Sainte
Jeanne d'Arc aura été la grande absente de 2012. C'est pourtant le 600e
anniversaire de sa naissance (6 janvier 1412). À part le show de
campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, politiques ou religieux
"officiels" ne se sont guère bousculés pour fêter l'événement. Sa
naissance figure aux Célébrations nationales 2012, coincée
entre Aristide Briand, Lucie Aubrac, Michel Debré et la loi Bonnevay de
1912 (!) (1). L’anti-France occupante vomit la Sainte de la Patrie,
c'est logique ! Dans les maigres productions de l'année johannique -
quelques rééditions et le Dictionnaire de M. Philippe Contamine, dont l'abondance de détail cache les parti-pris universitaires -, on ne retiendra qu'un livre, La vraie mission de Sainte Jehanne d'Arc, Jésus-Christ Roi de France
de L.-H. et M.-C. Remy (2), que nous n'hésitons pas à donner comme le
livre du 600e centenaire. Ces deux chercheurs - qui n'en sont pas à
leurs premiers travaux johanniques -, dévoilent au grand public ce que
seuls savaient quelques historiens : l'importance de la « triple
donation » par laquelle Jehanne, un instant Reine de France, a posé
l'acte le plus important de toute l'histoire de France. Evénement qui, à
la veille de la disparition de la France (déjà), renouvelait
solennellement le Pacte de Reims qui lie la France à Dieu. Dieu n'a pas
abandonné la France en 1429, Il ne l'abandonnera pas dans l'avenir. Le
Pape Pie XII le confirmera, en 1956, à l'occasion du 5e centenaire de la
réhabilitation de la Pucelle d'Orléans. Un thésaurus de 20
textes, fruits de longues recherches, aujourd'hui inédits et difficiles à
trouver, complète le livre. Enfin, une polémique historiographique de
haute tenue avec M. Philippe Contamine, permet de redécouvrir la somme
monumentale que constitue l'œuvre du Père Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc
(6 tomes, 1890-1901), dont les travaux servirent aux procès canoniques
de béatification et de canonisation de Jeanne d'Arc. Un cadeau
intelligent en ces temps d'étrennes et indispensable pour garder
l'espérance !
2012... COMME 1412
La France de 1412 et la France de 2012 sont le même pays ! Le même pays en voie de disparition « légale et diplomatique », livré à l'étranger par ses "élites", indifférentes à la misère de « ceux qui souffrent et qui travaillent » (3). Le Traité de stabilité budgétaire Merkozy-Merkhollande a ôté à notre pays sa souveraineté budgétaire et fiscale, après la perte de son indépendance monétaire au traité de Maëstricht (4) (1992) (5). « Berlin réfléchit à des pistes pour redresser la France » (sic, Le Figaro, 9 novembre 2012) ! Le Nouvel Économiste (7/11 novembre 2012), décrit l'armée française, « ruine en héritage »... qui ne paie même plus ses soldats ! La France disparaît dans le conglomérat anglo-germanique dont Bruxelles est le chef-lieu. En 1412, une Europe unie se préparait aussi, troublante de ressemblance avec celle d'aujourd'hui. La victoire de l'Angleterre - toujours plus éloignée de la Romanité, dominée par les puissances d'argent et de commerce, anonymes et cosmopolites - apparaissait inévitable. Chez Henri V d'Angleterre, le désir de conquérir nos provinces ne tient pas à la seule satisfaction dynastique. L'extension de son pouvoir, des rives de la mer du Nord au golfe de Gascogne, recouvre des ambitions dépassant les limites de la conquête qu'il poursuit avec une froide persévérance : « Le plan du Lancastre, écrit Joseph Calmette, est celui de la destruction de l'indépendance française ; sous les apparences d'un dualisme, il rêve de la fusion en une seule monarchie du royaume d'outre-Manche et du vieux royaume capétien. Une unification de l'Occident se cache derrière ce titre qui va reprendre vigueur avec un accent nouveau : « Roi de France et d'Angleterre » (6). L'impérialisme économique de ses marchands le pousse... jusqu'en Prusse. Et à peine signé le Traité de Troyes (21 mai 1420, qui prévoit de réunir, sous l'autorité du roi anglais, les deux royaumes à la mort de Charles VI Le Fol (7), le roi d'Angleterre fait partir de cette ville un ambassadeur, Gilbert de Lannoy, vers la Syrie, l'Egypte et la Palestine, pour s'assurer la maîtrise des marchés du Levant. Le roi anglais se voit à la tête d'un empire avec, pour capitales, Londres, Paris et... Jérusalem ! Déjà la Trilatérale !
Le désastre d'Azincourt (25 octobre 1415) a définitivement convaincu les puissances européennes - sauf le Pape - de la disparition prochaine de la France. Elles ne tardent plus à s'aligner sur le vainqueur anglais. Toute une série de pactes se conclut entre les princes d'Empire (germanique), les républiques commerciales de la Hanse, la République de Gênes et l'Angleterre. Le plus lourdement symbolique est le voyage de l'empereur germanique Sigismond en Angleterre en août 1416 où il signe avec le Lancastre, à Canterbury, un « traité d'amitié ». Le premier axe Londres-Berlin, en quelque sorte. Le coup de grâce est porté par le Bourguignon, émancipé du tronc royal depuis 1363 et dont les domaines comprennent les Flandres, commercialement tournées vers l'Angleterre. Le 16 octobre 1416, le duc de Bourgogne Jean sans Peur, s'engage à Calais, par un accord secret, à laisser le roi d'Angleterre envahir la France « par toutes les voies et manières qu'il saura ». Il escompte pour prix de sa trahison les riches provinces du Nord et de l'Est, une partie des Pays-Bas et du Luxembourg (dont son allié, le Comte Jean II, vendra en 1430 Jeanne aux Anglais pour 10 000 livres d'or (9). L'axe Londres-Berlin s'appuie sur Anvers et les Flandres (9), préfigurant ce « capitalisme rhénan » qui serait, selon les eurocrates, l'axe majeur de l'économie continentale. Un axe qui marginalisait déjà la France.
Profitant d'une Europe en proie à toutes les hérésies (Wicleff, Hussites, Lollards, Vaudois...) et divisée par le Grand-Schisme (où le roi de France a eu une part prépondérante, d'où le châtiment de la Guerre de Cent ans) - désordres d'où devait sortir la prétendue Réforme -, l'islam redevient conquérant. Turcs et Mamelouks égyptiens ravagent les côtes méditerranéennes. En 1415, le sultan turc Mahomet 1er, dans un raid sur... Salzbourg, razzie 30 000 personnes. Aux ambassadeurs de Chypre qui le menacent en 1425 d'une « coalition européenne », le sultan d'Egypte répond : « Le Roi de France dort, le Soudan tient les autres pour rien ». L'année suivante, il conquiert... Chypre et enlève 20 000 chrétiens.
CORRUPTION ET TRAHISON DES "ÉLITES"
La Chrétienté médiévale, la France en premier lieu, avait, pour le bien des peuples, une structure de gouvernement à mille lieues des fadaises démocratiques. Il y a un gouvernant, le roi, revêtu de l'onction sacrée et roi « de plein exercice » à compter seulement de ce moment (Jeanne appelle toujours Charles VII "dauphin" tant qu'il n'est pas sacré). Il gouverne, c'est-à-dire légifère, ordonne, administre la justice (pas de « séparation des pouvoirs »). Il y a, en-dessous de lui, les gouvernés. Gouvernés qui comprennent d'une part, une élite restreinte de familles ayant rendu au Royaume des services sur plusieurs générations, et, d'autre part, le reste des gouvernés qui vaque à ses affaires privées, sans jamais se mêler de "politique". L'élite - aristocratie, noblesse, magistrature, appelons-la comme on veut, ne dirige pas le royaume, elle n'est que le "commis" du roi. Qu'elle se dresse contre son roi, comme le Bourguignon et ses partisans, ou se coalise pour lui imposer ses vues et ses intérêts, comme en Angleterre, et c'est tout l'édifice social qui est ébranlé. Le bien particulier des puissants remplace le Bien commun. Aussi, les premières révolutions d'inspiration démocratique ou communisante apparaissent-elles aux 14e-15e siècles (révolte gantoise, 1340, mouvement d'Etienne Marcel, 1358, révolte cabochienne, 1413, guerres hussites...).
À compter des débuts du 15e siècle, certaines élites politiques, économiques et intellectuelles (cléricales) se coalisent à l'intérieur et au-delà des frontières (Bedford, régent d'Angleterre, épouse la sœur du Bourguignon, par exemple) pour dessiner un monde conforme à leurs intérêts. En France, en voici quelques exemples : un La Trémoille, favori imposé au dauphin Charles par le Connétable de Richemont : gouvernant « le tout dans la maison du roi », trahit au profit du Bourguignon, pille le Trésor royal, lève des impôts pour son propre compte ; un Regnault de Chartres, évêque de Reims (qui sacrera Charles VII !) Chancelier de France, très (trop) habile diplomate, tenant balance égale entre traîtres et patriotes, passé maître dans l'art d'éviter tout recours à la force face à l'anglo-bourguignon. Il y a bien évidemment le Duc de Bourgogne, ses marchands et ses financiers flamands. Ces "élites" se caractérisent plus encore par la corruption intellectuelle que par la corruption morale, même si la cour d'Isabeau de Bavière, ses bals dénudés, ses mignonnes et ses amants n'ont rien à envier aux turpitudes sexuelles des puissants d'aujourd'hui.
Il y a enfin la cléricature de Sorbonne, suppôt de l'anglo-bourguignon jusqu'à l'ignoble, dressée contre la chaire de vérité romaine lors des anti-conciles de Bâle et de Constance. Ancêtres de nos technocrates et autres managers, se qualifiant de « lumière du monde », les clercs de Sorbonne fournissent aux successifs puissants du jour les montages dialectiques (théologiques) et juridiques de toutes les forfaitures. Le recteur de l'Université de Paris, Jean Petit, justifia avec force contorsions "théologiques" le meurtre du Duc d'Orléans commis sur l'ordre de Jean Sans Peur (27 novembre 1407), meurtre que ce dernier avait publiquement avoué. La cléricature parisienne approuve la disparition du royaume capétien avec des "arguments" bien proches de ceux des "élites" du référendum de 2005. Nicolas Midy, clerc de l'Université de Paris, l'un des assesseurs les plus acharnés contre Jeanne d'Arc au procès de Rouen, harangue ainsi Henri VI (âgé... d'un an), « roi de France et d'Angleterre », à son entrée dans Paris : « L'Université voit se réaliser en vous le lien éminent de la chrétienté, l'union des deux royaumes, autrefois divisés et en discorde, d'où les guerres, les séditions, la ruine des églises, l'amoindrissement du culte ; aujourd'hui, grâce à cette union que vous réalisez et avec la grâce de Dieu (sic !), tous les maux cesseront (10) comme il faut l'espérer ». Avec de telles "élites", hier comme aujourd'hui, tout redressement est impossible. La « régénération nationale » ne peut être l'œuvre que de la Providence. Il reste au peuple à la demander !
« VA, FILLE DE DIEU ! »
Jeanne d'Arc, c'est la gifle providentielle qui renverse le sort et stupéfie l'Europe, les documents diplomatiques en font foi. C'est la « paysanelle inspirée » prise dans le peuple pour briser l'orgueil des "élites". Sa pureté respire l'air du Ciel et chasse l'air empuanti des cours où se trafique à prix d'or la vie des peuples, elle balaie la politicaillerie des habiles et la lâcheté des foules. Qu'elle fasse se confesser les soudards de Dunois, cesser les jurons d'un La Hire, qu'elle chasse les prostituées des camps, qu'elle s'impose sans violence au Dauphin, à la Cour, à ses juges (ils n'en sont que plus arrogants), voilà le résultat de cette vertu qui déplace les montagnes. « La pucelle, tout le monde comprend ce générique, devenu un nom propre, tout comme l'on comprend cet autre, la Vierge... La virginité a donné son nom à la Libératrice de la France, comme elle l'a donné à la Libératrice du genre humain »(11).
Elle incarne la solution à laquelle personne ne pensait, parce que venue d'En-Haut et qu'elle seule pouvait représenter. Elle est le glaive qui tranche entre la France de la Noël 496 et ses contrefaçons, présentes et futures, le remède à l'impuissance humaine face au Surnaturel incarné dans l'Histoire. « À qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines » (12). Restaurer le gouvernant légitime (le Dauphin/Roi Charles VII) conformément au Pacte de Reims, telle est la vraie mission de Jeanne d'Arc, bien au-delà de la libération du territoire. La France, on le sait, doit son existence à un acte surnaturel, le Baptême de Reims. La Loi salique, Coutume fondamentale, en rappelle l'origine et le mode de gouvernement : « La Nation des Francs, illustre, ayant Dieu pour fondateur... Vive le Christ qui aime les Francs, qu'il garde leur royaume et remplisse leurs chefs des lumières de Sa grâce... ».
Elle est la messagère inspirée de la politique divine pour la France, dont la légitimité n'est affectée par aucune discontinuité humaine (13). C'est le sens de la triple donation, cœur et secret de la régénération, en 1412 comme en 2012. Le 21 juin 1429, à 16 heures, Jeanne d'Arc est avec le Dauphin à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, là où sont la plupart des reliques de Saint Benoît. Le père abbé était le frère de Regnault de Chartres. La Trémoille est resté à Sully-sur-Loire. L'événement historique nous est rapporté par le Breviarium historiale, texte rédigé au cours de l'été 1429 pour le pape Martin V (qui ne douta jamais de la légitimité du dauphin Charles). Son auteur (14) est le dominicain Jean Dupuy, ancien inquisiteur de Toulouse, plus tard évêque de Cahors. La scène s'est passée en présence de nombreux laïcs et ecclésiastiques de haut rang.
En voici la traduction française du texte latin original : « Jehanne dit à Charles : "Sire, me promettez-vous de me donner ce que je vous demanderai ?". Le Roi hésite, puis consent. "Sire, donnez-moi votre royaume". Le Roi, stupéfait, hésite de nouveau ; mais, tenu par sa promesse et subjugué par l'ascendant surnaturel de la jeune fille : "Jehanne, lui répondit-il, je vous donne mon royaume ". Cela ne suffit pas : la Pucelle exige qu'un acte notarié en soit solennellement dressé et signé par les quatre secrétaires du Roi ; après quoi, voyant celui-ci tout interdit et embarrassé de ce qu'il avait fait : "Voici le plus pauvre chevalier de France : il n'a plus rien". Puis aussitôt après, très grave et s'adressant aux secrétaires : "Écrivez, dit-elle : Jehanne donne le royaume à Jésus-Christ". Et bientôt après : "Jésus rend le royaume à Charles" ».
La France n'a jamais abjuré ce pacte et ceux qui, en son nom, en inscrivirent un tout contraire agissaient sans mandat, ou plutôt au rebours de leur mandat. Jésus-Christ Roi ! Ce programme, la vieille France nous le lègue brûlant des ardeurs de quatorze (15) siècles, scellé du sang de cent générations. « La vieille et glorieuse mère tressaillira dans la poussière du tombeau et des siècles, le jour où des hommes de cœur le publieront hautement ; elle nous reconnaîtra pour ses fils ; elle nous reconnaîtra de son sang, parce qu'elle retrouvera ses accents dans notre voix, et ses enthousiasmes dans les flammes de notre cœur. Elle se sentira revivre. Ce qui fut l'âme de la vieille France sera l'âme de la nouvelle. Et la chaîne des temps sera renouée » (16).
1412-2012 : De son temps, Jeanne d’Arc est, plus que jamais, de notre temps !
Thierry MARTIN. Rivarol du 30 novembre 2012
notes :
1- Habitations à bon marché, ancêtres du logement social.
2- A.C.R.F., BP. 2, 44140 AIGREFEUILLE, 400 pages, 25 € franco. Gros succès, le premier mille est parti en un mois et demi !
3- St Pie X, Lettre sur le Sillon, 25 août 1910.
4- Ville des... Pays-Bas devant laquelle tomba D’Artagnan, le 25 juin 1673 !
5- Le traité d'Amsterdam (1997) a fait perdre à la France sa souveraineté intérieure (sécurité, justice), celui de Nice (2001) dilue la place de la France dans les institutions bruxelloises (« majorité qualifiée », nombre de députés à Strasbourg. ..). Le Traité de Lisbonne (« constitution européenne » rejetée en mai 2005) acte le passage à l'Etat fédéral de quasi-plein droit (transfert de la politique étrangère). La réintégration dans l'Otan (Sarkozy, 2009) liquide notre autonomie stratégique et notre industrie de défense.
6- Le 16 juin 1940, De Gaulle vint proposer au gouvernement français, sur ordre de Churchill conseillé par Jean Monnet, « la fusion de la France et de l'Angleterre avec parlement commun à Londres ». En 1956, Guy Mollet envisagea au moment de l'affaire de Suez, avec Anthony Eden, une fédération des deux pays, la reine d'Angleterre devenant souveraine des deux pays. Sarkozy a proposé de fusionner la force de frappe française avec l'anglaise (qui est sous « double clé » américaine). Les "élites" ou le parti de l'étranger.
7- Vraisemblablement drogué, selon l'étude d'un médecin légiste contemporain, Dr. Jean-Claude Lemaire, 1380-1422, Le roi empoisonné, la vérité sur la folie de Charles VI, éd. SPL, 1977. Charles VI mourra en 1422.
8- Origine de la prospérité de cette principauté fiscale nichée au cœur de l'Union bruxelloise, recyclant de l'argent sale : affaires Clearstream, Luxalpha (Madoff), Heine/Karachi... 46 % du PIB luxembourgeois sont tirés de ses activités financières.
9 »- L’indépendance » de la Flandre d'un Bart de Wever ne doit pas faire illusion ; ça n'a rien d'un projet "identitaire" et tout d'un projet euro-fédéraliste. La section de Bruxelles du Vlaams Belang a relevé avec raison « le Frankenstein politico-médiatique, produit et sponsorisé par le régime, bricolé pour servir de caisse de résonance à une partie du patronat flamand ». C'est encore pire, en réalité.
10- Grâce à "l'Union", tout ira mieux demain, entendait-on. Le traité constitutionnel fut approuvé par 90 % des députés, rejeté par 55 % du peuple français.
11- Père J.B.J Ayroles, Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France, éd.Saint-Remi, page 60.
12- Léon XIII, Rerum novarum, 1891.
13- Tout ce qui a eu lieu depuis 1789 sera tenu pour « nul et entièrement vain ».
14- Delisle (Léopold), Nouveau témoignage relatif à la mission de Jehanne d'Arc, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, octobre 1885, pp. 649-668. Découverte faite par Ugo Balzani, in Père J.B.J Ayroles, La vraie Jehanne d'Arc, tome I, pages 53-58.
15- Quinze aujourd'hui.
16- Père J.B.J Ayroles, Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France, éd. Saint-Remi, page 292.
2012... COMME 1412
La France de 1412 et la France de 2012 sont le même pays ! Le même pays en voie de disparition « légale et diplomatique », livré à l'étranger par ses "élites", indifférentes à la misère de « ceux qui souffrent et qui travaillent » (3). Le Traité de stabilité budgétaire Merkozy-Merkhollande a ôté à notre pays sa souveraineté budgétaire et fiscale, après la perte de son indépendance monétaire au traité de Maëstricht (4) (1992) (5). « Berlin réfléchit à des pistes pour redresser la France » (sic, Le Figaro, 9 novembre 2012) ! Le Nouvel Économiste (7/11 novembre 2012), décrit l'armée française, « ruine en héritage »... qui ne paie même plus ses soldats ! La France disparaît dans le conglomérat anglo-germanique dont Bruxelles est le chef-lieu. En 1412, une Europe unie se préparait aussi, troublante de ressemblance avec celle d'aujourd'hui. La victoire de l'Angleterre - toujours plus éloignée de la Romanité, dominée par les puissances d'argent et de commerce, anonymes et cosmopolites - apparaissait inévitable. Chez Henri V d'Angleterre, le désir de conquérir nos provinces ne tient pas à la seule satisfaction dynastique. L'extension de son pouvoir, des rives de la mer du Nord au golfe de Gascogne, recouvre des ambitions dépassant les limites de la conquête qu'il poursuit avec une froide persévérance : « Le plan du Lancastre, écrit Joseph Calmette, est celui de la destruction de l'indépendance française ; sous les apparences d'un dualisme, il rêve de la fusion en une seule monarchie du royaume d'outre-Manche et du vieux royaume capétien. Une unification de l'Occident se cache derrière ce titre qui va reprendre vigueur avec un accent nouveau : « Roi de France et d'Angleterre » (6). L'impérialisme économique de ses marchands le pousse... jusqu'en Prusse. Et à peine signé le Traité de Troyes (21 mai 1420, qui prévoit de réunir, sous l'autorité du roi anglais, les deux royaumes à la mort de Charles VI Le Fol (7), le roi d'Angleterre fait partir de cette ville un ambassadeur, Gilbert de Lannoy, vers la Syrie, l'Egypte et la Palestine, pour s'assurer la maîtrise des marchés du Levant. Le roi anglais se voit à la tête d'un empire avec, pour capitales, Londres, Paris et... Jérusalem ! Déjà la Trilatérale !
Le désastre d'Azincourt (25 octobre 1415) a définitivement convaincu les puissances européennes - sauf le Pape - de la disparition prochaine de la France. Elles ne tardent plus à s'aligner sur le vainqueur anglais. Toute une série de pactes se conclut entre les princes d'Empire (germanique), les républiques commerciales de la Hanse, la République de Gênes et l'Angleterre. Le plus lourdement symbolique est le voyage de l'empereur germanique Sigismond en Angleterre en août 1416 où il signe avec le Lancastre, à Canterbury, un « traité d'amitié ». Le premier axe Londres-Berlin, en quelque sorte. Le coup de grâce est porté par le Bourguignon, émancipé du tronc royal depuis 1363 et dont les domaines comprennent les Flandres, commercialement tournées vers l'Angleterre. Le 16 octobre 1416, le duc de Bourgogne Jean sans Peur, s'engage à Calais, par un accord secret, à laisser le roi d'Angleterre envahir la France « par toutes les voies et manières qu'il saura ». Il escompte pour prix de sa trahison les riches provinces du Nord et de l'Est, une partie des Pays-Bas et du Luxembourg (dont son allié, le Comte Jean II, vendra en 1430 Jeanne aux Anglais pour 10 000 livres d'or (9). L'axe Londres-Berlin s'appuie sur Anvers et les Flandres (9), préfigurant ce « capitalisme rhénan » qui serait, selon les eurocrates, l'axe majeur de l'économie continentale. Un axe qui marginalisait déjà la France.
Profitant d'une Europe en proie à toutes les hérésies (Wicleff, Hussites, Lollards, Vaudois...) et divisée par le Grand-Schisme (où le roi de France a eu une part prépondérante, d'où le châtiment de la Guerre de Cent ans) - désordres d'où devait sortir la prétendue Réforme -, l'islam redevient conquérant. Turcs et Mamelouks égyptiens ravagent les côtes méditerranéennes. En 1415, le sultan turc Mahomet 1er, dans un raid sur... Salzbourg, razzie 30 000 personnes. Aux ambassadeurs de Chypre qui le menacent en 1425 d'une « coalition européenne », le sultan d'Egypte répond : « Le Roi de France dort, le Soudan tient les autres pour rien ». L'année suivante, il conquiert... Chypre et enlève 20 000 chrétiens.
CORRUPTION ET TRAHISON DES "ÉLITES"
La Chrétienté médiévale, la France en premier lieu, avait, pour le bien des peuples, une structure de gouvernement à mille lieues des fadaises démocratiques. Il y a un gouvernant, le roi, revêtu de l'onction sacrée et roi « de plein exercice » à compter seulement de ce moment (Jeanne appelle toujours Charles VII "dauphin" tant qu'il n'est pas sacré). Il gouverne, c'est-à-dire légifère, ordonne, administre la justice (pas de « séparation des pouvoirs »). Il y a, en-dessous de lui, les gouvernés. Gouvernés qui comprennent d'une part, une élite restreinte de familles ayant rendu au Royaume des services sur plusieurs générations, et, d'autre part, le reste des gouvernés qui vaque à ses affaires privées, sans jamais se mêler de "politique". L'élite - aristocratie, noblesse, magistrature, appelons-la comme on veut, ne dirige pas le royaume, elle n'est que le "commis" du roi. Qu'elle se dresse contre son roi, comme le Bourguignon et ses partisans, ou se coalise pour lui imposer ses vues et ses intérêts, comme en Angleterre, et c'est tout l'édifice social qui est ébranlé. Le bien particulier des puissants remplace le Bien commun. Aussi, les premières révolutions d'inspiration démocratique ou communisante apparaissent-elles aux 14e-15e siècles (révolte gantoise, 1340, mouvement d'Etienne Marcel, 1358, révolte cabochienne, 1413, guerres hussites...).
À compter des débuts du 15e siècle, certaines élites politiques, économiques et intellectuelles (cléricales) se coalisent à l'intérieur et au-delà des frontières (Bedford, régent d'Angleterre, épouse la sœur du Bourguignon, par exemple) pour dessiner un monde conforme à leurs intérêts. En France, en voici quelques exemples : un La Trémoille, favori imposé au dauphin Charles par le Connétable de Richemont : gouvernant « le tout dans la maison du roi », trahit au profit du Bourguignon, pille le Trésor royal, lève des impôts pour son propre compte ; un Regnault de Chartres, évêque de Reims (qui sacrera Charles VII !) Chancelier de France, très (trop) habile diplomate, tenant balance égale entre traîtres et patriotes, passé maître dans l'art d'éviter tout recours à la force face à l'anglo-bourguignon. Il y a bien évidemment le Duc de Bourgogne, ses marchands et ses financiers flamands. Ces "élites" se caractérisent plus encore par la corruption intellectuelle que par la corruption morale, même si la cour d'Isabeau de Bavière, ses bals dénudés, ses mignonnes et ses amants n'ont rien à envier aux turpitudes sexuelles des puissants d'aujourd'hui.
Il y a enfin la cléricature de Sorbonne, suppôt de l'anglo-bourguignon jusqu'à l'ignoble, dressée contre la chaire de vérité romaine lors des anti-conciles de Bâle et de Constance. Ancêtres de nos technocrates et autres managers, se qualifiant de « lumière du monde », les clercs de Sorbonne fournissent aux successifs puissants du jour les montages dialectiques (théologiques) et juridiques de toutes les forfaitures. Le recteur de l'Université de Paris, Jean Petit, justifia avec force contorsions "théologiques" le meurtre du Duc d'Orléans commis sur l'ordre de Jean Sans Peur (27 novembre 1407), meurtre que ce dernier avait publiquement avoué. La cléricature parisienne approuve la disparition du royaume capétien avec des "arguments" bien proches de ceux des "élites" du référendum de 2005. Nicolas Midy, clerc de l'Université de Paris, l'un des assesseurs les plus acharnés contre Jeanne d'Arc au procès de Rouen, harangue ainsi Henri VI (âgé... d'un an), « roi de France et d'Angleterre », à son entrée dans Paris : « L'Université voit se réaliser en vous le lien éminent de la chrétienté, l'union des deux royaumes, autrefois divisés et en discorde, d'où les guerres, les séditions, la ruine des églises, l'amoindrissement du culte ; aujourd'hui, grâce à cette union que vous réalisez et avec la grâce de Dieu (sic !), tous les maux cesseront (10) comme il faut l'espérer ». Avec de telles "élites", hier comme aujourd'hui, tout redressement est impossible. La « régénération nationale » ne peut être l'œuvre que de la Providence. Il reste au peuple à la demander !
« VA, FILLE DE DIEU ! »
Jeanne d'Arc, c'est la gifle providentielle qui renverse le sort et stupéfie l'Europe, les documents diplomatiques en font foi. C'est la « paysanelle inspirée » prise dans le peuple pour briser l'orgueil des "élites". Sa pureté respire l'air du Ciel et chasse l'air empuanti des cours où se trafique à prix d'or la vie des peuples, elle balaie la politicaillerie des habiles et la lâcheté des foules. Qu'elle fasse se confesser les soudards de Dunois, cesser les jurons d'un La Hire, qu'elle chasse les prostituées des camps, qu'elle s'impose sans violence au Dauphin, à la Cour, à ses juges (ils n'en sont que plus arrogants), voilà le résultat de cette vertu qui déplace les montagnes. « La pucelle, tout le monde comprend ce générique, devenu un nom propre, tout comme l'on comprend cet autre, la Vierge... La virginité a donné son nom à la Libératrice de la France, comme elle l'a donné à la Libératrice du genre humain »(11).
Elle incarne la solution à laquelle personne ne pensait, parce que venue d'En-Haut et qu'elle seule pouvait représenter. Elle est le glaive qui tranche entre la France de la Noël 496 et ses contrefaçons, présentes et futures, le remède à l'impuissance humaine face au Surnaturel incarné dans l'Histoire. « À qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines » (12). Restaurer le gouvernant légitime (le Dauphin/Roi Charles VII) conformément au Pacte de Reims, telle est la vraie mission de Jeanne d'Arc, bien au-delà de la libération du territoire. La France, on le sait, doit son existence à un acte surnaturel, le Baptême de Reims. La Loi salique, Coutume fondamentale, en rappelle l'origine et le mode de gouvernement : « La Nation des Francs, illustre, ayant Dieu pour fondateur... Vive le Christ qui aime les Francs, qu'il garde leur royaume et remplisse leurs chefs des lumières de Sa grâce... ».
Elle est la messagère inspirée de la politique divine pour la France, dont la légitimité n'est affectée par aucune discontinuité humaine (13). C'est le sens de la triple donation, cœur et secret de la régénération, en 1412 comme en 2012. Le 21 juin 1429, à 16 heures, Jeanne d'Arc est avec le Dauphin à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, là où sont la plupart des reliques de Saint Benoît. Le père abbé était le frère de Regnault de Chartres. La Trémoille est resté à Sully-sur-Loire. L'événement historique nous est rapporté par le Breviarium historiale, texte rédigé au cours de l'été 1429 pour le pape Martin V (qui ne douta jamais de la légitimité du dauphin Charles). Son auteur (14) est le dominicain Jean Dupuy, ancien inquisiteur de Toulouse, plus tard évêque de Cahors. La scène s'est passée en présence de nombreux laïcs et ecclésiastiques de haut rang.
En voici la traduction française du texte latin original : « Jehanne dit à Charles : "Sire, me promettez-vous de me donner ce que je vous demanderai ?". Le Roi hésite, puis consent. "Sire, donnez-moi votre royaume". Le Roi, stupéfait, hésite de nouveau ; mais, tenu par sa promesse et subjugué par l'ascendant surnaturel de la jeune fille : "Jehanne, lui répondit-il, je vous donne mon royaume ". Cela ne suffit pas : la Pucelle exige qu'un acte notarié en soit solennellement dressé et signé par les quatre secrétaires du Roi ; après quoi, voyant celui-ci tout interdit et embarrassé de ce qu'il avait fait : "Voici le plus pauvre chevalier de France : il n'a plus rien". Puis aussitôt après, très grave et s'adressant aux secrétaires : "Écrivez, dit-elle : Jehanne donne le royaume à Jésus-Christ". Et bientôt après : "Jésus rend le royaume à Charles" ».
