Autrefois étape majeure de la vie et socle de la société, le
mariage est une institution qui a fortement évolué au cours des siècles,
tant au niveau de sa signification que de la forme. Avant la
Révolution, la distinction entre mariage civil et religieux n’existait
pas puisque le mariage civil fut une invention républicaine. L’amour
n’avait pas encore de place centrale dans le choix du conjoint au profit
de motifs plus « matériels », les pères de famille ayant leur mot à
dire sur cette question importante. Quelle place était laissée à
l’amour ? Quel était le cheminement qui menait de la rencontre de jeunes
gens au mariage ? Quelle conception du mariage avait nos ancêtres ?
I. Mariages d’amour et de raison
Le conjoint n’était pas pris au hasard : le jeune
homme ou la jeune fille choisissait rarement son conjoint du fait du
poids du père et des contraintes sociales. L’Eglise interdisait les
unions jusqu’au 4e degré, mais des dispenses pouvaient être accordées
pour les 3e et 4e degrés, ce qui limitait fortement le nombre de
conjoints possibles dans le village ou ses alentours.
Dans les milieux aristocratiques et de la haute et moyenne
bourgeoisie, le chef de famille choisissait souvent ses belles filles et
beaux fils, et ne prenait rarement en compte les sentiments de
ses enfants. Il n’était chez eux pas question d’amour, on cherchait une
situation. Au XVIIIe siècle, Mme de La Fayette rapporte que le fils du
président du Parlement de Dijon demande à son père : « Est-il vrai, mon père, que vous me voulez marier à Mlle une telle ? – Mon fils, mêlez-vous de vos affaires. » !
L’homme devait avoir le consentement de ses parents jusqu’à 30 ans et la femme jusqu’à 25 ans (législation royale), mais même passé cet âge, la famille pouvait toujours s’opposer à l’union conjugale.
L’homme devait avoir le consentement de ses parents jusqu’à 30 ans et la femme jusqu’à 25 ans (législation royale), mais même passé cet âge, la famille pouvait toujours s’opposer à l’union conjugale.
En revanche, la liberté de choix était plus grande et l’amour davantage présent dans les masses paysannes et la plèbe urbaine
que dans la moyenne et haute bourgeoisie ou dans les milieux
aristocratiques. Quand le patrimoine familial ne se résumait à pas grand
chose, il y avait évidemment moins de raisons d’élaborer des stratégies
matrimoniales.
II. Rituels de l’amour
Il y avait de nombreux lieux où rencontrer son conjoint : à la messe,
à la foire, lors d’une veillée, d’une fête villageoise ou de travaux
des champs …
A l’époque il existait de multiples gestes ou rituels amoureux, différents selon les régions destinant à faire savoir à la fille qu’on voulait commencer une relation amoureuse. Rétif de la Bretonne, au XVIIIe, rapporte pour son village de Sacy en Bourgogne : « Dans le pays, l’usage, qui subsiste encore, est de piller les filles qui plaisent. Les garçons leur enlèvent tout ce qu’ils peuvent : leurs bouquets, leurs anneaux, leurs étuis, etc. » (La Vie de mon père, 1779). Cette pratique du larcin se retrouve dans d’autres localités françaises.
A l’époque il existait de multiples gestes ou rituels amoureux, différents selon les régions destinant à faire savoir à la fille qu’on voulait commencer une relation amoureuse. Rétif de la Bretonne, au XVIIIe, rapporte pour son village de Sacy en Bourgogne : « Dans le pays, l’usage, qui subsiste encore, est de piller les filles qui plaisent. Les garçons leur enlèvent tout ce qu’ils peuvent : leurs bouquets, leurs anneaux, leurs étuis, etc. » (La Vie de mon père, 1779). Cette pratique du larcin se retrouve dans d’autres localités françaises.
Dans le Béarn, le jeune homme jetait des petites pierres à la fille
pour exprimer son désir ; dans les Landes, les jeunes gens déclaraient
leur désir en se serrant la main durant une danse et confirmaient en se
frappant l’un l’autre ; dans le Gers, l’homme pouvait pincer le bras de
la jeune fille, et la fille donnait son accord en s’asseyant sur les
genoux du jeune homme. Parfois, on exprimait son désir à l’aide de
formules stéréotypées comme dans le marais de Monts en Vendée. Les
filles prononçaient cette formule : « Mé ton pé contre mon pé, mé dans ta main dans ma main et bisons-nous » et les garçons cette formule : « Mé ta langue dans ma goule, et dis-mé que tu m’aimes ». Mais dans tous les cas, pour aller plus loin, il fallait le consentement des parents.
