Comme
tous les voyageurs de passage à Dakar, François Hollande devrait se
rendre à Gorée, île inscrite au patrimoine de l’humanité par l’UNESCO.
Or, ce n’est pas pour y visiter un des plus beaux sites de l’Afrique de
l’Ouest, lieu dégageant une impression envoûtante, mais pour y sacrifier
à la sempiternelle repentance.
Gorée
est en effet présentée comme ayant été une des bases de la traite par
laquelle des millions de malheureux esclaves auraient transité. Les
voyagistes américains proposent même au public afro américain la visite
pèlerinage de l’île qui aurait vu passer leurs ancêtres ; au mois de
février 1992, lors d’un voyage au Sénégal, le Pape Jean-Paul II lui-même
accrédita la légende de « Gorée l’île aux esclaves ».
Le
« clou » de la visite est la tristement célèbre « Maison des esclaves »
où les chaînes qui retenaient les captifs sont encore en place.
L’histoire de ce bâtiment est racontée avec lyrisme par des guides
auxquels aucun superlatif n’est étranger. Ils racontent ainsi qu’elle
fut construite par les Hollandais au XVII° siècle, que ce fut à
l’origine une « esclaverie », qu’elle fut le cœur du honteux système
esclavagiste régional centré sur l’île de Gorée. Ses murs ont vu passer
des centaines de milliers ou même des millions de Noirs arrachés à leur
terre. La visite détaillée permet d’ailleurs de se faire une idée des
épouvantables conditions de vie des malheureux. Elle se poursuit par la
découverte des cellules des hommes, de celles des femmes et même, moment
particulièrement émouvant, de celles des enfants. Le cachot n’est pas
oublié dans lequel étaient enchaînés et enfermés les sujets rebelles.
Cette
maison a fière allure depuis qu’elle a été restaurée. Une plaque
apprend ainsi au visiteur que, parmi les mécènes figure une association
prestigieuse, la Fondation France Liberté, présidée par Madame Danielle Mitterrand, veuve d’un ancien président de la république française.
Le
seul problème, mais il est de taille, est que la « Maison des
esclaves » n’en n’était pas une et que Gorée ne fut pas un centre
important de la traite esclavagiste !
La
véritable histoire de la « Maison des esclaves » a en effet été écrite
notamment par deux historiens de l’IFAN (Institut fondamental de
l’Afrique noire), Abdoulaye Camara, préhistorien et archéologue, ancien
conservateur du Musée de Gorée puis du Musée d’Art africain de Dakar, et
par le père jésuite Joseph Roger de Benoist, spécialiste de l’histoire
du Sénégal. Le lecteur curieux pourra se reporter à ce sujet au journal Le Monde en date du 27 décembre 1996 et à l’article intitulé « Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ».
L’histoire
racontée par ces historiens est bien différente de la légende
officielle de Gorée pieusement récitée par les guides locaux:
1) Ce ne seraient pas les Hollandais qui construisirent la « Maison des
esclaves » au XVIIe siècle, mais les Français et cela en 1783, donc à
une période où la traite européenne avait cessé dans la région de la
Sénégambie depuis plusieurs décennies. Une traite subsistait certes à
cette époque, mais elle était à destination de l’Afrique du Nord et elle
était pratiquée par des esclavagistes arabo-musulmans. Gorée ne fut pas
concernée par elle.
2) Cette maison aurait été commandée par Anna Colas, une signare, c’est à dire une riche métisse.
3) Les « cellules » auraient été en réalité des entrepôts de marchandises.
4) Comme toutes les demeures coloniales de cette époque, la maison abritait une nombreuse domesticité et certainement même des esclaves qui y assuraient les tâches les plus ingrates, mais ce n’était pas une « esclaverie ».
5) A l’époque de la traite florissante, Gorée ne fut pas un centre esclavagiste. Au maximum du mouvement, c’est à dire au XVIIe et peut-être au début des XVIIIe siècles, les historiens estiment en effet entre deux cents et cinq cents le nombre d’esclaves qui y transitaient annuellement.
2) Cette maison aurait été commandée par Anna Colas, une signare, c’est à dire une riche métisse.
3) Les « cellules » auraient été en réalité des entrepôts de marchandises.
4) Comme toutes les demeures coloniales de cette époque, la maison abritait une nombreuse domesticité et certainement même des esclaves qui y assuraient les tâches les plus ingrates, mais ce n’était pas une « esclaverie ».
5) A l’époque de la traite florissante, Gorée ne fut pas un centre esclavagiste. Au maximum du mouvement, c’est à dire au XVIIe et peut-être au début des XVIIIe siècles, les historiens estiment en effet entre deux cents et cinq cents le nombre d’esclaves qui y transitaient annuellement.
Et
pourtant, il ne manque pas de lieux, réels ceux-là, où il est possible
de voir comment était véritablement organisé l’odieux commerce des
esclaves.
J’en
citerai un seul dans cette Afrique de l’Ouest littorale qui vit tant de
royaumes africains esclavagistes vendre plusieurs millions d’hommes, de
femmes et d’enfants à leurs partenaires européens. Il s’agit du fort de
Cape Coast, situé au Ghana, à environ 200 kilomètres à l’ouest d’Accra
et qui fut le principal point d’exportation des esclaves vendus par le
royaume Fanti aux négriers anglais, hollandais et même suédois qui s’y
succédèrent. Il serait également possible de citer, entre autres, Elmina
à l’est de Cape Coast et Christiansborg (ou Osu) à Accra.
La
« mauvaise monnaie chassant la bonne », les petits arrangements avec
l’Histoire sont peut-être favorables à l’industrie touristique de Gorée,
mais, outre le fait qu’ils décrédibilisent ceux qui les cautionnent,
ils risquent de faire le lit de ceux qui nient la traite esclavagiste ou
qui la relativisent. Bernard Lugan http://bernardlugan.blogspot.fr
12/10/10
12/10/10
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