Le 31 janvier 1943, le maréchal allemand Friedrich Paulus (*),
signe la capitulation de son armée, dans le secteur sud de Stalingrad.
Le 2 février, c'est au tour du secteur nord de la ville de cesser toute
résistance. Staline, maître tout-puissant de l'URSS, reçoit du lieutenant-général Rokossowsky le télégramme : «Les opérations militaires ont maintenant cessé dans la ville et la zone de Stalingrad».
Les Soviétiques peuvent enfin proclamer leur victoire sur les
Allemands au terme d'une bataille homérique, la plus grande qui ait
jamais eu lieu (2 millions de tués et blessés).
André Larané
Une occupation chèrement acquise
18 mois plus tôt, le 22 juin 1941, le Führer allemand, Adolf Hitler, a attaqué l'URSS.
Ses troupes ont parcouru à grande vitesse les immenses plaines de la
Russie et sont arrivées aux portes de Moscou et de Léningrad.
Une partie de la Wehrmacht se dirige vers le sud et les
gisements de pétrole du Caucase. Elle remporte succès sur succès pendant
l'été 1942 : chute de la Crimée et de Sébastopol, de l'Ukraine
orientale et de Kharkov... Pendant ce temps, la VIe Armée de Paulus
oblique vers Stalingrad. Cette métropole industrielle,
située sur la rive occidentale de la Volga, a changé en 1925 son nom de
Tsaritsyne pour celui du dictateur soviétique (*).
Le Führer veut à tout prix s'en emparer, un peu pour le nom
qu'elle porte et surtout pour couper les voies de ravitaillement des
Soviétiques. De la mi-juillet à la mi-novembre, les Allemands alignent
les succès. Ils atteignent la grande boucle que forme le Don, à quelques
dizaines de kilomètres à l'ouest de Stalingrad, avant de se jeter dans
la mer d'Azov, antichambre de la mer Caspienne).
Un bombardement réduit la métropole industrielle à un champ de ruines
et fait 40.000 victimes dans la population civile. Celle-ci est évacuée
en dernière extrémité et Staline, habilement, impose même que soient
maintenues en activité les grandes usines reconverties dans la
fabrication de chars et d'armes en tous genres. C'est une façon de
montrer aux soldats qu'ils défendent non pas une ville fantôme mais une
cité encore et toujours vivante...
Le 28 juillet 1942, Staline fait lire dans toutes les unités l'ordre n°00227 : «Plus un pas en arrière !... Les hommes qui paniquent et les couards seront exterminés sans pitié». Des unités spéciales sont formées en conséquence pour traquer et fusiller les déserteurs. On en comptera environ 14.000(*). La
LXIIe Armée du général Tchouikov défend la ville avec acharnement, ce
qui va laisser aux armées du Don et du Sud-Ouest le temps de concentrer
leurs forces et de préparer la contre-offensive.
Stalingrad, qui s'étend sur 40 km, est cependant conquise rue par rue
pendant l'automne 1942, au prix d'immenses souffrances des deux
côtés. Le 11 novembre, Paulus lance un ultime assaut et occupe enfin la
ville jusqu'à la Volga, à l'exception de trois têtes de pont soviétiques
de quelques centaines de mètres de large, mais ses ennuis ne font que
commencer.
Piège fatal
Le chef d'état-major soviétique, le général Georgi Joukov, devine que
les Allemands se sont avancés trop loin de leurs bases et ne sont pas
protégés sur leurs flancs. Il regroupe donc un maximum de combattants
sur la boucle du Don en vue d'enfermer les Allemands dans le piège de
Stalingrad. Pour cela, il rappelle même des troupes qui avaient été
envoyées en Extrême-Orient pour prévenir une invasion japonaise.
Cette façon de lancer une armée de réserve sur les assiégeants rappelle la stratégie de Vercingétorix à Alésia, qui hélas n'avait pas réussi au chef gaulois...
