Voici
un livre indispensable pour libérer à tout jamais les esprits bourrés
par "l'école de la République". Plus possible de voir dans la
"glorieuse" Révolution dite française l'irrésistible mouvement de
révolte d'un peuple opprimé et de croire que les massacres de 1793 n'ont
été que des bavures dans un élan sublime et spontané... Les faits sont
connus, les textes abondent, les témoignages s'imposent.
Pierre Gaxotte les a méticuleusement étudiés : dès la première édition de sa Révolution française en 1928, l'ouvrage fut salué par Léon Daudet comme un « livre-bombe », et la critique historique de l'événement de 1789 s'en trouva transformée, mais l'auteur, sans cesse à l'affût des progrès de la recherche, a retravaillé son texte, et c'est un livre amplement remanié et richement argumenté qui parut sous le même titre en 1962 chez Fayard dans la collection des Grandes Études historiques (1). Depuis lors, si la science historique s'est encore enrichie, elle n'a nullement contredit les conclusions de Pierre Gaxotte.
Situation difficile non insoluble
À lui tout seul déjà, le premier chapitre, tableau à la fois précis et très vivant des institutions monarchiques, envoie dans les poubelles de l'Histoire toutes les idées reçues. D'abord il faut bien savoir que « ce n'est pas dans un pays épuisé, mais dans un pays florissant et en plein essor qu'éclata la Révolution ». Le pays le plus peuplé d'Europe respirait à pleins poumons au rythme de ces républiques aristocratiques ou populaires que constituaient les provinces, les villes, les métiers, et que fédérait, tout en respectant leurs usages, la personne du Roi. Existaient aussi depuis Louis XV les grands services publics « que Napoléon n'aura qu'à relever pour faire figure de créateur »...
Toutefois Gaxotte n'idéalise pas l'Ancien régime : certaines parties de l'édifice menaçaient ruine, d'autres, devenues pesantes, étaient ressenties comme inutiles et vexatoires, tels les droits féodaux. Et surtout, si le pays était riche, l'État, lui, était pauvre ; la misère existait, quoique moins qu'ailleurs en Europe, mais le plus grave résidait dans un système fiscal devenu aberrant dont beaucoup avaient des raisons de se plaindre et que les privilégiés n'entendaient pas laisser réformer. Tel était le grand problème qui se posait à la monarchie ; il n'était nullement insoluble.
Seulement voilà : « une crise intellectuelle et morale » avait atteint « l'âme française jusqu'en ses profondeurs ». Là est le vrai drame du XVIIIe siècle : non « dans la guerre, ni dans les journées de la Révolution, mais dans la dissolution et le retournement des idées. Émeutes et massacres n'en seront que la traduction éclatante et sanglante. Quand ils auront lieu, le mal sera depuis longtemps accompli. »
Crise de l’autorité
Gaxotte expose alors la "doctrine" révolutionnaire dont Fénelon, en inspirant aux rois le dégoût de leur propre pouvoir, avait été le précurseur (« Le roi de Fénelon est condamné au ciel et à la guillotine, après avoir, la main sur la conscience, fait le malheur de ses sujets et conduit son peuple à la défaite et à l'anarchie. ») Ce fut ensuite la prédication individualiste des "Philosophes" insinuant le doute sur toutes les traditions, propageant la naturalisme et l'athéisme, se gargarisant d'abstractions et de formules déclamatoires, exaltant la vertu telle qu'elle devrait parler en chaque homme dépouillé de l'acquis de la civilisation et revenu au merveilleux "état de nature"... Il fallait en somme « régénérer » le citoyen, au besoin l'y contraindre, car alors « sa mauvaise volonté est un crime contre la Vertu ». Outre le fait que ces apprentis-sorciers justifiaient dès 1750 la Terreur de 1793-94, Gaxotte, à la suite de Taine, montre que ces "beaux esprits" étaient organisés : loges, sociétés littéraires, académies, plus tard les clubs, fabriquaient sans cesse des initiés inventant la dynamique de groupe et "faisant" l'opinion.
Ainsi bien vite, les détenteurs de l'autorité, et jusqu'au roi lui-même, se mirent à douter de l'utilité du commandement et dès lors la crise financière de l'État était devenue, à la veille de la Révolution, insoluble. Une réforme s'imposait ; on préféra l'aventure d'une révolution... Le mélange de prétentions archaïques chez les privilégiés et d'inepties philosophiques chez les intellectuels ne pouvait que devenir explosif. Dure réalité qui éclata dès l'ouverture des fameux États généraux où les représentants du peuple - des phraseurs, des idéologues, des hommes de salon, des avocats sans cause, des curés athées - élus hors des réalités vivantes, s'érigeant bientôt en représentants de la nation face au roi qui en a avait toujours été la tête, mirent en moins de six semaines tout l'édifice financier par terre. Ils avaient bien d'autres soucis...
