« Oui
ou non, l’institution d’une monarchie traditionnelle, héréditaire,
antiparlementaire et décentralisée est-elle de salut public ? » C’est par cette célèbre interrogation que débute la magistrale Enquête sur la monarchie parue pour la première fois en 1901. Cette oeuvre que d’aucuns qualifièrent de « bréviaire de l’Action française *», est effectivement, avec Mes idées politiques, la pierre angulaire de la doctrine politique de Charles Maurras. L’Enquête sur la monarchie,
bien plus qu’une somme de témoignages et de réflexions, est surtout la
preuve inaltérable que la monarchie française est bien de ces réalités
organiques, résolument vivantes, porteuses d’un patrimoine, d’un
héritage qui nous rapproche sans cesse de l’héritier.
Les royalistes
S’efforçant de « lire le tableau des réalités nécessaires, comme le voient les yeux, comme le comprend la raison », Maurras, s’adresse d’abord « aux deux Français qui, par leurs fonctions (…) occupent les plus hautes situations auprès du chef de la Maison de France ». Il s’agit de l’avocat André Buffet et du comte de Lur-Saluces. Recensant les réponses à son Enquête, Maurras nous livre un argumentaire politique serré. Glanant chez le premier la définition suivante du parlementarisme : « est parlementaire quiconque préfère des explications à une attitude », il recueille chez le second cet appel à la simplification politico-administrative de la France, toujours d’actualité : « Les départements sont à supprimer, presque tous ne répondant à rien de réel. Ils sont à remplacer par des régions beaucoup plus vastes ».
Quoi qu’il en soit, le principe autant que la finalité de la monarchie résident dans le relèvement politique, économique, social, moral et intellectuel de la France. De ce point de vue, les conclusions de l’Enquête sur la monarchie, sont, hélas, toujours valables. Dans une lettre à l’auteur de l’Enquête, le duc d’Orléans synthétise l’opinion générale des royalistes interrogés, qui demeure, depuis toujours, celle de l’Action française : « L’unité profonde de la conception royaliste [tient à ce qu’] elle est réformatrice ». La leçon primordiale qui ressort de cette consultation des plus incontestables royalistes qui furent est donc que « la monarchie doit être forte […], la décentralisation et la liberté d’association [étant] les conditions nécessaires des libertés civiles ».
Le Martégal, souhaitant éprouver les résultats de son Enquête, se tourne vers des « spécialistes de […] science politique, […] ceux qui ont songé au problème nationaliste français ». Ce faisant, il fait contradictoirement et honnêtement état des arguments développés par les uns et par les autres avant d’apporter la riposte. Convaincre pour vaincre, telle serait l’épigraphe de ce livre majeur qu’est l’Enquête sur la monarchie. Dès lors, dans l’esprit de la plus pure tradition antique, Maurras convoque sur l’agora tous ceux que la chose publique intéresse : républicains, poètes, historiens, hommes politiques ont répondu à cette question, cruciale, entre toutes, de la restauration monarchique.
Barrès et quelques autres
La scène est prestigieuse : Paul Bourget, Maurice Barrès, Sully Prudhomme, Jacques Bainville, Frédéric Amouretti, Henri Vaugeois, Jules Lemaître, etc. Sans pouvoir les résumer tous, on signalera, par exemple, la fameuse critique de Maurice Barrès considérant « qu’une intelligence jugeant in abstracto adopte le système monarchique qui a constitué le territoire français » et raillant aussitôt l’absence, en France, d’une « famille ralliant sur son nom la grande majorité des électeurs ». Maurras objectera fermement que « le pouvoir royal, comme tous les pouvoirs, est antérieur à l’acceptation et à l’assentiment des électeurs ».
À sa suite, dans une autre lettre, Jacques Bainville s’émerveillera de ce que « la monarchie est déjà organisée avant qu’on sache si jamais le roi montera sur le trône ». Mais, observe-t-il à l’adresse de Maurras, les réformes nécessaires exposées dans l’Enquête doivent être rendues « sensibles à l’esprit le plus simple », tant « l’ignorance naïve des masses est sans limites ». Maurras souscrit sans réserve à « son projet de réformetique » insistant particulièrement sur le caractère « indispensable » de la réforme judiciaire « car tout le monde souffre des chinoiseries de notre justice ».
