Le
comte de Chambord s'éteint le 24 août. Le comte de Paris semble
s'imposer à la tête de la maison de France. Mais dans l'entourage de la
comtesse de Chambord, certains contestent le droit des Orléans : pour
eux la couronne de France doit revenir à l'aîné de tous les Bourbons.
Cette année-là, Henri V comte de Chambord, soixante-trois ans, petit-fils de Charles X, de jure roi de France depuis le 2 août 1830, s'éteignit le 24 août en exil à Frohsdorf. Depuis l'échec de la restauration monarchique en 1873, il n'avait renoncé à rien et se tenait toujours très informé des affaires de France.
Philippe VII
Il avait appris avec peine les succès des républicains, lesquels, depuis la démission du maréchal de Mac-Mahon, président de la République, en 1878, accaparaient tous les pouvoirs. Jean-François Chiappe disait de ce roi éminemment chrétien : « Il se montre épris de modernité et souhaiterait reformer la France de saint Louis et de Philippe le Bel, créatrice des états généraux. [...] Il se passionne pour le monde ouvrier et se désespère de la condition de ces déracinés. » 1 Nous savons que, pour garder la liberté d'améliorer le sort des humbles, il refusa de régner avec le drapeau tricolore symbole à ses yeux de l'assujettissement de la couronne aux intérêts des capitalistes sans coeur.
Le drame d'Henri V fut de ne pas avoir eu d'enfant de son épouse Marie-Thérèse de Modène. La succession n'était pourtant pas un souci pour les milliers de fidèles venus de toute la France assister aux obsèques de leur roi dans la ville de Gorizia, où reposait déjà Charles X (alors en Vénétie autrichienne, aujourd'hui en Slovénie). En leur nom le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia adressa à Philippe, comte de Paris, un télégramme rédigé par René de La Tour du Pin, marquis de La Charce, et approuvé par le général de Charette, où tous les assistants saluaient en lui Philippe VII, nouveau chef de la maison de France. Quelques jours plus tard, à Paris, l'Association de la Presse monarchique et catholique, fondée l'année précédente, rendait un fervent hommage au roi défunt et saluait d'un seul coeur son successeur Philippe VII.
Une dispute déplorable
C'était là tout simplement s'inscrire dans la grande tradition capétienne qui voulait qu'en cas d'extinction d'une branche régnante de la famille, la succession revînt au chef de la branche la plus proche par ordre de primogéniture, à condition que celle-ci ne fît pas tomber la couronne dans des mains étrangères et donc ne rompît pas l'union d'âge en âge de la famille royale et de la France. C'est pour sauvegarder ce principe et empêcher la France de devenir anglaise que l'on dut exclure les femmes et leur descendance de la succession.
Il se trouva hélas un petit nombre de royalistes, notamment dans l'entourage de la comtesse de Chambord, pour contester le droit des Orléans. Pour eux la couronne de France devait revenir à l'aîné de tous les Bourbons, donc à Jean de Bourbon, comte de Montizon, infant d'Espagne (1822-1887), fils de Charles de Bourbon, lequel, refusant à sa nièce Isabelle II le titre de reine d'Espagne, était à l'origine de la branche carliste. Le comte de Montizon, par ailleurs beau-frère d'Henri V (il avait épousé Marie-Béatrice de Modène) était évidemment l'héritier en droite ligne de Philippe V, roi d'Espagne, et par celui-ci de Louis XIV. Sans même s'attarder à des considérations juridiques et spécieuses sur la valeur des renonciations de Philippe V au trône de France (traité d'Utrecht, 1713), le fait est que, les générations passant, cette branche espagnole des Bourbons s'hispanisait et pouvait de moins en moins incarner la France. On ne se transplante pas roi de France, il faut être des entrailles de la France. Or les Orléans, bien que ne descendant que du frère de Louis XIV, avaient, eux, toujours servi la France seule.
Souvenir douloureux
Hélas le débat était passionnel. On rappelait toujours Philippe Égalité : il avait voté la mort de Louis XVI en 1793, son crime était horrible, mais on oubliait qu'il s'en était repenti avant sa mort, et que le fils de celui-ci, Louis-Philippe (futur "roi des Français") s'était réconcilié avec les Bourbons dès 1809 en épousant Marie- Amélie de Bourbon-Siciles, nièce de la reine Marie-Antoinette. Quant à l'épisode fâcheux de la monarchie de Juillet, il eut au moins l'avantage de reculer de dix-huit ans l'avènement de la IIe République : Louis-Philippe ne prétendit jamais remplacer les Bourbons et, à la fin de sa vie, souhaita un rapprochement entre les deux branches, ce à quoi la reine Marie-Amélie et ses fils, notamment le duc de Nemours, s'employèrent dès 1850, et surtout en 1873. Ils trouvèrent un accueil très affectueux de la part d'Henri V, lequel déclara peu avant sa mort à un journaliste de La Liberté : « Le principe que je représente m'interdit de choisir mon successeur. Puisque j'ai le malheur de n'avoir pas d'enfant, les princes d'Orléans sont mes fils. » 2
Tout était dit, et cette parole aurait dû clore une dispute qui dure encore de nos jours, où s'engagent avec une foi monarchique indiscutablement vibrante des Français qui ne se rendent pas toujours compte que cette division risque tout simplement de rendre une fois encore impossible la restauration pourtant si nécessaire à la France...