III. Des accordailles au mariage
Le garçon ou un intermédiaire demandait au père de la fille
l’autorisation de l’épouser. Si le père acceptait, le jeune homme
pouvait fréquenter la maison de la fille convoitée. Venaient ensuite les
accordailles, cérémonie privée et laïque : le futur époux remettait un gage à la fille, souvent une bague. Le contrat de mariage
suivait (pas systématique au Nord de la Loire), fixant entre autres la
dot de la jeune fille et le douaire, c’est-à-dire les biens revenant à
la fille si jamais le mari venait à décéder avant elle. Les fiançailles pouvaient être alors célébrées.
Le mariage des filles constituait une charge financière importante
puisqu’il fallait que le père dote sa fille en fonction du niveau
social de l’homme convoité. Un ancien proverbe français dit : « La fille n’est là que pour enrichir les maisons étrangères ; qui a des filles à marier, lui faut de l’argent à planté ». Un proverbe du Sud-Ouest de la France dit « une fille, bonne fille ; deux filles, assez de filles ; trois filles, trop de filles », un proverbe savoyard explique que moins une paroisse a de filles, plus elle est riche, car l’argent y rentre et ne sort pas.
Ce problème de la dot pouvait faire reculer l’âge du mariage des
filles dans certaines familles puisqu’il fallait trouver l’argent. Le
père pouvait s’arranger pour marier d’abord le garçon le plus âgé puis
récupérer la dot amenée par la fille pour lui-même doter une ou
plusieurs de ses filles. C’est le mariage de l’aîné qui rapportait la
plus grande dot puisqu’il récupérait généralement l’exploitation ou
l’entreprise familiale à la mort des parents, donc se révélait «
matériellement » intéressant aux yeux des familles.
Une fois le contrat de mariage passé et les fiançailles célébrées pouvait venir le mariage.
IV. Le mariage
Depuis 1215 et le IVe concile du Latran, le mariage est un sacrement.
Il est indissoluble, le couple reste lié qu’à la mort. Il se fait donc à
l’église en présence d’un prêtre depuis 1215 alors qu’avant le XIIIe
siècle on se mariait à domicile, dans les foyers ! Les bans étaient
publiés plusieurs semaines à l’avance, trois bans sur trois semaines
depuis le XVIe siècle. Le mariage était un acte public, tout le monde
savait qu’untel allait épouser unetelle, et toute personne pouvait s’y
opposer. Les portes de l’église restaient ouvertes pendant la cérémonie,
sous peine que le mariage soit frappé de nullité.
Dans certaines régions, un certain nombre de coutumes étaient respectées :
en Bretagne, le futur marié simulait le rapt de la fiancée, la belle
famille lui courant après. Dans l’actuelle l’Ille-et-Vilaine, la mariée,
juste après la cérémonie, simulait une résistance à son époux, en se
sauvant ou en pleurant. Le mari lui courait après et la forçait à entrer
dans la maison conjugale après une lutte durant laquelle les habits
pouvaient être déchirés.
Un certain nombre de superstitions venaient se greffer à la cérémonie. Jean-Baptiste Thiers, curé du diocèse de Chartres au XVIIe, auteur d’un Traité des superstitions, rapporte qu’il était courant avant le mariage, afin de se protéger de divers maléfices, que le futur marié urine trois fois dans l’anneau destiné à la mariée.
Et surtout, pendant la cérémonie, tout le monde surveillait tout le monde, pour ne prendre garde à ce qu’un jaloux ne noue l’aiguillette (ne fasse un nœud à un bout de ficelle), ce qui causerait l’impuissance du mari (superstition assez répandue dans toute la France).
Un certain nombre de superstitions venaient se greffer à la cérémonie. Jean-Baptiste Thiers, curé du diocèse de Chartres au XVIIe, auteur d’un Traité des superstitions, rapporte qu’il était courant avant le mariage, afin de se protéger de divers maléfices, que le futur marié urine trois fois dans l’anneau destiné à la mariée.
Et surtout, pendant la cérémonie, tout le monde surveillait tout le monde, pour ne prendre garde à ce qu’un jaloux ne noue l’aiguillette (ne fasse un nœud à un bout de ficelle), ce qui causerait l’impuissance du mari (superstition assez répandue dans toute la France).
La coutume de la robe blanche, symbole de l’innocence, n’apparut qu’à
la fin du XVIIIe siècle et ne se répandit vraiment qu’à partir du
milieu du XIXe siècle : on se mariait auparavant en costume local, avec
des vêtements parfois colorés, parfois sombres. Par contre, la coutume
de l’anneau est beaucoup plus ancienne, remontant à l’Antiquité.
