Le
traité de Saint-Clair-sur-Epte fut conclu à l'automne 911 entre Charles
III le Simple et Rollon, un chef viking. Fondateur de la lignée des
ducs de Normandie, celui-ci révéla une singulière capacité
d'intégration...
L’abondance de l'actualité nous a fait omettre en fin 2011 le mille centième anniversaire du traité de Saint-Clairsur-Epte. Nous prions nos amis normands de nous en excuser, mais cette année 2012 marque l'anniversaire de la conversion au christianisme du chef viking Rollon ; ce qui manifesta la véritable intégration de la région autour de Rouen à la France.
Pathétique histoire
Cet épisode normand ("Normands" signifie les hommes du Nord, les Vikings venus de Scandinavie) appartient à la pathétique histoire des rois Carolingiens, descendants de Charlemagne, que le système successoral rendait malgré eux inaptes à gérer le bien commun. L'arrière-petit-fils de l'empereur, Charles II le Chauve (843-877), eut de son épouse, Ermentrude d'Orléans, un fils, Louis, au règne assez insignifiant (877-879), son défaut d'élocution nuisant à son autorité. De son mariage avec Ansgarde de Bourgogne, Louis le Bègue eut deux fils, Louis III et Carloman, lesquels, juste après la mort de leur père, allaient être ensemble sacrés en septembre 879, le premier à seize ans, le second à treize, à Ferrières-en-Gâtinais, par Anségise, évêque de Sens. Ils eurent juste le temps de laisser le souvenir de vaillants guerriers, avant de mourir le premier en 882, le second en 884, et d'être remplacés sur le trône de France par un cousin germanique l'empereur Charles le Gros (839-888).
Les grands du royaume de France, qui avaient fait appel à cet étranger, furent les premiers à le condamner à mort, mais ne songeaient pas le moins du monde à porter sur le trône de ses ancêtres le jeune Charles, un fils posthume du Bègue, né en 878, un petit demi-frère de Louis III et Carloman. Ils n'avaient d'yeux que pour Eudes, comte de Paris, duc des Francs, l'héroïque défenseur de la vallée de la Seine contre les Vikings. Ils élirent donc roi de France ce fils du célèbre Robert le Fort, dont la lignée commençait à se signaler par ses services du bien public. Mais Eudes, en sage politique, n'avait accepté la couronne que pour parer au plus pressé et n'entendait pas forcer l'Histoire, d'autant que Charles, devenu adolescent, et soutenu par certains grands, était bien disposé à ne pas se laisser oublier. Il fallut négocier, mais au moment où l'on parlait d'offrir une part du royaume à Charles, Eudes mourut, le 1er janvier 898.
Or, à dix-neuf ans, Charles, élevé sans père et devant sa couronne plus aux circonstances qu'à son génie propre, passait pour un jeune homme brave, loyal et remarquable de bienveillance, d'où son surnom de Simple, qui ne voulait pas dire simplet ! Les grands qui faisaient alors la pluie et le beau temps s'en accommodèrent avec plutôt mauvaise grâce. Pour se les attacher il nomma plusieurs abbés laïcs, chose fréquente en ces temps de décadence de la hiérarchie romaine.
Initiatives audacieuses
Il se révéla capable d'initiatives audacieuses et porteuses d'avenir, en installant les Barbares scandinaves sur le sol qui allait être celui de la Normandie. À ce sujet, il partageait pleinement les vues du frère d'Eudes, Robert, nouveau comte de Paris, lequel était incité par Hérivée, évêque de Reims, à obtenir la paix plus par l'amour que par le glaive. Le roi et le comte proposèrent donc le baptême au très puissant et très redouté Rollon, ce géant dont on dit qu'il marchait toujours à pied, aucun cheval ne pouvant porter sa stature de plus de deux mètres de haut et ses cent quarante kilos ! Les choses allèrent assez vite puisque dès octobre 911, celui-ci rencontrait le roi à Saint-Clair-sur-Epte et recevait un territoire - un comté - entre la Somme et l'Eure, en échange de quoi il promit de bloquer les incursions vikings sur le royaume franc... L'année suivante, le jour de Pâques, en la cathédrale de Rouen, ce fils d'un peuple en errance reçut le baptême sous le nom de Robert car le comte de Paris fut son parrain. Le fondateur de la lignée des ducs de Normandie révéla une singulière capacité d'adaptation et d'intégration, preuve que sous le signe de la Croix on intègre plus solidement que sous celui de la laïcité... Et l'on vit une fois de plus la mission civilisatrice de l'Église, qu'allait tant admirer Maurras : « S'il y a des puissants féroces, elle les adoucit pour que le bien de la puissance qui est en eux donne tous ses fruits ; s'ils sont bons elle fortifie leur autorité en l'utilisant pour ses vues, loin d'en relâcher la précieuse consistance. » (À l'Église de l'Ordre)
Une lutte tragique
Le décevant, mais trop fantasque, Charles le Simple se fâcha par la suite avec Robert, comte de Paris, que les grands firent roi de France, et l'affaire se termina par une lutte tragique et sans merci au cours de laquelle, à Soissons, Robert fut tué le 15 juin 923. Le pauvre Charles ne put pas pour autant retrouver son trône, car les grands préférèrent élire une tête brûlée, Raoul, duc de Bourgogne. Charles, emprisonné, mourut le 7 octobre 929 à Péronne. Une autre monarchie se profilait ; bien que le sang de Charlemagne ne fût pas épuisé, l'heure était proche des Capétiens - on les appelait alors les Robertiens. Mais il est bon de rendre hommage à ces pauvres Carolingiens qui, à leur façon et non sans dignité, servirent la France, sans avoir, hélas, su se donner les moyens d'inscrire une oeuvre dans la durée et la continuité.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 16 au 29 février 2012
L’abondance de l'actualité nous a fait omettre en fin 2011 le mille centième anniversaire du traité de Saint-Clairsur-Epte. Nous prions nos amis normands de nous en excuser, mais cette année 2012 marque l'anniversaire de la conversion au christianisme du chef viking Rollon ; ce qui manifesta la véritable intégration de la région autour de Rouen à la France.