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 18 novembre au 1er décembre 2010
1 Jean-François Chiappe : Le comte de Chambord et son mystère ; éditions Perrin, 1990.
2 Cité dans Xavier Vallat : Le Grain
Cette année-là, Henri V comte de Chambord, soixante-trois ans, petit-fils de Charles X, de jure roi de France depuis le 2 août 1830, s'éteignit le 24 août en exil à Frohsdorf. Depuis l'échec de la restauration monarchique en 1873, il n'avait renoncé à rien et se tenait toujours très informé des affaires de France.
Philippe VII
Il avait appris avec peine les succès des républicains, lesquels, depuis la démission du maréchal de Mac-Mahon, président de la République, en 1878, accaparaient tous les pouvoirs. Jean-François Chiappe disait de ce roi éminemment chrétien : « Il se montre épris de modernité et souhaiterait reformer la France de saint Louis et de Philippe le Bel, créatrice des états généraux. [...] Il se passionne pour le monde ouvrier et se désespère de la condition de ces déracinés. » 1 Nous savons que, pour garder la liberté d'améliorer le sort des humbles, il refusa de régner avec le drapeau tricolore symbole à ses yeux de l'assujettissement de la couronne aux intérêts des capitalistes sans coeur.
Le drame d'Henri V fut de ne pas avoir eu d'enfant de son épouse Marie-Thérèse de Modène. La succession n'était pourtant pas un souci pour les milliers de fidèles venus de toute la France assister aux obsèques de leur roi dans la ville de Gorizia, où reposait déjà Charles X (alors en Vénétie autrichienne, aujourd'hui en Slovénie). En leur nom le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia adressa à Philippe, comte de Paris, un télégramme rédigé par René de La Tour du Pin, marquis de La Charce, et approuvé par le général de Charette, où tous les assistants saluaient en lui Philippe VII, nouveau chef de la maison de France. Quelques jours plus tard, à Paris, l'Association de la Presse monarchique et catholique, fondée l'année précédente, rendait un fervent hommage au roi défunt et saluait d'un seul coeur son successeur Philippe VII.
Une dispute déplorable
C'était là tout simplement s'inscrire dans la grande tradition capétienne qui voulait qu'en cas d'extinction d'une branche régnante de la famille, la succession revînt au chef de la branche la plus proche par ordre de primogéniture, à condition que celle-ci ne fît pas tomber la couronne dans des mains étrangères et donc ne rompît pas l'union d'âge en âge de la famille royale et de la France. C'est pour sauvegarder ce principe et empêcher la France de devenir anglaise que l'on dut exclure les femmes et leur descendance de la succession.
Il se trouva hélas un petit nombre de royalistes, notamment dans l'entourage de la comtesse de Chambord, pour contester le droit des Orléans. Pour eux la couronne de France devait revenir à l'aîné de tous les Bourbons, donc à Jean de Bourbon, comte de Montizon, infant d'Espagne (1822-1887), fils de Charles de Bourbon, lequel, refusant à sa nièce Isabelle II le titre de reine d'Espagne, était à l'origine de la branche carliste. Le comte de Montizon, par ailleurs beau-frère d'Henri V (il avait épousé Marie-Béatrice de Modène) était évidemment l'héritier en droite ligne de Philippe V, roi d'Espagne, et par celui-ci de Louis XIV. Sans même s'attarder à des considérations juridiques et spécieuses sur la valeur des renonciations de Philippe V au trône de France (traité d'Utrecht, 1713), le fait est que, les générations passant, cette branche espagnole des Bourbons s'hispanisait et pouvait de moins en moins incarner la France. On ne se transplante pas roi de France, il faut être des entrailles de la France. Or les Orléans, bien que ne descendant que du frère de Louis XIV, avaient, eux, toujours servi la France seule.
Souvenir douloureux
Hélas le débat était passionnel. On rappelait toujours Philippe Égalité : il avait voté la mort de Louis XVI en 1793, son crime était horrible, mais on oubliait qu'il s'en était repenti avant sa mort, et que le fils de celui-ci, Louis-Philippe (futur "roi des Français") s'était réconcilié avec les Bourbons dès 1809 en épousant Marie- Amélie de Bourbon-Siciles, nièce de la reine Marie-Antoinette. Quant à l'épisode fâcheux de la monarchie de Juillet, il eut au moins l'avantage de reculer de dix-huit ans l'avènement de la IIe République : Louis-Philippe ne prétendit jamais remplacer les Bourbons et, à la fin de sa vie, souhaita un rapprochement entre les deux branches, ce à quoi la reine Marie-Amélie et ses fils, notamment le duc de Nemours, s'employèrent dès 1850, et surtout en 1873. Ils trouvèrent un accueil très affectueux de la part d'Henri V, lequel déclara peu avant sa mort à un journaliste de La Liberté : « Le principe que je représente m'interdit de choisir mon successeur. Puisque j'ai le malheur de n'avoir pas d'enfant, les princes d'Orléans sont mes fils. » 2
Tout était dit, et cette parole aurait dû clore une dispute qui dure encore de nos jours, où s'engagent avec une foi monarchique indiscutablement vibrante des Français qui ne se rendent pas toujours compte que cette division risque tout simplement de rendre une fois encore impossible la restauration pourtant si nécessaire à la France...
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 18 novembre au 1er décembre 2010
1 Jean-François Chiappe : Le comte de Chambord et son mystère ; éditions Perrin, 1990.
2 Cité dans Xavier Vallat : Le Grain
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