L’enchaînement des conséquences
Les chapitres suivants, impeccablement charpentés, toujours précis, jamais rébarbatifs, ne font que révéler de 1789 à 1799 l'inexorable enchaînement des conséquences du dévergondage intellectuel et moral. De l'émeute en quelque sorte légitimée par le roi lui-même qui par bonté se lia lui-même les mains en saluant le Paris révolté trois jours après le 14 juillet, aux déclamations sentimentales et larmoyantes des orateurs de la Constituante qui allaient devenir des bêtes assoiffées de sang sous la Convention..., Pierre Gaxotte, au rythme des Journées où s'enterraient les illusions, montre que la terreur et ses atrocités ont été, non seulement en 1793, mais dès juillet 1789, le développement implacable des idéologies désincarnées ayant toute liberté pour fondre sur le peuple démoralisé, dès lors que son protecteur naturel, le Roi, était ligoté, paralysé, avant d'être immolé sur l'autel du "peuple souverain" ; « Sur le grand peuple qui se tait, règne le petit peuple qui parle, les Jacobins. »
On peut lire et relire ces pages sans jamais se lasser ; nous les recommandons tout spécialement aux étudiants en ce début de vacances. Elles sont un modèle de clarté, de concision, parfois d'ironie mordante, car l'auteur ne craint pas de tremper sa plume dans l'encre de Voltaire (pour le style seulement, bien sûr...) Quand à la fin du cataclysme, survint le 18 brumaire, début de la dictature napoléonienne visant à concilier le besoin (enfin revenu) d'autorité et l'idéologie démocratique, ce fut, dit Gaxotte, un « expédient de théoriciens aux abois ». C'est, hélas, sur cet expédient que la France vit depuis plus de deux siècles, titubante et jamais satisfaite, faute d'avoir eu le courage de chasser définitivement les idéologies mortelles et de revenir à son Roi.
Michel FROMENTOUX L’Action Française 2000 – du 21 au 27 juillet 2005
* Pierre Gaxotte : La Révolution française, Texte de 1962, présenté, annoté et rééd. par Jean Tulard.
Pierre Gaxotte les a méticuleusement étudiés : dès la première édition de sa Révolution française en 1928, l'ouvrage fut salué par Léon Daudet comme un « livre-bombe », et la critique historique de l'événement de 1789 s'en trouva transformée, mais l'auteur, sans cesse à l'affût des progrès de la recherche, a retravaillé son texte, et c'est un livre amplement remanié et richement argumenté qui parut sous le même titre en 1962 chez Fayard dans la collection des Grandes Études historiques (1). Depuis lors, si la science historique s'est encore enrichie, elle n'a nullement contredit les conclusions de Pierre Gaxotte.
Situation difficile non insoluble
À lui tout seul déjà, le premier chapitre, tableau à la fois précis et très vivant des institutions monarchiques, envoie dans les poubelles de l'Histoire toutes les idées reçues. D'abord il faut bien savoir que « ce n'est pas dans un pays épuisé, mais dans un pays florissant et en plein essor qu'éclata la Révolution ». Le pays le plus peuplé d'Europe respirait à pleins poumons au rythme de ces républiques aristocratiques ou populaires que constituaient les provinces, les villes, les métiers, et que fédérait, tout en respectant leurs usages, la personne du Roi. Existaient aussi depuis Louis XV les grands services publics « que Napoléon n'aura qu'à relever pour faire figure de créateur »...
Toutefois Gaxotte n'idéalise pas l'Ancien régime : certaines parties de l'édifice menaçaient ruine, d'autres, devenues pesantes, étaient ressenties comme inutiles et vexatoires, tels les droits féodaux. Et surtout, si le pays était riche, l'État, lui, était pauvre ; la misère existait, quoique moins qu'ailleurs en Europe, mais le plus grave résidait dans un système fiscal devenu aberrant dont beaucoup avaient des raisons de se plaindre et que les privilégiés n'entendaient pas laisser réformer. Tel était le grand problème qui se posait à la monarchie ; il n'était nullement insoluble.