On se mariait généralement à un âge avancé
contrairement à une croyance répandue basée sur les mariages précoces
des rois de France et hauts nobles (14 ans pour Louis XIII, 21 ans pour
Louis XIV, 15 ans pour Louis XV, 14 ans pour Louis XVI). La moyenne de
l’âge au mariage pour les Français était de 25-26 ans pour les femmes et
27-28 ans pour les hommes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Trois fois sur cinq en moyenne, l’homme était plus âgé que la femme (de
un à quatre ans en général) ; deux fois sur trois, pour les paroisses
rurales bretonnes, les mariés étaient nés dans la même paroisse (et donc
une fois sur trois, un des époux était issu d’un autre village).
Même si les relations sexuelles hors mariage étaient théoriquement
prohibées, il n’était pas rare que la (future) mariée soit déjà
enceinte, parfois depuis de nombreux mois, au moment du mariage. Il
était par contre essentiel que l’enfant naisse lorsque les époux étaient
mariés. Au niveau national, les différents sondages tant au XVIIe qu’au
XVIIIe siècle donnent un peu plus de 10 % de femmes enceintes au moment
du mariage, plus de 30 % dans certaines paroisses (il suffit de
soustraire neuf mois à la naissance du premier enfant et de comparer
avec la date de mariage dans les registres paroissiaux).
Ce qui comptait surtout était la promesse de mariage échangée entre les deux futurs époux,
qui avait une valeur juridique avant la Révolution. On voyait ainsi se
faire de nombreux procès pour promesse de mariage non tenue : c’est la
fille mise enceinte qui portait plainte auprès des autorités, l’homme
était généralement condamné au choix soit à épouser la femme mise
enceinte, soit à payer une amende et subvenir aux besoins de l’enfant.
C’étaient les procès pour « gravidation ».
La législation révolutionnaire, en ne reconnaissant plus les
promesses de mariage, a fortement fragilisé la position de la femme et
contribué à multiplier les naissances illégitimes et les abandons
d’enfant. Le libéralisme bourgeois de la toute fin du XVIIIe et du XIXe a
joué pour les garçons contre les filles.
V. Les mariages scandaleux et le charivari
Les mariages qui faisaient particulièrement scandales étaient ceux
contractés entre deux personnes d’un âge très inégal. Un proverbe du
pays d’Armagnac dit : « Mariage de deux jeunes, mariage du Bon Dieu ; mariage de jeune et de vieux, mariage du Diable ; mariage de deux vieux, mariage de merde. ».
Le mariage entre une fille du village et un étranger était également
mal vu ainsi que le mariage entre deux personnes de situations sociales
très inégales.
Les jeunes du village se vengeaient contre les nouveaux époux en organisant un charivari. Le charivari est défini dans le Dictionnaire universel de Furetière, paru en 1690, comme un «
bruit confus que font des gens du peuple avec des poëles, des bassins
et des chaudrons pour faire injure à quelqu’un. On fait des charivaris
en dérision des gens d’un âge fort inégal qui se marient. »
La coutume consistait à faire un grand bruit lorsque qu’un mariage
paraissait anormal. Elle pouvait réunir trois, quatre, cinq, dix
personnes ou plus, ces bandes de jeunes qui étaient alors appelées
« royaumes de jeunesse ». Les participants soufflaient dans des cors,
jouaient du fifre, tapaient sur des caisses, poussaient des cris sous
les fenêtres des mariés. Les jeunes leur extorquait parfois de l’argent,
manière pour les époux de se racheter. Lorsqu’un homme étranger venait
épouser une fille du village, les jeunes gens pouvaient également aller à
la taverne ou au cabaret faire ripaille et bombance parfois sur
plusieurs jours, avant de faire payer l’addition au nouveau mari. Tant
les autorités civiles que l’Église répétèrent leurs condamnations à
l’égard du charivari, considéré comme une atteinte à la sainteté du
mariage, pratique populaire qui perdura néanmoins jusqu’à la fin du XIXe
siècle.
Bibliographie :
FLANDRIN Jean-Louis, Les amours paysannes : XVIe-XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1975.
MUCHEMBLED Robert, Société, cultures et mentalités dans la France moderne : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2003.
FLANDRIN Jean-Louis, Les amours paysannes : XVIe-XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1975.
MUCHEMBLED Robert, Société, cultures et mentalités dans la France moderne : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2003.
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