jeudi 23 mai 2013

Le Roi-Soleil côté ombre

Le Figaro Magazine - 10/05/2013

Louis XIV avait sans doute trop le goût du secret.

     Louis XIV passait pour un homme secret, au point d’induire en erreur son entourage sur la vérité de ses pensées. Brienne, le fils du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, qui l’avait beaucoup côtoyé dans sa jeunesse, témoignera s’être trompé sur sa personnalité : « Il se cachait à moi comme à tout le monde, et je lui trouvais quelquefois si peu d’intelligence que j’en étais étonné. J’avoue que je m’y mépris. »

     L’anecdote est rapportée par Lucien Bély. Professeur d’histoire moderne à l’université Paris-Sorbonne et spécialiste de l’Ancien Régime, cet historien étudie l’habitude du secret chez Louis XIV, tant du point de vue privé que du point de vue politique, en le rattachant à une mentalité répandue dans la culture ­européenne de l’époque *.

     L’ouvrage analyse donc tous les facteurs qui ont contribué à forger le goût du roi pour la dissimulation, et illustre cette prédisposition par des exemples tirés de sa vie, de l’enfance à la rédaction de son testament. Rien d’inédit n’est à découvrir dans ces pages, mais certains épisodes peu ou mal connus, comme le traité de paix secret de Douvres, signé avec le roi d’Angleterre, ­Charles II, en 1670, ou l’enlèvement du patriarche arménien Avedick, emprisonné au Mont-Saint-Michel puis à la Bastille, en 1709, ont quelque chose de neuf, et même de romanesque. Il reste que la personne et le règne du Roi-Soleil ne se résument pas à la pratique du secret, si bien que ce ­livre a quelque chose d’un réquisitoire, dans la mesure où il se polarise sur cette question. Dans la ­bibliographie de Lucien Bély, on trouve un autre titre : Louis XIV. Le plus grand roi du monde. Ouf ! Faut-il ajouter que le secret est une pratique à laquelle la ­République n’a pas renoncé ?

Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com

* Les Secrets de Louis XIV. Mystères d’Etat et pouvoir absolu, de Lucien Bély, Tallandier, 688 p., 26,90 €.
Et aussi : Les Chroniques de l’Œil-de-bœuf, publiées entre 1829 et 1833 par le journaliste Georges Touchard-Lafosse, sont une chronique imaginaire de l’Ancien Régime rédigée à partir de faits réels. Elles sont rééditées par Jean Castarède, pour la période du règne de Louis XIV qui s’étend de 1659 à 1684.
À lire avec plaisir, mais avec les précautions d’usage (France-Empire, 326 p., 20 €).
Dans L’Olympe du Roi-Soleil, Jean-Pierre Néraudau, un spécialiste de la Rome antique, montre comment la mythologie gréco-latine et l’Antiquité ont été mises au service du mythe du Roi-Soleil à travers les lettres, les arts et l’architecture. Erudit et passionnant (Les Belles ­Lettres, 334 p., 25 €).

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