Le maître de l’Action française peut également compter sur d’autres esprits brillants qui viennent enrichir son Enquête. Il en va ainsi de Frédéric Amouretti qui, rappelant l’empreinte laissée par « la monarchie tempérée » d’avant 1789, note, par contraste, qu’« au point de vue des personnes, comme au point de vue national, pour l’énergie et pour l’intelligence, France et Français, nous sommes bien inférieurs à ce qui existait au temps de saint Louis et de François Ier ». Si nos gouvernants sont, pour « beaucoup d’entre eux […] d’une médiocrité trop basse, cela est dû à l’introduction continue et croissante, pendant un siècle, des procédés démocratiques pour le choix des politiciens et administrateurs ». À ces lignes, on mesure combien la situation n’a fait qu’empirer depuis.
Le salut public
L’objectif de l’Enquête sur la monarchie est de contribuer à l’avènement d’une opinion royaliste en France. Dans sa conclusion du troisième livre de l’Enquête, Maurras, dans un dialogue à l’antique, affirme que la monarchie ne pourra se faire que « par la force », c’est-à-dire « par l’union […] sur la vérité politique, [à savoir] la monarchie ». Point de conspiration ni de secret, et encore moins de pronunciamiento mais bel et bien « organiser l’état d’esprit pour rendre possible et facile le coup […], ne jamais perdre de vue la visée ».
En d’autres termes et en paraphrasant Maurras pour résumer Gramsci, "culture d’abord !". L'Action française a pour but, rappelle Maurras dans Si le coup de force est possible, « l’établissement de la monarchie […] ; disons qu’exactement il s’agit de la royalisation, de la monarchisation du pays ». Menant une entreprise de salut public, « la plus sainte des lois », l’Action française tend à sortir la France des griffes des partis, parce que « la France n’est pas un parti ».
On le voit, l’Enquête sur la monarchie n'a rien perdu de sa pertinence et de son actualité et, plus que jamais, il est impérieux, citant le mot du Prince, de « réformer pour conserver ».
Aristide LEUCATE L’Action Française 2000 du 20 octobre au 2 novembre 2005
Cf. Ch. Maurras, Enquête sur la monarchie suivie de Une campagne royaliste au Figaro et de Si le coup de force est possible, Bibliothèque des oeuvres politiques, Paris, 1928.
Les royalistes
S’efforçant de « lire le tableau des réalités nécessaires, comme le voient les yeux, comme le comprend la raison », Maurras, s’adresse d’abord « aux deux Français qui, par leurs fonctions (…) occupent les plus hautes situations auprès du chef de la Maison de France ». Il s’agit de l’avocat André Buffet et du comte de Lur-Saluces. Recensant les réponses à son Enquête, Maurras nous livre un argumentaire politique serré. Glanant chez le premier la définition suivante du parlementarisme : « est parlementaire quiconque préfère des explications à une attitude », il recueille chez le second cet appel à la simplification politico-administrative de la France, toujours d’actualité : « Les départements sont à supprimer, presque tous ne répondant à rien de réel. Ils sont à remplacer par des régions beaucoup plus vastes ».
Quoi qu’il en soit, le principe autant que la finalité de la monarchie résident dans le relèvement politique, économique, social, moral et intellectuel de la France. De ce point de vue, les conclusions de l’Enquête sur la monarchie, sont, hélas, toujours valables. Dans une lettre à l’auteur de l’Enquête, le duc d’Orléans synthétise l’opinion générale des royalistes interrogés, qui demeure, depuis toujours, celle de l’Action française : « L’unité profonde de la conception royaliste [tient à ce qu’] elle est réformatrice ». La leçon primordiale qui ressort de cette consultation des plus incontestables royalistes qui furent est donc que « la monarchie doit être forte […], la décentralisation et la liberté d’association [étant] les conditions nécessaires des libertés civiles ».
