut d’information - sur la réalité géopolitique et même la situation réelle de Vichy à partir de 1942) : à côté des réussites, on lit des catastrophes. Non loin des cadences qui plaisent, on découvre des polémiques bornées. Il est arrivé à cet amant de la lumière de chuter dans des obscurités et de nourrir le chaos auquel il voulait échapper » (ibid). Que le lecteur se rassure : se trouve ici exprimée la limite d’un soupçon cruel mais aussi nécessaire (pour soi-même comme pour la propagande) ; « Il est arrivé…. » écrit Giocanti : c’est donc que l’essentiel est sauf, ô combien, et salvateur !
Le philosophe
Il ne nous est pas loisible de rendre compte de l’ouvrage en détail. Notons-en quelques aspects à notre avis essentiels. La première partie, « Les secrets du soleil », évoque l’enfance et l’adolescence de Maurras à commencer par la trace laissée par la défaite de 1870, la perte dramatique du sens de louïe que suit, en conséquence directe, celui de la foi - sensus fidei - ; il se conclut très intelligemment par une réflexion sur la qualité de philosophe de Maurras : on peut en effet s’interroger si, le roi régnant, la philosophie n’aurait pas été sa vocation profonde, tant son influence sur lui fut grande.
La seconde partie, « Une année d’arcs de triomphe », relate et analyse les débuts littéraires de Maurras, vite reconnu et admiré pour son génie éclatant. Elle est l’occasion pour Giocanti d’introduire ce sujet qu’il connaît si bien, auquel il a d’ailleurs déjà consacré thèse et livre : « Maurras félibre ». Cet aspect est dautant plus important que, dans une très large mesure, le royalisme de Maurras en procède à travers lidée fédéraliste ; or ce royalisme n’est pas (contrairement à la légende) un étatisme à tout crin. Comme l’écrira Louis-Xavier de Ricard, socialiste félibre « inspiré de Proudhon et d’Edgar Quinet » dans La Dépêche de Toulouse du 4 juillet 1892 : « Maurras abhorre la conception d’un État universel, absolu, inquisitorial, maître de tous et de tout » (p. 109).
La troisième partie, « Le temps des définitions » débute ainsi : « Les années 1894-95 correspondent à un tournant majeur dans la destinée de Maurras. Poursuivant son activité de félibre, il constate peu à peu l’insuffisance du fédéralisme au sein du Félibrige, et traite de plus en plus ce thème sur le plan national » (p. 127). S’opère ici le passage vers la grande politique maurrassienne, laquelle s’imposera d’autant plus nécessaire que le pays se trouvera confronté à la « fracture » calamiteuse occasionnée par l’Affaire Dreyfus.
La quatrième partie aborde notamment l’Enquête sur la monarchie et Anthinéa dont le retentissement fut, dans les deux cas, immense. L’un des grands mérites du livre de Giocanti est de mesurer l'écho remarquable de l’œuvre et, bientôt, de l’action politique de Maurras (c'est-à-dire de l’Action française). Ce dernier était véritablement une des plus grandes figures de son époque : reconnu tant pour sa pensée que pour son œuvre proprement littéraire. Connaissant tout ce qui se faisait ou se publiait, en relation avec ceux qui pouvaient compter, on pourrait dire, à la moderne, que Maurras était en dialogue (et saine confrontation) avec son temps et, par là même, un extraordinaire témoin de ce dernier.
Quelques problèmes lancinants
Les quatre dernières parties recouvrent la partie de la vie de Maurras la mieux connue. Aussi ne les considérerons-nous pas. Selon lopinion de Giocanti, ce n’est pas la plus féconde sur le plan de la pensée (théorie), ni la plus heureuse politiquement parfois (mais que de services rendus à la France à commencer par ses mises en garde contre le danger hitlérien !). Nous les laisserons donc de côté pour conclure sur deux problèmes qui, de façon lancinante, font difficulté et où les analyses de Giocanti seront les plus discutées.
La première concerne la condamnation ecclésiastique de 1926. Giocanti dit l’essentiel, et montre bien la crise morale insupportable que l’« Église de l’ordre » qui provoqua en l’occurrence un beau et bien triste désordre fit cruellement subir à nombre de catholiques français : ceux « qui liront L’Action française seront en effet privés d’eucharistie, d’absolution et d’extrême-onction » (p. 327). Giocanti juge « catastrophique » et une « formidable erreur tactique » (ibid) le Non possumus, des catholiques de l’Action française, quoique Maurras ne l’ait pas signé lui-même. On pourrait penser tout au contraire qu’il était tout à l’honneur de ces derniers, et nécessaire !
La seconde porte sur l’antisémitisme sur lequel Giocanti revient souvent, bien obligé. C’est lui qui fut assurément une « catastrophe » ; car si Rome est revenue sur sa condamnation, il y a guère de chance que l’antisémitisme « d’État » de Maurras, même non raciste, soit jamais accepté. Giocanti ne croit guère aux raisons de la théorie, qui se justifie notamment dans la lecture attentive (mais non critique et trop exclusive) de Bernard Lazare. Il décèle dans une « xénophobie » son vrai principe. Pour y avoir travaillé, je pense que cette hypothèse est en effet sérieuse : trop de textes l’attestent. Maurras n’aimait pas les Juifs avant de sen méfier pour leur influence réputée mauvaise. C’est ainsi. Hélas, ce ne fut pas sans conséquence - pour eux comme pour nous… Il est fort regrettable que ce grand livre qui, encore une fois, fait tant aimer Maurras et ressortir son immense importance pour que la France ait un avenir, s’achève sur une phrase hostile à l’Action française : « À l’orée du XXIe siècle, ce n’est pas par l’Action française que Maurras manifeste sa présence, rangée qu’elle est parmi les objets de l’Histoire : c’est son œuvre, littéraire et politique, qui constitue son legs positif, offert à la liberté des lecteurs » (p. 506). Mais qui diffuse la pensée de Maurras et la fait connaître ? Qui forme des jeunes - en toute liberté, y compris celle de la quitter - à son intelligence, si ce n’est l’Action française d’aujourdhui, avec son journal et ses cercles d’études ? Giocanti même ne lui devrait-il pas quelque chose ? Il est douteux que son seul livre, aussi remarquable et utile soit-il pour renouveler la connaissance de Maurras suffise à le rendre présent. Il est improbable en tout cas que ce dernier eût goûté qu’on attaquât inutilement ses amis fidèles et loyaux.
Francis Venant L’Action Française 2000 du 5 au 18 octobre 2006
* Stéphane Giocanti : Maurras. Le chaos et lordre, Éd Flammarion, 2006, 27 euros.
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