Pathétique histoire
Cet épisode normand ("Normands" signifie les hommes du Nord, les Vikings venus de Scandinavie) appartient à la pathétique histoire des rois Carolingiens, descendants de Charlemagne, que le système successoral rendait malgré eux inaptes à gérer le bien commun. L'arrière-petit-fils de l'empereur, Charles II le Chauve (843-877), eut de son épouse, Ermentrude d'Orléans, un fils, Louis, au règne assez insignifiant (877-879), son défaut d'élocution nuisant à son autorité. De son mariage avec Ansgarde de Bourgogne, Louis le Bègue eut deux fils, Louis III et Carloman, lesquels, juste après la mort de leur père, allaient être ensemble sacrés en septembre 879, le premier à seize ans, le second à treize, à Ferrières-en-Gâtinais, par Anségise, évêque de Sens. Ils eurent juste le temps de laisser le souvenir de vaillants guerriers, avant de mourir le premier en 882, le second en 884, et d'être remplacés sur le trône de France par un cousin germanique l'empereur Charles le Gros (839-888).
Les grands du royaume de France, qui avaient fait appel à cet étranger, furent les premiers à le condamner à mort, mais ne songeaient pas le moins du monde à porter sur le trône de ses ancêtres le jeune Charles, un fils posthume du Bègue, né en 878, un petit demi-frère de Louis III et Carloman. Ils n'avaient d'yeux que pour Eudes, comte de Paris, duc des Francs, l'héroïque défenseur de la vallée de la Seine contre les Vikings. Ils élirent donc roi de France ce fils du célèbre Robert le Fort, dont la lignée commençait à se signaler par ses services du bien public. Mais Eudes, en sage politique, n'avait accepté la couronne que pour parer au plus pressé et n'entendait pas forcer l'Histoire, d'autant que Charles, devenu adolescent, et soutenu par certains grands, était bien disposé à ne pas se laisser oublier. Il fallut négocier, mais au moment où l'on parlait d'offrir une part du royaume à Charles, Eudes mourut, le 1er janvier 898.
Or, à dix-neuf ans, Charles, élevé sans père et devant sa couronne plus aux circonstances qu'à son génie propre, passait pour un jeune homme brave, loyal et remarquable de bienveillance, d'où son surnom de Simple, qui ne voulait pas dire simplet ! Les grands qui faisaient alors la pluie et le beau temps s'en accommodèrent avec plutôt mauvaise grâce. Pour se les attacher il nomma plusieurs abbés laïcs, chose fréquente en ces temps de décadence de la hiérarchie romaine.
Initiatives audacieuses
Il se révéla capable d'initiatives audacieuses et porteuses d'avenir, en installant les Barbares scandinaves sur le sol qui allait être celui de la Normandie. À ce sujet, il partageait pleinement les vues du frère d'Eudes, Robert, nouveau comte de Paris, lequel était incité par Hérivée, évêque de Reims, à obtenir la paix plus par l'amour que par le glaive. Le roi et le comte proposèrent donc le baptême au très puissant et très redouté Rollon, ce géant dont on dit qu'il marchait toujours à pied, aucun cheval ne pouvant porter sa stature de plus de deux mètres de haut et ses cent quarante kilos ! Les choses allèrent assez vite puisque dès octobre 911, celui-ci rencontrait le roi à Saint-Clair-sur-Epte et recevait un territoire - un comté - entre la Somme et l'Eure, en échange de quoi il promit de bloquer les incursions vikings sur le royaume franc... L'année suivante, le jour de Pâques, en la cathédrale de Rouen, ce fils d'un peuple en errance reçut le baptême sous le nom de Robert car le comte de Paris fut son parrain. Le fondateur de la lignée des ducs de Normandie révéla une singulière capacité d'adaptation et d'intégration, preuve que sous le signe de la Croix on intègre plus solidement que sous celui de la laïcité... Et l'on vit une fois de plus la mission civilisatrice de l'Église, qu'allait tant admirer Maurras : « S'il y a des puissants féroces, elle les adoucit pour que le bien de la puissance qui est en eux donne tous ses fruits ; s'ils sont bons elle fortifie leur autorité en l'utilisant pour ses vues, loin d'en relâcher la précieuse consistance. » (À l'Église de l'Ordre)
Une lutte tragique
Le décevant, mais trop fantasque, Charles le Simple se fâcha par la suite avec Robert, comte de Paris, que les grands firent roi de France, et l'affaire se termina par une lutte tragique et sans merci au cours de laquelle, à Soissons, Robert fut tué le 15 juin 923. Le pauvre Charles ne put pas pour autant retrouver son trône, car les grands préférèrent élire une tête brûlée, Raoul, duc de Bourgogne. Charles, emprisonné, mourut le 7 octobre 929 à Péronne. Une autre monarchie se profilait ; bien que le sang de Charlemagne ne fût pas épuisé, l'heure était proche des Capétiens - on les appelait alors les Robertiens. Mais il est bon de rendre hommage à ces pauvres Carolingiens qui, à leur façon et non sans dignité, servirent la France, sans avoir, hélas, su se donner les moyens d'inscrire une oeuvre dans la durée et la continuité.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 16 au 29 février 2012
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