Huit jours après l'entrée des Allemands dans la ville, deux armées
soviétiques se dirigent sur Stalingrad en empruntant la Volga gelée,
l'une par le nord, commandée par Rokossovski, l'autre par le sud,
commandée par Ieremenko.
La contre-offensive soviétique débute le 19 novembre par un terrible déluge d'artillerie. Y participent les «orgues de Staline».
C'est le surnom allemand des lance-fusées multiples motorisés que les
Soviétiques ont mis au point dans le plus grand secret à partir de 1938
et baptisés du joli nom de Katioucha (diminutif de Catherine).
Mal équipées, les divisions italiennes et roumaines chargées de
défendre le flanc ouest de la VIe Armée allemande sont très tôt
écrasées par les Soviétiques sur le Don.
La VIe Armée allemande est bientôt emprisonnée dans sa conquête, une
ville en ruine plongée dans le terrible hiver russe ! Le maréchal de
l'Air Hermann Goering tente d'organiser un pont aérien pour ravitailler
les assiégés. Mais l'aviation allemande ne peut larguer que 120 tonnes
par jour quand il en faudrait 500.
En décembre, le général Paulus devine que le piège va se refermer sur
son armée mais Hitler lui interdit de battre en retraite et le général
n'ose désobéir. Entre le 12 et le 23 décembre, une armée de secours
commandée par le général Erich von Manstein échoue à secourir les
assiégés.
En janvier, le Führer élève par téléphone le général Paulus à
la dignité de maréchal pour le détourner du déshonneur de la
capitulation. Mais Paulus n'a cure de se suicider et choisit de se
rendre avec 24 généraux et 91.000 soldats survivants (6.000 seulement
reviendront de captivité).
En Allemagne, les festivités prévues pour le
dixième anniversaire de l'accession de Hitler au pouvoir sont annulées
et remplacées par trois jours de deuil national. Le 2 février 1943, le
drapeau rouge de l'Union soviétique flotte à nouveau sur Stalingrad.
Au cours du siège de la ville, l'armée de Paulus aura perdu au total
400.000 hommes dont 150.000 morts et 120.000 prisonniers (parmi eux des
Allemands mais aussi des alliés : Italiens, Roumains, Hongrois...). Par
ailleurs, les combats auront fait du côté soviétique près de 500.000
morts.
Le total des morts et blessés sur tout le front du Don et de la
Volga, pendant les six mois qui ont précédé la capitulation des
Allemands, s'avère proche de 2 millions, civils compris, dont 1,2
million du côté soviétique, ce qui fait de Stalingrad la plus sanglante
bataille de l'Histoire humaine.
La victoire des Soviétiques, trois mois après celle des Britanniques à El Alamein,
soulève un immense espoir dans les pays soumis à l'occupation
allemande. En démontrant la vulnérabilité des armées allemandes, elle
marque un tournant dans la Seconde Guerre mondiale. Quant au maréchal
Paulus, il est prestement retourné par les Soviétiques et se met au
service de leur propagande antinazie.
Incidemment, l'immense succès de Stalingrad, attribué à Staline, qui
plus est dans la ville qui porte son nom, va contribuer à la gloire
universelle du dictateur et pour longtemps faire oublier ses crimes
innombrables.
Guerre totale
Les armées allemandes qui s'étaient avancées vers le Caucase doivent
en toute hâte se replier de 600 kilomètres pour éviter l'encerclement.
Le 5 juillet 1943, le général von Manstein tente de reprendre
l'initiative dans la région de Koursk, à l'ouest du Don. La bataille met
aux prises 3.500 engins blindés allemands et autant de soviétiques. Au
bout d'une semaine, les Allemands, qui ont perdu plus de 100.000 hommes,
abandonnent la partie. Ils entament leur retraite. Celle-ci s'achèvera
près de deux ans plus tard dans les ruines de Berlin.
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