Le Martégal, souhaitant éprouver les résultats de son Enquête, se tourne vers des « spécialistes de […] science politique, […] ceux qui ont songé au problème nationaliste français ». Ce faisant, il fait contradictoirement et honnêtement état des arguments développés par les uns et par les autres avant d’apporter la riposte. Convaincre pour vaincre, telle serait l’épigraphe de ce livre majeur qu’est l’Enquête sur la monarchie. Dès lors, dans l’esprit de la plus pure tradition antique, Maurras convoque sur l’agora tous ceux que la chose publique intéresse : républicains, poètes, historiens, hommes politiques ont répondu à cette question, cruciale, entre toutes, de la restauration monarchique.
Barrès et quelques autres
La scène est prestigieuse : Paul Bourget, Maurice Barrès, Sully Prudhomme, Jacques Bainville, Frédéric Amouretti, Henri Vaugeois, Jules Lemaître, etc. Sans pouvoir les résumer tous, on signalera, par exemple, la fameuse critique de Maurice Barrès considérant « qu’une intelligence jugeant in abstracto adopte le système monarchique qui a constitué le territoire français » et raillant aussitôt l’absence, en France, d’une « famille ralliant sur son nom la grande majorité des électeurs ». Maurras objectera fermement que « le pouvoir royal, comme tous les pouvoirs, est antérieur à l’acceptation et à l’assentiment des électeurs ».
À sa suite, dans une autre lettre, Jacques Bainville s’émerveillera de ce que « la monarchie est déjà organisée avant qu’on sache si jamais le roi montera sur le trône ». Mais, observe-t-il à l’adresse de Maurras, les réformes nécessaires exposées dans l’Enquête doivent être rendues « sensibles à l’esprit le plus simple », tant « l’ignorance naïve des masses est sans limites ». Maurras souscrit sans réserve à « son projet de réformetique » insistant particulièrement sur le caractère « indispensable » de la réforme judiciaire « car tout le monde souffre des chinoiseries de notre justice ».
Le maître de l’Action française peut également compter sur d’autres esprits brillants qui viennent enrichir son Enquête. Il en va ainsi de Frédéric Amouretti qui, rappelant l’empreinte laissée par « la monarchie tempérée » d’avant 1789, note, par contraste, qu’« au point de vue des personnes, comme au point de vue national, pour l’énergie et pour l’intelligence, France et Français, nous sommes bien inférieurs à ce qui existait au temps de saint Louis et de François Ier ». Si nos gouvernants sont, pour « beaucoup d’entre eux […] d’une médiocrité trop basse, cela est dû à l’introduction continue et croissante, pendant un siècle, des procédés démocratiques pour le choix des politiciens et administrateurs ». À ces lignes, on mesure combien la situation n’a fait qu’empirer depuis.
Le salut public
L’objectif de l’Enquête sur la monarchie est de contribuer à l’avènement d’une opinion royaliste en France. Dans sa conclusion du troisième livre de l’Enquête, Maurras, dans un dialogue à l’antique, affirme que la monarchie ne pourra se faire que « par la force », c’est-à-dire « par l’union […] sur la vérité politique, [à savoir] la monarchie ». Point de conspiration ni de secret, et encore moins de pronunciamiento mais bel et bien « organiser l’état d’esprit pour rendre possible et facile le coup […], ne jamais perdre de vue la visée ».
En d’autres termes et en paraphrasant Maurras pour résumer Gramsci, "culture d’abord !". L'Action française a pour but, rappelle Maurras dans Si le coup de force est possible, « l’établissement de la monarchie […] ; disons qu’exactement il s’agit de la royalisation, de la monarchisation du pays ». Menant une entreprise de salut public, « la plus sainte des lois », l’Action française tend à sortir la France des griffes des partis, parce que « la France n’est pas un parti ».
On le voit, l’Enquête sur la monarchie n'a rien perdu de sa pertinence et de son actualité et, plus que jamais, il est impérieux, citant le mot du Prince, de « réformer pour conserver ».
Aristide LEUCATE L’Action Française 2000 du 20 octobre au 2 novembre 2005
Cf. Ch. Maurras, Enquête sur la monarchie suivie de Une campagne royaliste au Figaro et de Si le coup de force est possible, Bibliothèque des oeuvres politiques, Paris, 1928.
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