Seulement voilà : « une crise intellectuelle et morale » avait atteint « l'âme française jusqu'en ses profondeurs ». Là est le vrai drame du XVIIIe siècle : non « dans la guerre, ni dans les journées de la Révolution, mais dans la dissolution et le retournement des idées. Émeutes et massacres n'en seront que la traduction éclatante et sanglante. Quand ils auront lieu, le mal sera depuis longtemps accompli. »
Crise de l’autorité
Gaxotte expose alors la "doctrine" révolutionnaire dont Fénelon, en inspirant aux rois le dégoût de leur propre pouvoir, avait été le précurseur (« Le roi de Fénelon est condamné au ciel et à la guillotine, après avoir, la main sur la conscience, fait le malheur de ses sujets et conduit son peuple à la défaite et à l'anarchie. ») Ce fut ensuite la prédication individualiste des "Philosophes" insinuant le doute sur toutes les traditions, propageant la naturalisme et l'athéisme, se gargarisant d'abstractions et de formules déclamatoires, exaltant la vertu telle qu'elle devrait parler en chaque homme dépouillé de l'acquis de la civilisation et revenu au merveilleux "état de nature"... Il fallait en somme « régénérer » le citoyen, au besoin l'y contraindre, car alors « sa mauvaise volonté est un crime contre la Vertu ». Outre le fait que ces apprentis-sorciers justifiaient dès 1750 la Terreur de 1793-94, Gaxotte, à la suite de Taine, montre que ces "beaux esprits" étaient organisés : loges, sociétés littéraires, académies, plus tard les clubs, fabriquaient sans cesse des initiés inventant la dynamique de groupe et "faisant" l'opinion.
Ainsi bien vite, les détenteurs de l'autorité, et jusqu'au roi lui-même, se mirent à douter de l'utilité du commandement et dès lors la crise financière de l'État était devenue, à la veille de la Révolution, insoluble. Une réforme s'imposait ; on préféra l'aventure d'une révolution... Le mélange de prétentions archaïques chez les privilégiés et d'inepties philosophiques chez les intellectuels ne pouvait que devenir explosif. Dure réalité qui éclata dès l'ouverture des fameux États généraux où les représentants du peuple - des phraseurs, des idéologues, des hommes de salon, des avocats sans cause, des curés athées - élus hors des réalités vivantes, s'érigeant bientôt en représentants de la nation face au roi qui en a avait toujours été la tête, mirent en moins de six semaines tout l'édifice financier par terre. Ils avaient bien d'autres soucis...
L’enchaînement des conséquences
Les chapitres suivants, impeccablement charpentés, toujours précis, jamais rébarbatifs, ne font que révéler de 1789 à 1799 l'inexorable enchaînement des conséquences du dévergondage intellectuel et moral. De l'émeute en quelque sorte légitimée par le roi lui-même qui par bonté se lia lui-même les mains en saluant le Paris révolté trois jours après le 14 juillet, aux déclamations sentimentales et larmoyantes des orateurs de la Constituante qui allaient devenir des bêtes assoiffées de sang sous la Convention..., Pierre Gaxotte, au rythme des Journées où s'enterraient les illusions, montre que la terreur et ses atrocités ont été, non seulement en 1793, mais dès juillet 1789, le développement implacable des idéologies désincarnées ayant toute liberté pour fondre sur le peuple démoralisé, dès lors que son protecteur naturel, le Roi, était ligoté, paralysé, avant d'être immolé sur l'autel du "peuple souverain" ; « Sur le grand peuple qui se tait, règne le petit peuple qui parle, les Jacobins. »
On peut lire et relire ces pages sans jamais se lasser ; nous les recommandons tout spécialement aux étudiants en ce début de vacances. Elles sont un modèle de clarté, de concision, parfois d'ironie mordante, car l'auteur ne craint pas de tremper sa plume dans l'encre de Voltaire (pour le style seulement, bien sûr...) Quand à la fin du cataclysme, survint le 18 brumaire, début de la dictature napoléonienne visant à concilier le besoin (enfin revenu) d'autorité et l'idéologie démocratique, ce fut, dit Gaxotte, un « expédient de théoriciens aux abois ». C'est, hélas, sur cet expédient que la France vit depuis plus de deux siècles, titubante et jamais satisfaite, faute d'avoir eu le courage de chasser définitivement les idéologies mortelles et de revenir à son Roi.
Michel FROMENTOUX L’Action Française 2000 – du 21 au 27 juillet 2005
* Pierre Gaxotte : La Révolution française, Texte de 1962, présenté, annoté et rééd. par Jean Tulard.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire