L’université est une invention européenne qui n’a aucun
précédent historique ou équivalent dans une autre région du monde. Elle
est la conséquence du développement urbain en Occident, et naît dans les
premiers temps d’initiatives spontanées d’association de maîtres et
d’élèves, à la fin du XIIe siècle. Ces groupements de maîtres et
d’élèves font pression tant auprès des pouvoirs ecclésiastiques que des
pouvoirs civils pour obtenir les privilèges propres à toute corporation.
Vers le milieu du XIIIe siècle, l’Université parvient à s’affranchir
des pouvoirs laïcs et épiscopaux pour ne dépendre que de la papauté.
L’Université a alors le monopole de la collation des grades et
cooptation, dispose de l’autonomie administrative (droit de faire prêter
serment à ses membres et d’en exclure), de l’autonomie judiciaire et de
l’autonomie financière.
Les papes du XIIIe ont tout intérêt à accompagner et contrôler le
développement des universités : elles fournissent les meilleurs cadres
de l’Église, apporte aux prédicateurs une argumentation contre les
hérésies, et permet de mieux définir l’orthodoxie par ses recherches
théologiques (l’Université de Toulouse sera ainsi fondée en 1229 par la
papauté pour contrer l’hérésie cathare, dès 1217 une bulle pontificale
appelle maîtres et étudiants à venir étudier et enseigner dans le Midi).
Les professeurs étaient quasiment tous des clercs. A noter que
l’enseignement était alors (théoriquement) gratuit : en effet, le savoir
étant perçu comme un don de Dieu, le vendre serait se rendre coupable
de simonie (trafic et vente des biens et sacrements de l’Église). Les
cours cesseront d’être gratuits lorsque les autorités civiles remettront
les mains sur les universités à partir du XIVe siècle.
On distingue quatre grandes facultés : la faculté des arts, la
faculté de théologie, la faculté de droit (romain et canon) et la
faculté de médecine. La faculté des arts est une faculté subalterne qui
permet d’accéder à l’une des trois facultés supérieures.
Note : Ici ne sera traité essentiellement que la faculté des arts
(on pouvait d’ailleurs très bien arrêter ses études à sa sortie). Cet
article ne se veut pas exhaustif, le sujet étant si vaste qu’il est
impossible d’être complet. Je laisse par exemple volontairement à
l’écart les querelles autour des Mendiants et autour d’Aristote…
I. L’organisation de l’Université
L’Université est une fédération de plusieurs écoles qui sont
concurrentes puisque chaque maître dirige un établissement
d’enseignement. La fréquentation de l’Université dépend en grande partie
du prestige des professeurs, et de nombreux étudiants suivent tel ou
tel maître à travers ses pérégrinations en Europe. Dans les universités
de renom, les élèves ont des origines géographiques diverses : ils se
regroupent au sein de la faculté dans les nations. Dès les
années 1220 à Paris, il y a ainsi 4 nations : Français, Normands,
Picards et Anglais. Les élèves originaires d’un même pays se groupent
ensemble : ceux des pays latins rejoignent les Français, les Germaniques
et les Slaves vont avec les Anglais, ceux de l’Ouest se placent avec
les Normands tandis que les Flamands se regroupent avec les Picards.
Chaque nation a son représentant, le procureur, qui participe avec
les représentants des autres nations à l’élection du recteur de la
faculté (qui est un maître es arts). Celui-ci a des pouvoirs étendus :
il fait libérer les étudiants arrêtés par les agents du roi pour les
faire juger au sein de l’Université, il fixe le loyer des logements et
le prix de location des livres, dirige les finances, peut infliger des
amendes et des arrêtés de suspension ou d’exclusion. Il est le
représentant de l’Université à l’extérieur avec huit bedeaux (à Paris) :
agents qui font exécuter les décisions. Son principal rôle est de
protéger les privilèges de l’Université : exemption d’impôts, de toute
forme de service militaire et surtout de toute juridiction laïque.
Les problèmes de gestion sont simples puisque l’Université ne possède
pas de bâtiments propres : le maître loue une salle à ses propres frais
quand il ne fait pas cours à l’extérieur ou à son domicile. Les
collèges (qui ne sont alors pas des établissements d’enseignement mais
des résidences où les étudiants pauvres peuvent trouver gîte et
couvert), fondés généralement par des mécènes, peuvent aussi accueillir
des cours, comme le fameux collège de Robert de Sorbon (fondé en 1253)
qui accueillera la faculté de théologie de Paris. Quant aux rentrées
d’argent, elles viennent essentiellement des amendes et des
contributions après examen.
II. Cursus et programmes
L’Université médiévale met fin à l’anarchie qui caractérise les
écoles du haut Moyen Âge au niveau du cursus et du programme. En
général, l’enseignement à la faculté des arts durait 6 ans, l’élève y
entrant vers 14 ans et y sortant vers 20 ans ; il comprend deux examens,
passés devant un jury de maîtres : le baccalauréat (attesté à Paris en
1231) au bout de deux ans (qui donne le droit de participer aux
disputes) et la licence à la fin du cursus.
Robert Grossetête (1175-1253),
évêque de Lincoln, professeur
à Oxford. Il est connu pour
ses travaux sur la lumière.
Les études « supérieures » sont souvent plus ardues et sont
enseignées après 20 ans. Les études de théologie sont les plus
difficiles, durant au minimum 8 ans (parfois jusqu’à 15 !) et requérant
l’âge de 35 ans au moins pour l’obtention du doctorat.
Les programmes d’études des facultés des arts sont basés sur ce que l’on appelle le trivium et le quadrivium,
concepts hérités du philosophe romain Boèce. La grammaire (étude de la
langue), la dialectique (art de raisonner) et la rhétorique (art de
persuader) sont les trois disciplines du trivium ; la musique, l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie forment le quadrivium. D’une manière générale, l’enseignement donne la belle place à la dialectique, devant le quadrivium et les autres disciplines du trivium. L’Angleterre en revanche met à l’honneur le quadrivium et la pensée scientifique dont les maîtres Robert Grossetête et Roger Bacon seront les plus illustres représentants.
III. Les livres
Les études universitaires supposent des livres, ce qui n’est pas sans
poser des problèmes d’ordre pratique. Avec le développement de
l’instruction, le livre doit cesser d’être un objet de luxe réservé aux
élites. Les grandes villes universitaires (comme Paris ou Bologne)
deviennent des grands centres de production de livres dont les ateliers
surpassent les scriptoria ecclésiastiques.
Le format même du livre change : les feuilles de parchemin deviennent
moins épaisses, plus souples et moins jaunes ; le livre devient plus
petit pour être transporté plus facilement ; la minuscule gothique, plus
facile à dessiner, remplace la minuscule carolingienne ; la plume d’oie
se substitue au roseau pour l’écriture ; les miniatures et enluminures
se font beaucoup plus rares, le copistes laissant des espaces blancs
pour que l’acheteur, s’il le souhaite, puisse faire peindre des
ornementations.
A la faculté des arts, les auteurs étudiés sont essentiellement, pour
la grammaire, Sénèque, Lucain, Virgile, Horace, Ovide, Cicéron. En
dialectique, la Logique de Boèce est étudiée jusqu’en 1255 au moins, puis l’Isagogue de Porphyre et l’Organon d’Aristote finissent par être pratiqués en entier. Pour le quadrivium, des traités scientifiques finissent par accompagner les vieux manuels : l’Heptateuque de Thierry de Chartres est ainsi souvent utilisé.
En droit, ce sont le Décret de Gratien, le Code de Justinien, le Liber Feudorum (lois lombardes, pour Bologne) qui sont étudiés. La faculté de médecine s’appuie surtout sur l’Ars Medecinae, recueil de textes réunis au XIe comprenant des oeuvres d’Hippocrate et de Galien auxquels s’ajoutent plus tard des œuvres d’Avicenne, d’Averroès et de Rhazès. La faculté de théologie ajoute à la Bible le Livre des Sentences de Pierre Lombard et l’Historia Scholastica de Pierre la Mangeur.
En droit, ce sont le Décret de Gratien, le Code de Justinien, le Liber Feudorum (lois lombardes, pour Bologne) qui sont étudiés. La faculté de médecine s’appuie surtout sur l’Ars Medecinae, recueil de textes réunis au XIe comprenant des oeuvres d’Hippocrate et de Galien auxquels s’ajoutent plus tard des œuvres d’Avicenne, d’Averroès et de Rhazès. La faculté de théologie ajoute à la Bible le Livre des Sentences de Pierre Lombard et l’Historia Scholastica de Pierre la Mangeur.
IV. La méthode scolastique
Cours universitaire, Liber ethicorum (Henricus de Alemania, XIVe).
L’enseignement médiéval repose pour une grand part sur l’oral et fait
appel aux capacités de mémorisation. Les traités pédagogiques donnaient
d’ailleurs des conseils pour entretenir sa mémoire et la développer.
La scolastique (de schola : école), méthode d’enseignement médiévale, se divise en trois parties : lectio, disputatio, determinatio. La lectio
(leçon) constitue le point de départ de l’enseignement et consiste en
un commentaire du texte étudié (présentation de l’ouvrage étudié, de
l’auteur, explication linéaire du texte).
S’en suit la disputatio (dispute, débat), exercice séparé de la lectio
qui consiste à discuter un point du texte. Une question peut être
imaginée par le maître puis être débattue au cours d’une séance
particulière (« Faut-il honorer ses parents ? Satan sera-t-il sauvé ?
»). La dispute oppose les bacheliers en « répondants » (respondentes) et en « opposants » (opponentes).
Le maître préside le débat, les étudiants débutants n’y participent pas
mais y assistent pour s’y préparer. Cette étape est au cœur de la
méthode scolastique, et très appréciée par les étudiants.
Quand le débat est terminé, les questions et réponses fournissent une
matière désordonnée à organiser pour former une doctrine. Cette
doctrine est élaborée par le maître et exposée durant la determinatio
(détermination), exposé doctrinal ayant lieu quelques jours après la
dispute où le maître présente le résultat de sa pensée. La doctrine est
mise à l’écrit par le maître ou un auditeur et publiée dans les Questions disputées.
Plus tard se développe la dispute quodlibétique où le maître se propose de traiter un problème par n’importe qui sur n’importe quel sujet, exercice très difficile supposant une grande vivacité d’esprit car non préparé.
Plus tard se développe la dispute quodlibétique où le maître se propose de traiter un problème par n’importe qui sur n’importe quel sujet, exercice très difficile supposant une grande vivacité d’esprit car non préparé.
Bibliographie :
LE GOFF, Jacques. Les intellectuels au Moyen Âge. Seuil, 1957.
ROUCHE, Michel. Histoire de l’enseignement et de l’éducation. 1 – Ve av. J.-C. – XVe siècle. Nouvelle Librairie de France, 1981.
VERGER, Jacques. Culture, enseignement et société en Occident aux XIIe et XIIIe siècles. PUR, 1999.
LE GOFF, Jacques. Les intellectuels au Moyen Âge. Seuil, 1957.
ROUCHE, Michel. Histoire de l’enseignement et de l’éducation. 1 – Ve av. J.-C. – XVe siècle. Nouvelle Librairie de France, 1981.
VERGER, Jacques. Culture, enseignement et société en Occident aux XIIe et XIIIe siècles. PUR, 1999.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire