La
brève histoire de la République de Weimar (1919 – 1933) reste une leçon
de choses politiques. Comment un régime a-t-il pu courir à sa fin sans
pouvoir se réformer ? Comment un régime a-t-il pu se rendre assez
détestable pour que le peuple confie le pouvoir à des ennemis de la
République ?
L’historien
Horst Möller s’attache avant tout dans son livre sur Weimar qui vient
d’être traduit, aux aspects politiques de l’histoire de cette République
au destin tragique. Née d’une défaite, la République de Weimar a porté
le poids d’une paix humiliante, le Diktat, conséquence d’une
guerre voulue et menée par d’autres. Et en conséquence perdue par
d’autres. Ce fut sa première tare, que ne lui pardonnera pas
l’opposition nationaliste. Elle fut aussi confrontée à l’hostilité des
communistes allemands et à leur isolement politique, hors de toute
possible coalition de gauche, qui eut pu défendre la République.
Les
raisons proprement politiques et institutionnelles de l’échec de Weimar
tiennent en quelques points. Le premier est que la proportionnelle
intégrale ne permettait pas que se dégage une majorité. D’où une
combinaison d’équilibre instable autour du S.P.D. social-démocrate, ou
du Zentrum catholique. Contrairement à certains idées reçues,
le régime n’était pas réellement parlementaire, et encore moins
primo-ministériel (le chancelier étant en Allemagne l’équivalent de
notre Premier ministre). Le Président de la République avait beaucoup de
pouvoirs, notamment celui de dissoudre le Reichstag, mais ces
pouvoirs étaient plus des pouvoirs d’empêcher que des pouvoirs d’agir.
En outre, la personnalité des présidents n’était sans doute pas celle
qu’auraient nécessité les circonstances. Friedrich Ebert, président de
1918 à 1925, était un social-démocrate légaliste et assurément honnête
homme mais réservé. Paul von Hindenburg, tiré de sa retraite en 1925 par
une coalition hétéroclite de nationalistes, y compris le N.S.D.A.P., et
de conservateurs, n’était qu’un garant par défaut de la République.
C’était un nostalgique de la monarchie qui s’accommodera de la
République sans capacité de la réformer pour la sauver. Il sera réélu en
1932. Ni l’un ni l’autre des présidents n’étaient des hommes aptes à
trancher et à décider des grandes questions.
L’impossibilité
de dégager des majorités aboutit les dernières années de Weimar, en
pleine crise économique et extension du chômage de masse, a accentué le
présidentialisme des pratiques constitutionnelles, d’où la création de
« cabinets présidentiels ». Il s’agissait là de ministères dépendant
d’un chancelier nommé par le président, sans appui par une majorité
parlementaire.
Une
des leçons de Weimar est qu’un régime présidentiel n’a de sens que si
le président est une personnalité exceptionnelle qui réussit à être
directement soutenu par une franche majorité du peuple. Une autre leçon
est qu’un régime parlementaire nécessite pour fonctionner correctement
une loi électorale permettant la gouvernabilité : prime majoritaire ou
scrutin uninominal à un tour (système anglais) ou à deux tours (système
français). Mais plus profondément il n’y a pas de régime qui puisse se
maintenir sans répondre aux aspirations essentielles du peuple : du
travail, de la dignité, l’indépendance du pays.
Pierre Le Vigan http://www.europemaxima.com/
• Rappelons que l’un des grands juristes critiques de Weimar fut Carl Schmitt. Vient de paraître de lui un ouvrage fondamental Guerre discriminatoire et logique des grands espaces, Krisis, 2011, 288 p., 25 €.
• Horst Möller, La République de Weimar, 1919-1933, Tallandier, coll. « Texto », 368 p., 2011, 10 €.
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