La France n'a jamais abjuré ce pacte et ceux qui, en son nom, en inscrivirent un tout contraire agissaient sans mandat, ou plutôt au rebours de leur mandat. Jésus-Christ Roi ! Ce programme, la vieille France nous le lègue brûlant des ardeurs de quatorze (15) siècles, scellé du sang de cent générations. « La vieille et glorieuse mère tressaillira dans la poussière du tombeau et des siècles, le jour où des hommes de cœur le publieront hautement ; elle nous reconnaîtra pour ses fils ; elle nous reconnaîtra de son sang, parce qu'elle retrouvera ses accents dans notre voix, et ses enthousiasmes dans les flammes de notre cœur. Elle se sentira revivre. Ce qui fut l'âme de la vieille France sera l'âme de la nouvelle. Et la chaîne des temps sera renouée » (16).
1412-2012 : De son temps, Jeanne d’Arc est, plus que jamais, de notre temps !
Thierry MARTIN. Rivarol du 30 novembre 2012
notes :
1- Habitations à bon marché, ancêtres du logement social.
2- A.C.R.F., BP. 2, 44140 AIGREFEUILLE, 400 pages, 25 € franco. Gros succès, le premier mille est parti en un mois et demi !
3- St Pie X, Lettre sur le Sillon, 25 août 1910.
4- Ville des... Pays-Bas devant laquelle tomba D’Artagnan, le 25 juin 1673 !
5- Le traité d'Amsterdam (1997) a fait perdre à la France sa souveraineté intérieure (sécurité, justice), celui de Nice (2001) dilue la place de la France dans les institutions bruxelloises (« majorité qualifiée », nombre de députés à Strasbourg. ..). Le Traité de Lisbonne (« constitution européenne » rejetée en mai 2005) acte le passage à l'Etat fédéral de quasi-plein droit (transfert de la politique étrangère). La réintégration dans l'Otan (Sarkozy, 2009) liquide notre autonomie stratégique et notre industrie de défense.
6- Le 16 juin 1940, De Gaulle vint proposer au gouvernement français, sur ordre de Churchill conseillé par Jean Monnet, « la fusion de la France et de l'Angleterre avec parlement commun à Londres ». En 1956, Guy Mollet envisagea au moment de l'affaire de Suez, avec Anthony Eden, une fédération des deux pays, la reine d'Angleterre devenant souveraine des deux pays. Sarkozy a proposé de fusionner la force de frappe française avec l'anglaise (qui est sous « double clé » américaine). Les "élites" ou le parti de l'étranger.
7- Vraisemblablement drogué, selon l'étude d'un médecin légiste contemporain, Dr. Jean-Claude Lemaire, 1380-1422, Le roi empoisonné, la vérité sur la folie de Charles VI, éd. SPL, 1977. Charles VI mourra en 1422.
8- Origine de la prospérité de cette principauté fiscale nichée au cœur de l'Union bruxelloise, recyclant de l'argent sale : affaires Clearstream, Luxalpha (Madoff), Heine/Karachi... 46 % du PIB luxembourgeois sont tirés de ses activités financières.
9 »- L’indépendance » de la Flandre d'un Bart de Wever ne doit pas faire illusion ; ça n'a rien d'un projet "identitaire" et tout d'un projet euro-fédéraliste. La section de Bruxelles du Vlaams Belang a relevé avec raison « le Frankenstein politico-médiatique, produit et sponsorisé par le régime, bricolé pour servir de caisse de résonance à une partie du patronat flamand ». C'est encore pire, en réalité.
10- Grâce à "l'Union", tout ira mieux demain, entendait-on. Le traité constitutionnel fut approuvé par 90 % des députés, rejeté par 55 % du peuple français.
11- Père J.B.J Ayroles, Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France, éd.Saint-Remi, page 60.
12- Léon XIII, Rerum novarum, 1891.
13- Tout ce qui a eu lieu depuis 1789 sera tenu pour « nul et entièrement vain ».
14- Delisle (Léopold), Nouveau témoignage relatif à la mission de Jehanne d'Arc, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, octobre 1885, pp. 649-668. Découverte faite par Ugo Balzani, in Père J.B.J Ayroles, La vraie Jehanne d'Arc, tome I, pages 53-58.
15- Quinze aujourd'hui.
16- Père J.B.J Ayroles, Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France, éd. Saint-Remi, page 292.
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